Michel Temer, président du Brésil (Photo: Wikimedia Commons)
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Brésil: Critiqué par l’Église, Temer a rencontré le Nonce apostolique

Alors que les tensions entre l’Église catholique et Michel Temer, le président brésilien, sont vives autour de la réforme du travail et du système des retraites, ce dernier a reçu, mercredi 3 mai au Palais présidentiel du Planalto, à Brasilia, Mgr Giovanni d’Aniello, le nonce apostolique. Au programme, une réunion d’explication sur les réformes en cours dans le pays. L’information a été révélée samedi 6 mai par l’hebdomadaire conservateur «Veja».

Alors que le gouvernement est particulièrement préoccupé par l’opposition ouverte de responsables catholiques nationaux à ses projets de réforme, Michel Temer n’a pas hésité à interrompre une réunion avec les députés pour recevoir le représentant du Vatican. D’après l’hebdomadaire «Veja», le président aurait en effet été conseillé par de nombreux parlementaires de son mouvement à établir un contact direct avec le Vatican face à la résistance de la CNBB concernant les réformes du travail et du système des retraites.$

La rencontre a eu lieu alors que se tenait, du 26 avril au 5 mai, la 55ème Assemblée générale de la Conférence nationale des évêques (CNBB), au sanctuaire marial d’Aparecida. Une réunion durant laquelle la situation sociale du pays avait  été largement évoquée par les évêques et avait donné lieu à une note officielle intitulée «Le grave moment national». (voir article cath.ch du 5/05).

«Changements nécessaires»

A Brasilia, Michel Temer a expliqué au nonce apostolique les détails de la réforme du système des retraites et lui a remis un document contenant des informations à même, selon lui, de défendre ce projet approuvé par la Commission Spéciale de la Chambre des Députés. Le gouvernement assure depuis plusieurs mois que «des changements sont nécessaires pour protéger les retraites des couches les plus défavorisées de la population.»

Vendredi 28 avril, des prêtres et des religieux catholiques, ainsi que des communautés ecclésiales de base (CEB), ont marqué de leur présence les manifestations organisées dans les principales villes du pays dans le cadre de la grève générale, y compris sur l’Esplanade des Ministères, à Brasilia, la capitale.

«Le chemin de l’exclusion sociale»

A la fin du mois de mars, le Conseil Permanent de la CNBB avait d’ailleurs appelé «les personnes de bonne volonté à se mobiliser pour chercher le meilleur pour le peuple brésilien, en particulier les plus pauvres», et critiqué la réforme du système des retraites. Dans une note officielle, l’organe officiel de l’Église catholique brésilienne avait également affirmé que le projet de réforme du système des retraites choisissait «le chemin de l’exclusion sociale».

Dans cette même déclaration, les responsables de la CNBB avait rappelé que «aucune solution destinée à équilibrer un possible déficit ne pouvait faire l’impasse sur les valeurs éthiques, sociales et solidaires», et regretté que la réforme du système de retraites proposée par le gouvernement ne relevait que d’une optique «strictement économique.»

Débat sous influence et corruption

Mais il y a pire. Dans le même communiqué, les évêques affirment que «le gouvernement a conçu cette réforme sur la base d’informations incertaines, sans fondement et contradictoires.» Et de rajouter que «le débat ne peut pas se limiter à une dispute idéologico-partisane et être soumis à l’influence de groupes ayant des intérêts divers.»

Peu après la visite de Mgr Giovanni d’Aniello, la Conférence des Évêques du Brésil est revenu à la charge contre les réformes et a de nouveau critiqué la dégradation de la politique nationale et l’ampleur de la corruption dans le pays, sans pour autant, cette fois-ci, citer nommément des membres du gouvernement ou des partis, alors même que les scandales de corruption touchent, jusqu’au sommet, tous les niveaux du pouvoir en place.

«Mépris de l’éthique»

D’ailleurs, dans sa note de conclusion de la 25ème Assemblée générale de la CNBB, les évêques ont affirmé que le Brésil est «un pays perplexe face aux agents publics et privés qui ignorent l’éthique et renoncent aux principes moraux, base indispensable d’une nation qui se veut juste et fraternelle.»

«Le mépris de l’éthique entraîne une promiscuité entre les intérêts publics et privés, la raison première des scandales de corruptions qui secouent notre pays», assure le texte. La CNBB souligne également que, intimement liée à la politique, l’économie globalisée a constitué un véritable supplice pour la majorité de la population brésilienne, parce qu’elle donne la préférence au marché au détriment de la personne humaine, et au capital au détriment du travail, alors que ce devrait être le contraire.

Temer minimise l’ampleur des critiques

Dans un entretien accordé le jeudi 4 mai à Rede TV, un canal de télévision lié à l’Église Évangélique du Royaume de Dieu, Michel Temer a déclaré que seuls «quelques secteurs de l’Église catholique et une partie de la CNBB» s’opposaient publiquement aux réformes. Le président –non élu- a également rappelé qu’il s’était déjà engagé «à faire parvenir aux évêques des informations et de dialoguer avec plusieurs responsables de l’Église catholique, comme Mgr Sergio da Rocha, le Président de la CNBB. (cath.ch/jcg/pp)

Michel Temer, président du Brésil
8 mai 2017 | 17:46
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 3  min.
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