La figure d'Irma Dulce est très populaire au Brésil | © Turismo Bahia/wikimedia/CC BY-SA 2.0
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Brésil: la canonisation très attendue du «bon ange de Bahia»

La religieuse brésilienne Irma Dulce sera canonisée le 13 octobre 2019 à Rome avec quatre autres personnalités, dont la Fribourgeoise Marguerite Bays (1815-1879). 27 ans après sa mort, en 1992, Irma Dulce, surnommée «le bon ange de Bahia», suscite toujours beaucoup d’admiration et de dévotion auprès des Brésiliens, en particulier à Salvador de Bahia, au nord-est du pays, où elle a dédié son existence aux plus démunis.

Claudia Reis devra se lever à l’aube. Mais cette quinquagénaire au visage jovial ne raterait pour rien au monde la transmission télévisée. Car ce dimanche, le pape François présidera la messe de canonisation d’Irma Dulce, célébrée à 10 heures, heure de Rome. «Ici, il sera 5 heures du matin, sourit Claudia. Mais ce sera une grande joie de nous réveiller tôt. Nous avons déjà prévu avec des amies de ma paroisse de regarder ensemble ce grand moment pour tous les Brésiliens».

Claudia Reis a, il est vrai, une histoire personnelle avec Irma Dulce. «Enfant, j’ai vécu avec ma grand-mère. Nous étions très pauvres. Un jour, je l’ai accompagnée jusqu’à la maison de la religieuse. Elle voulait demander à Irma Dulce de prier Dieu afin qu’elle puisse enfin recevoir sa pension de retraite qui n’était pas versée, malgré toutes ses démarches». La religieuse étant absente, la grand-mère décide d’attendre. Les heures passent. À la nuit tombée, Irma Dulce, déjà âgée, rentre fourbue de sa journée de travail.

De nombreux témoignages de gratitude

«Une jeune religieuse est venue dire à ma grand-mère qu’elle était épuisée et qu’elle devrait revenir une autre fois». C’est à ce moment qu’Irma Dulce se présente. «Elle a dit: ‘comment peut on renvoyer une femme qui attendu si longtemps?’. Elle s’est assise avec ma grand-mère, l’a écoutée, puis elles ont prié ensemble. Quelques jours plus tard, le dossier de versement était miraculeusement débloqué. Ma grand-mère a même perçu des arriérés qu’elle a toute de suite utilisés pour acheter du matériel pour l’hôpital créé par la religieuse. Et ensuite, chaque mois, elle donnait une petite partie de sa pension à l’œuvre d’Irma Dulce».

Depuis une bonne dizaine de jours, des témoignages comme celui-ci se multiplient dans les colonnes du quotidien A Tarde, distribué dans tout l’État de Bahia, à l’est du Brésil. Cette terre, Maria Rita de Souza Brito Lopes Pontes, surnommée «Irma Dulce des pauvres», la connaît bien. C’est en effet à Salvador, la capitale, que la religieuse de la congrégation des Sœurs missionnaires de l’Immaculée conception, est née le 26 mai 1914. Elle y a passé l’essentiel de son existence et y est décédée le 13 mars 1992, à l’âge de 77 ans, après une existence au service des plus démunis.

Une importante oeuvre sociale

Car, en dépit d’une santé fragile, Irma Dulce a créé et développé l’une des plus importantes et respectées œuvres philanthropiques du pays. Parmi les établissements que la religieuse a fondés, le plus réputé est sans aucun doute l’hôpital Santo Antonio, connu à Salvador de Bahia sous le nom de «l’hôpital d’Irma Dulce». Dans un pays où la santé publique est exsangue et la santé privée hors de prix, cet établissement, créé en 1959, offre des soins 100% gratuits. «L’établissement est capable d’accueillir 700 patients et 200 cas ambulatoires par jour, assure Lucrécia Savernini de Freitas, la responsable du secteur Santé des Œuvres sociales de la religieuse, qui compte également plusieurs centres d’éducation professionnelle et des écoles. Nous assurons 18’000 hospitalisations annuelles et près de 12’000 actes chirurgicaux».

«Cette œuvre est un miracle et continue de l’être aujourd’hui, estime pour sa part Sœur Olivia, dans le quotidien Correo da Bahia. La religieuse, qui a travaillé plusieurs années avec la future Sainte, se souvient que cette dernière déployait une énergie inouïe et une foi inébranlable malgré les difficultés matérielles, pour assurer le fonctionnement des différentes entités. «Elle disait: ‘cette œuvre n’est pas la mienne, mais celle de Dieu. Et Dieu ne va jamais abandonner les patients’».

Stade plein, le 20 octobre

«Cette canonisation permet de mettre en valeur la simplicité dont a fait preuve Irma Dulce, sa dévotion à Jésus Christ, sa capacité à le voir dans les personnes les plus démunies, et sa capacité à s’oublier elle-même pour répondre aux nécessités qui se présentaient et se multipliaient quotidiennement face à elle», a déclaré Mgr Mourilo Krieger, archevêque de Salvador et primat du Brésil, en évoquant les vertus de la future sainte.

Le prélat célébrera d’ailleurs, le 20 octobre, dans le stade de football de Fonte Nova, à Salvador de Bahia, une grande messe en hommage à «Santa Dulce». Outre la cérémonie religieuse, l’événement sera agrémenté de plusieurs spectacles théâtraux et musicaux, comme celui de Margaret Menezes, chanteuse bahianaise largement connue au Brésil, qui a été recueillie et aidée par la religieuse lorsqu’elle était adolescente. Les 50’000 tickets disponibles ont été distribués en intégralité depuis le 1er octobre, dans les paroisses. (cath.ch/jcg/rz)

Paulo Coelho, «sauvé» par Irma Dulce

L’écrivain Paulo Coelho a annoncé début octobre 2019 qu’il avait fait un don d’un million de réaux (environ 240’000 francs suisses) aux oeuvres sociales d’Irma Dulce. Au cours d’une interview télévisée, il a en effet expliqué que la future Sainte l’avait aidé lorsqu’il avait fui son domicile, et s’était rendu à Bahia. Il a indiqué que, sans argent, on lui avait conseillé de s’adresser à Irma Dulce, qui l’avait accueilli et secouru. JCG

La figure d'Irma Dulce est très populaire au Brésil | © Turismo Bahia/wikimedia/CC BY-SA 2.0
11 octobre 2019 | 10:50
par Jean-Claude Gérez
Temps de lecture : env. 4  min.
Brésil (392), Canonisation (215)
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