Brésil: La Commission Pastorale de la Terre dénonce une «terre sans loi»
Le Brésil est devenu «une terre sans loi où tout est permis», titre un communiqué de Commission Pastorale de la Terre (CPT), publié le 24 août 2016. La CPT y dénonce la détérioration du climat politique et social dans le pays.
Selon la CPT, les mesures politiques, sociales et juridiques de flexibilisation de l’emploi ainsi que l’élimination d’un nombre important de garde fou sociaux et environnementaux sont «autant de retours en arrière qui rappellent la période de la dictature civile et militaire».
Déforestation et violence rurale
«Les grands propriétaires, les exploitants forestiers ainsi que d’autres acteurs de l’agrobusiness continuent leur avancée sur la forêt amazonienne avec une intensité jamais vue jusqu’à lors», indiquent les responsables de la CPT. Ces derniers s’appuient sur des relevés satellitaires provenant de l’Institut de l’Homme et de l’Environnement d’Amazonie (Imazon) montrant que la région amazonienne a perdu 972 km2 de forêt en juin 2016, soit une augmentation de 97% par rapport à juin 2015.
Autre motif de préoccupation, l’accroissement inquiétant de la violence contre les hommes et les femmes dans les campagnes, en particulier contre les indigènes et les habitants des quilombolas (descendants des esclaves). Une violence qualifiée «d’ethnocide haineux».
«Si en 2015, 50 personnes avaient été tuées dans le cadre de conflits de la terre, le cadre de cette année 2016 est encore pire, soulignent les responsables. Ainsi, à la mi-août, nous avons déjà enregistré 40 homicides de travailleurs ruraux, soit 33% de plus que l’année dernière à la même époque». La CPT assure également que les tentatives d’assassinat ont augmenté de 58%, avec 43 tentatives à la mi-août au lieu de 28 l’an dernier à la même époque.
Justice défaillante et mouvements sociaux stigmatisés
Dans son communiqué, la CPT dénonce le pouvoir judiciaire, estimant que ce dernier «a agi sans scrupule, en étant le bras du capital et des intérêts de l’agrobusiness». Pour la commission pastorale, un cas emblématique a eu lieu dans l’état de Bahia, au nord-est du Brésil, où une décision judiciaire nie le droit de près de 400 familles à vivre sur des terres qu’elles occupaient depuis plus de 100 ans. Des terres publiques qui ont été octroyées à des entreprises privées.
La criminalisation de la société civile est également vivement dénoncée par la Commission Pastorale de la Terre. La CPT cite l’exemple de L’État de Goias (au centre du pays) qui a servi de laboratoire pour la répression et la criminalisation des mouvements sociaux. Des peines de prison ont été prononcées à l’encontre de quatre responsables du Mouvement des Paysans sans terre (MST). Cette organisation sociale, la plus importante du continent latino américain, a même été qualifiée «d’organisation criminelle» par le juge.
Un «coup d’Etat» aux conséquences dramatiques
Pour les responsables de la Commission Pastorale de la Terre, «cette explosion de violence et d’agressions est étroitement liée au coup d’état parlementaire, judiciaire et médiatique dont a été victime Dilma Rousseff, et qui a été perpétré contre la volonté du peuple». «Si la destitution de la Présidente est votée dans les prochains jours, il s’agira d’un véritable ‘coup d’état’ aux conséquences dramatiques», estime la commission pastorale.
Certaines sont déjà visibles, selon la CPT. Par exemple, la proposition de loi destinée à permettre la vente de terres à des étrangers constitue pour la CPT une «preuve» que le pouvoir actuel vise une plus grande concentration des terres, pourtant source de conflits. Autre crainte, la création par le Ministre de la Défense, Raul Jungmann, de forces spéciales d’intervention destinées à «encadrer» les actions d’occupations de terres du MST et des mouvements sociaux qui s’opposeraient aux mesures prises par le gouvernement encore intérimaire.
Face à ce climat social et politique difficile, la CPT prévoit de fortes réactions populaires. Des actions «qui seront probablement réprimées dans la violence et qui vont plonger le pays dans une convulsion sociale», craignent les responsables de la Commission Pastorale de la Terre. Ces derniers estiment que «la campagne pour les élections municipales (le 2 octobre prochain, ndlr) déjà lancée pourrait calmer voir reporter ce tableau sinistre. Mais il ne disparaitra pas sans un retour à la normalité démocratique». (cath.ch-apic/jcg)