Brésil: 13ème Pèlerinage de la Forêt, en souvenir de Sœur Dorothy Stang

Le 13ème Pèlerinage de la Forêt, au cœur de l’Amazonie brésilienne, organisé en mémoire de Sœur Dorothy Stang, assassinée le 12 février 2005 par deux pistoleros à la solde de grands propriétaires terriens, a été marqué cette année par l’absence du Père José Amaro Lopes. Le prêtre est en liberté provisoire, après trois mois d’emprisonnement pour «incitation à la violence» de paysans sans terre.

Membre de la Commission Pastorale de la Terre (CPT) émanant de la Conférence des évêques du Brésil (CNBB), le curé d’Anapu est accusé d’avoir incité les habitants de cette localité de l’Etat du Para à la violence et à l’occupation illégale de terrains privés. Il a été remis en liberté provisoire le 30 juin dernier.

Du 19 au 22 juillet, à Anapu, s’est tenu le 13ème Pèlerinage de la Forêt, en mémoire de Sœur Dorothy Stang. Un Pèlerinage de la Forêt en… ville. Pour la 1ère fois depuis 2006, le pèlerinage destiné à rendre hommage à Sœur Dorothy Stang n’aura pas parcouru la cinquantaine de kilomètres séparant la petite ville d’Anapu, en pleine Amazonie, et le Projet de Développement Durable (PDS) Esperança, créé en 2003 par la religieuse. Ce PDS Esperança qui avait permis à l’époque de récupérer, au nom de la Réforme Agraire, 3’000 hectares de terres jusqu’à lors occupés illégalement par des propriétaires terriens. Un acte que ces derniers ne lui ont jamais pardonné, au point de la faire assassiner.

Sur la tombe de Soeur Dorothy Stang, lors du Pèlerinage de la Forêt 2015 | © Jean-Claude Gerez

Eloge de la non-violence

«Compte-tenu du climat de violence qui règne dans la région, notamment pour les petits paysans, il a été décidé cette année de convertir le pèlerinage en une succession de marches et d’occupations de rues à Anapu», ont expliqué les organisateurs. D’où une succession de marches qui ont permis de rassembler des centaines de personnes, chrétiens et habitants de la forêt autour du thème: «Grâce au témoignage de Dorothy, nous vaincrons la violence».

Les participants ont ainsi été invités à se souvenir des «martyrs de la forêt». Dans la lutte pour leurs droits, les travailleurs d’Anapu n’ont jamais tué, mais beaucoup d’entre eux ont été assassinés. La preuve ? Seize travailleurs ruraux ont été victimes d’homicides à Anapu depuis la mort de la religieuse américaine», a rappelé la Commission Pastorale de la Terre (CPT).

Hommage au Père Amaro

Outre l’évocation de la mémoire ces victimes, les organisateurs de ce 13ème Pèlerinage de la Forêt avait axé leurs slogans sur la préservation de la forêt amazonienne, et des biens et ressources naturelles qui sont dévastés quotidiennement par les grands propriétaires terriens ou les entreprises agro-industrielles.

La principale revendication des marches qui ont égrenées ce 13ème  Pèlerinage de la Forêt, a cependant porté sur la lutte pour la liberté du Père Jose Amaro Lopes, emprisonné le 27 mars dernier au Centre pénitentiaire d’Altamira et qui a bénéficié, le 30 juin dernier d’une mesure d’habeas corpus, lui permettant de préparer sa défense en liberté.

«Triste et heureux à la fois»

Joint par téléphone à la Prélature d’Altamira où il est hébergé depuis sa libération, le prêtre, principal créateur de cet événement, n’a pas pu participer à cette édition du Pèlerinage de la Forêt. « Je ne l’avais jamais raté, souligne le Père Amaro. Mais compte-tenu des mesures restrictives liées à ma remise en liberté, je n’ai pas pu me rendre à Anapu. Cela a donc été une grande tristesse de ne pas pouvoir me joindre aux participants. Cependant, j’ai éprouvé beaucoup de fierté et de joie en apprenant que la mobilisation avait été importante et que mon absence n’interférait en rien la détermination des gens à démontrer leur foi et leur engagement pour une lutte juste».

«La Parole de Dieu comme arme»

À propos du thème du Pèlerinage (ndlr: «Grâce au témoignage de Dorothy, nous vaincrons la violence»), le curé d’Anapu a rappelé que la religieuse américaine avait montré, en perdant la vie et en versant son sang, que son combat à elle avait été sans violence. «Comme elle, notre lutte se base sur la Parole de Dieu et sur l’engagement pour la justice. Nous répétons que nous pouvons et voulons vaincre la violence par la non-violence et lutter contre cette loi du silence qui veut nous être imposée, y compris en étant mis en prison injustement comme cela a été le cas pour moi». (cath.ch/jcg/be)

13ème Pèlerinage de la Forêt, en souvenir de Sœur Dorothy Stang | © Jean-Claude Gerez
26 juillet 2018 | 10:37
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
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