Une église détruite par l'armée birmane dans le village de Daw Ngay Ku, dans l'Est de l'État de Kayah, entre fin juin et début juillet 2022 | © Vatican Media
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Birmanie: la répression contre les chrétiens s’est accentuée

La Birmanie est entrée dans la troisième année de guerre depuis le coup d’État militaire qui a déposé Aung San Suu Kyi et son gouvernement, le 1er février 2021. Les chrétiens et leurs églises ont payé un lourd tribu, notamment dans les États Kachin, Karen, Kayah et Chin, peuplés en majorité de chrétiens et où la résistance est très active.

L’image de la religieuse qui s’est interposée entre la police et les manifestants en mars 2021, au moment des premières émeutes qui ont suivi le coup d’Etat des militaires, reste un symbole de la résistance à la junte. Le pays a sombré dans la guerre civile, dont le bilan est estimé à plus de 23’000 morts, 2,4 millions de déplacés dans le pays et plus de 40’000 réfugiés. Suite à la répression sanglante des manifestations par la junte militaire, les forces d’opposition sont entrées en résistance contre l’armée depuis le mois de septembre 2021.

Frappes aériennes intenses

Depuis le coup d’État militaire qui a renversé Aung San Suu Kyi le 1er février 2021, des bombardements aériens ont frappé tout le pays, détruisant des écoles, des bâtiments de culte et des hôpitaux. Ces frappes se sont intensifiées depuis novembre 2023, car la junte au pouvoir fait face à une résistance armée de grande ampleur, menée par une alliance de groupes rebelles.

L’«Opération 1027» (27/10), nom donné à l’offensive lancée dans le nord du pays en octobre 2023, a mis l’armée birmane (Tatmadaw) en difficulté, contraignant des soldats à fuir en Inde et en Thaïlande ou à se rendre. Mais la Tatmadaw n’est pas encore battue.

Un village détruit par la junte birmane dans le district de Saïgang, en février 2022 | © Vatican Media

Entre février 2021 et juillet 2023, indique un rapport publié en septembre 2023 par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, l’armée birmane a lancé 988 frappes aériennes dans tout le pays; 301 ont été menées entre février 2021 et mars 2022, le reste au cours de l’année écoulée. Au moins 281 personnes, toutes civiles, ont été tuées lors de ces frappes qui, selon le document, «instillent la terreur dans la population civile». Dans de nombreuses régions du pays, la population «craint d’être bombardée chez elle, dans les écoles, les hôpitaux, les édifices religieux et lors de rassemblements publics».

Au moins 100 sites religieux détruits

Selon l’organisation Chin Human Rights, citée par l’agence de presse UCA News, depuis février 2021, au moins 100 sites religieux, dont 55 institutions chrétiennes, ont été détruits. «La destruction des églises chrétiennes est délibérée pour infliger un traumatisme psychologique à une communauté religieuse et culturelle spécifique. Ce ne sont pas des dommages collatéraux», a déclaré Salai Za Uk Ling, directeur exécutif adjoint de cette organisation. Les chrétiens, dont la majorité sont baptistes, représentent environ 8% (dont 1% de catholiques) de la population du Myanmar, dont la principale religion est le bouddhisme.

Les communautés chrétienens sont situées dans les Etats Chin, Kahah, Karen et Kachin | Wikipedia/Aotearoa/CC BY-SA 3.0 Deed

Les violences exercées par l’armée du Myanmar ne sont pas une nouveauté dans les régions chrétiennes du pays, notamment dans les États Kachin, Karen, Kayah et Chin. Une grande partie de la population n’y accepte pas la domination de l’État central. La répression a cependant redoublé depuis le coup d’État militaire de 2021. 90% des attaques aériennes ont eu lieu dans ces États et dans la région de la ville de Sagaing, au nord, analyse l’agence Fides.

Surveillance des chrétiens accrue

L’utilisation croissante par l’armée de technologies sophistiquées – en grande partie importées de Chine et de Russie – représente un autre défi pour les croyants du Myanmar, relève pour sa part l’ONG protestante Portes Ouvertes. Les personnes suspectées font généralement l’objet d’une surveillance intrusive, de sorte qu’il est difficile d’échapper aux griffes de l’armée. Les chrétiens doivent aussi être très attentifs à ce qu’ils disent au téléphone, et les partenaires locaux de Portes Ouvertes doivent être prudents dans leurs communications et leurs transactions financières.

Au début du coup d’État de 2021, les lignes téléphoniques et l’internet ont été coupés dans les régions à majorité chrétienne pour empêcher la diffusion d’informations sur ce qui se passait, et aujourd’hui, quiconque partage quoi que ce soit en ligne sur les autorités risque de graves conséquences.

Qui est le plus exposé à la persécution?

Durant l’année écoulée, la guerre civile s’est enlisée dans les régions à forte présence chrétienne, comme l’État Chin. Mais le conflit étant généralisé, les convertis sont en danger dans les régions où l’influence chrétienne est moindre. La persécution est un risque très réel pour les chrétiens situés hors des États à majorité chrétienne.

Au-delà du conflit, ajoute l’ONG protestante, les convertis au christianisme se retrouvent persécutés par leurs familles et communautés bouddhistes, musulmanes ou tribales parce qu’ils ont quitté leur religion d’origine. Les communautés qui veulent rester «purement bouddhistes» rendent la vie impossible aux familles chrétiennes.

Depuis trois ans, le pape François a lancé plusieurs appels à la paix et à la retenue en Birmanie. Notamment le 8 janvier dernier, en s’adressant aux diplomates au Vatican. «Je voudrais également attirer l’attention de la communauté internationale sur la Birmanie, en demandant que tous les efforts soient faits pour redonner de l’espoir à cette terre et un avenir digne aux jeunes générations», a-t-il demandé. (cath.ch/fides/vatnews/eda/ag/bh)

Une église détruite par l'armée birmane dans le village de Daw Ngay Ku, dans l'Est de l'État de Kayah, entre fin juin et début juillet 2022 | © Vatican Media
7 février 2024 | 17:00
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 4  min.
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