Bouveret: les Spiritains repartent en mission… en Suisse
Les Pères Spiritains ferment le bâtiment de l’Ecole des Missions du Bouveret (VS). Rénové, l’ouvrage rouvrira en 2019 avec la triple mission d’accueillir des jeunes en difficulté, des requérants d’asile et des groupes. La réorientation, souhaitée par la communauté, a été détaillée le 6 novembre 2017.
«Vous êtes les derniers à utiliser ce bâtiment», lance Benjamin Roduit, le chef du projet de la rénovation du centre d’accueil de l’Ecole des Missions du Bouveret (VS). Il présente à la presse et aux invités le projet de rénovation et de réaffectation du site.
Trop vieux, ne répondant plus aux normes de sécurité – notamment antisismiques – en vigueur dans le canton, et devant être désamianté, le centre spiritain «Tibériade» fermera le 15 novembre prochain pour une réouverture prévue en 2019. Il sera entièrement rénové et son aménagement repensé.
«Une mission moins dirigée vers l’Afrique»
Anticipant l’échéance, la communauté vieillissante des Pères Spiritains ne souhaitait cependant pas vendre le site. Le but est de continuer la mission en Suisse «sous une autre forme et moins dirigée vers l’Afrique comme autrefois», indique le Père Pierre Pochon, provincial de la congrégation. Une mission qui sera aussi plus œcuménique avec un dialogue interreligieux à mettre en route, ajoute-t-il.
Pour mener cette mission à bien, Benjamin Roduit, ancien recteur du Collège des Creusets à Sion, a ainsi été nommé chef de projet. Il s’est entouré d’un comité dans lequel siègent, entre autres, le Père Pierre Pochon, le Père André Caron de la communauté et Olivier Cheseaux, architecte du bureau Anako.
Une mission triple
La réflexion, amorcée il y a trois ans, débouche sur un projet triple. L’accueil de séminaires, des retraites spirituelles, des montées vers Pâques du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, et des sociétés locales se poursuivra.
Le bâtiment rénové abritera, c’est nouveau, une vingtaine de jeunes adultes déscolarisés et en difficulté de formation. Ces jeunes, issus de la Suisse romande, seront placés par des fondations privées ou des institutions bénéficiant de contrats de prestations avec les services cantonaux.
L’accueil, également nouveau, de requérants d’asiles et de Suisses au bénéfice de l’aide sociale, leur permettra de se former. Tout en travaillant sur le site pour en assurer la bonne marche, ils se formeront aux métiers de la restauration, de l’intendance et de la conciergerie.
«Nous avons une forte demande dans ces secteurs d’activité avec de bonnes chances de débouchés», explique Jérôme Favez, chef du Service de l’action sociale de l’Etat du Valais. Il met en avant le double avantage du partenariat entre le futur site et l’Etat qui contribuera ainsi au projet en mettant du personnel à disposition pour faire tourner la structure.
Un projet estimé à 10 millions
Le projet est estimé à 10 millions de francs. La vente de 15’000 m2 de terrains, situés en amont du site, de l’autre côté de la route cantonale, permettra de financer en partie les travaux. Le comité est en contact avec des acheteurs potentiels, mais aucune promesse de vente n’est pour l’instant signée.
La communauté du bout du lac compte sur une levée de fonds auprès d’associations et de fondations. «L’organisation de manifestations telles que les mémorables kermesses de l’Ecole des Missions n’a pas été oubliée», ajoute Benjamin Roduit. Il table sur 8’000 nuitées par an pour assurer l’autofinancement du site. Un objectif «tout à fait réalisable» selon le chef du comité, si l’on compte aussi la location des salles du site pour les différentes manifestations que le centre accueillera. Il évoque un plan d’amortissement prévu sur 25 ans.
«Cela dit, le plan financier n’est pas bouclé. Le chiffre de 10 millions est une estimation. Nous espérons des devis inférieurs à ce montant», relève le Père Pochon. Le provincial assure que la budgétisation des travaux est en cours et que le plan financier doit être précisément chiffré.
Deuxième vague de travaux
«On ne touche pas à la chapelle pour l’instant, mais il faudra à moyen terme la rénover aussi. Par endroits, on voit les fers à béton», explique le Père Pochon. Le lieu fait partie d’une deuxième vague de travaux prévus après la réouverture du grand bâtiment. La maison qui héberge l’association «La Parenthèse» n’échappera pas à la démolition. Le passage des bulldozers n’est pas agendé mais Benjamin Roduit promet de tout mettre en œuvre pour reloger sur le site l’association qui accueille des personnes polyhandicapées.
Représentant les diocèse d’Annecy, de Lausanne, Genève et Fribourg et de Sion, l’abbé Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion a salué le nouvel engagement des spiritains. «Ils auraient pu tout vendre et quitter le site. Je les remercie vivement de renouveler leur mission». Il a évoqué les retraites spirituelles, les montées vers Pâques et les sessions pastorales du diocèse de Sion qui se sont déroulées dans ce bâtiment, «un lieu vers lequel ont convergé tant de personnes de France voisine et de la Suisse romande».
Les masques africains, les sagaies les tentures aux couleurs chatoyantes et les objets du quotidien africain en bois, souvenirs d’un siècle de missions en Afrique, réchauffent les murs en béton du bâtiment. Les retrouvera-t-on dans le nouvel écrin des Missions? (cath.ch/bh)
L’Ecole des Missions: 100 ans d’histoire
L’Ecole des Missions est le fruit du travail du Père Joseph Villetaz, fondateur de la communauté spiritaine en Suisse. Cet ancien missionnaire au Katanga, province de la république démocratique du Congo (RDC), avait été chargé de jeter les bases d’une maison de formation pour les jeunes de Suisse romande qui désiraient devenir spiritains.
Après trois ans passés à Grimisuat où il fonde son œuvre de formation en 1917, il s’installe au Bois-Noir, près de Saint-Maurice (VS) en 1920, puis à Fribourg en 1930. Il achète, en 1937 un ancien hôtel, «Le Chalet de la Forêt», qui devient alors l’Ecole des Missions.
En 1967, les bâtiments devenant un peu étroit, un nouveau collège et une nouvelle chapelle sont construits au bord du lac. Pendant un demi-siècle, tous les missionnaires spiritains suisses ainsi que bon nombre d’acteurs pastoraux des diocèses de Suisse y seront formés.
En 1987, le collège secondaire ferme, mais la maison conserve sa vocation éducative et spirituelle au service de l’Eglise de Suisse, particulièrement des diocèses romands. Actuellement, la communauté compte encore 30 Pères spiritains, avec une moyenne d’âge de 70 ans, répartis entre la Suisse, la France et l’Afrique.