de Chevetogne élevé au rang d’Abbaye
Belgique : Le monastère bénédictin (271290)
Un rôle éminent sur plan oecuménique
Chevetogne, 27décembre(APIC/CIP) Le monastère bénédictin de Chevetogne,
près de Ciney, dans le Condroz belge, joue depuis sa création un rôle de
premier plan dans la promotion du dialogue entre les différentes Eglises
chrétiennes à travers le monde. Chevetogne vient d’être élevé au rang d’Abbaye par décision de la Congrégation du Vatican pour les Eglises orientales. De la part du Vatican, c’est une reconnaissance du rôle éminent joué
par les moines de Chevetogne sur le plan oecuménique.
Le monastère bénédictin de Chevetogne a été fondé en 1925 pour se consacrer à l’unité des chrétiens séparés depuis des siècles. Son fondateur, Dom
Lambert Beauduin, moine de l’abbaye bénédictine du Mont-César (Louvain), a
été à la fois un pionnier du mouvement de renouveau liturgique et un pionnier des efforts de rapprochement oecuménique vers les autres Eglises entrepris à l’intérieur de l’Eglise catholique. Dom Lambert Beauduin fut notamment associé de très près aux Conversations de Malines qui, à travers le
cardinal Mercier et le Britannique Lord Halifax, marquèrent entre 1921 et
1926 un premier effort de rapprochement entre catholiques et anglicans séparés depuis quatre siècles. Mais Dom Lambert Beauduin eut également l’occasion de nouer de nombreux contacts à l’étranger, spécialement avec les
chrétiens de tradition orthodoxe en Europe de l’Est.
Le projet de Dom Lambert Beauduin: restaurer l’unité des chrétiens
C’est ainsi que Dom Lambert Beauduin élabora en 1923 le projet d’un monastère ayant pour vocation de contribuer à la restauration de l’unité des
chrétiens. Le projet, approuvé dès l’année suivante par le pape Pie XI, se
concrétisa en 1925 par la fondation du prieuré d’Amay-sur-Meuse, dans le
diocèse de Liège. Ce prieuré, confié à la charge de Dom L. Beauduin, fut
érigé en prieuré indépendant en 1928. En 1939, étant donné l’accroissement
de la communauté bénédictine, il dut être transféré dans des bâtiments plus
spacieux : ce fut alors l’installation à Chevetogne, à mi-chemin entre Bruxelles et Luxembourg.
Des ouvertures qui ne plurent guère à Rome: Dom L. Beauduin condamné
L’expansion du nouveau monastère bénéficia, dans les premières années
d’une relative ambiguïté : le Vatican comptait sur les efforts des moines
pour ramener dans le giron catholique par des (re)conversions autant de
«frères» orthodoxes que possible! Or, dès 1926, le prieuré érigé à Amay
publiait dans sa jeune revue Irenikon différents articles consacrés aux
traditions spirituelles, liturgiques et théologiques des différentes Eglises, montrant chaque fois l’intérêt d’un rapprochement (non d’une absorption d’une Eglise par l’autre). Ces ouvertures ne plurent guère à Rome où,
en 1928, Pie XI publia son encyclique Mortalium animos contre le mouvement
oecuménique naissant.
Les moines d’Amay savaient leur revue visée. Et en 1927, le décret romain qu’ils obtinrent pour ériger leur monastère en prieuré indépendant,
était assorti de cette restriction : il fallait désormais se concentrer exclusivement sur le «retour de la Russie à l’unité de l’Eglise». Dom Lambert
Beauduin, peu après, démissionna. Rome chargea un visiteur officiel d’une
enquête à Amay. Dom Lambert fut alors jugé pour ce que l’on qualifiait
alors «d’erreurs» ; il fut condamné à un exil qui allait durer une vingtaine d’années. Et c’est seulement en 1950 qu’il put regagner sa fondation….
désormais implantée à Chevetogne. Il eut alors au moins la consolation de
célébrer la liturgie dans une église orientale, ajoutée au monastère en
1957 afin d’offrir un cadre approprié pour les liturgies en rite byzantin.
En quelque sorte une réhabilitation
Quarante ans après les mesures prises à l’encontre du monastère d’Amay
et de Dom Lambert Beauduin en particulier, la décision prise par Rome
d’élever ce monastère à la dignité d’Abbaye vaut son pesant d’or : c’est en
fait la reconnaissance officielle de la qualité des efforts oecuméniques
entrepris par cette fondation bénédictine depuis le départ. Mieux : c’est
une confirmation que la ligne à suivre pour le dialogue fraternel entre les
Eglises n’est pas celle de l’absorption mais de l’unité dans le respect des
différences.
Chevetogne aujourd’hui
La communauté bénéctine de Chevetogne nourrit sa prière, ses recherches,
son travail et ses multiples contacts à partir d’un double patrimoine spirituel : la tradition de l’Eglise catholique occidentale et latine, la tradition des Eglises orientales et de rite byzantin. Comme l’explique le Père
Antoine Lambrechts, jusqu’ici sous-prieur de la communauté et désormais
prieur, «nous avons le privilège de pouvoir prier dans la tradition d’une
autre Eglise. De même, par nos contacts d’amitié avec des représentants
laïcs ou des autorités religieuses d’autres Eglises, nous vivons vraiment
une spiritualité riche de son ouverture universelle. Et tout cela, en étant
une communauté monastique d’obédience catholique. Nous avons donc constamment l’impression de recevoir plus des autres que nous ne pouvons leur apporter. Et si nous continuons à cultiver le rite oriental dans nos liturgies, ce n’est ni par prosélytisme, ni par volonté de conquête, mais simplement par souci de compréhension et d’ouverture avec la tradition où
s’enracinent nos frères orientaux !»
La communauté de Chevetogne compte actuellement 32 moines profès, dont
deux ont prononcé leurs voeux définitifs cette année. Il y a également un
novice et deux postulants. Au total, les moines représentent une dizaine de
nationalités : outre les Belges (francophones et néerlandophones), il y a
des religieux d’origine anglaise, américaine, autrichienne, française, italienne, japonaise, néerlandaise et suisse.
Opter pour un rite
Selon la grande tradition bénédictine, la vie des moines est d’abord réglée par la prière et le travail. Les offices liturgiques quotidiens sont
célébrés et selon le rite latin et selon le rite byzantin, selon que les
moines ont opté pour l’une ou l’autre tradition. Les dimanches et aux grandes fêtes, les moines de Chevetogne ne célèbrent toutefois la liturgie que
dans un seul rite : le rite byzantin. Tous les moines de Chevetogne ont une
origine occidentale (et donc latine, du point de vue de la tradition ecclésiale). L’ouverture à la grande tradition orientale des autres Eglises nécessite l’étude du slavon, du grec et des usages divers. Les novices doivent décider, au terme de deux années de noviciat, s’ils optent pour le rite byzantin ou latin. En principe, ce choix est définitif.
Le travail des moines est diversifié mais comporte, dans ses multiples
aspects, une ouverture oecuménique. C’est la cas de l’iconographie : des
moines peintres et artistes travaillent à la création, la restauration et
la reproduction d’icônes, y compris avec la technique typiquement russe
d’impression sur bronze émaillé. C’est aussi le cas pour le travail intellectuel : outre la revue mensuelle Irenikon, consacrée à l’étude historique
et à l’actualité des traditions théologiques, spirituelles et monastiques
des différentes Eglises, la communauté de Chevetogne publie des ouvrages
consacrés aux traditions et littératures spécifiques des différentes Eglises chrétiennes ; elle organise également des colloques sur des questions
oecuméniques d’actualité.
Les contacts personnels des moines sont également précieux pour la promotion du dialogue entre les Eglises. Le Père Thaddée Barnas est ainsi particulièrement engagé dans des commissions oecuméniques sur le plan national
et international. Dom Emmanuel Lanne, quant à lui, est membre de la Commission internationale de dialogue entre catholiques et orthodoxes.
Faciliter le dialogue entre les Eglises catholique uniate et orthodoxe
En même temps, le monastère poursuit sa tradition d’hospitalité, tant à
l’égard des hôtes en recherche d’un lieu de recueillement qu’à l’égard de
divers représentants d’Eglises en visite en Belgique. Ces dernières années,
Chevetogne a joué notamment un rôle essentiel pour faciliter la dialogue
entre l’Eglise catholique de rite byzantin et l’Eglise orthodoxe en Ukraine, en Roumanie et en Russie. «Nous avons toujours été préoccupés de semer
la paix dans la justice», commente le Père Antoine.
Chevetogne demain
A présent que le monastère est élevé au rang d’Abbaye, qu’est-ce qui va
changer concrètement ? D’abord, l’actuel prieur, le Père Michel van Parys,
un Gantois de 48 ans, élu prieur en 1971, devient Père Abbé. Il n’y aura
pas de consécration particulière, pas plus qu’il n’y aura de bénédiction
spéciale de la nouvelle Abbaye. Simplement, la dignité de Père Abbé conférée à Dom van Parys confirme «la paternité spirituelle que tous les moines
lui reconnaissent», dit-on à Chevetogne.
Le Père Antoine Lambrechts, qui de sous-prieur devient prieur, ajoute :
«En principe, Abbé et prieur sont élus lorsqu’un prieuré devient une Abbaye. Mais nous avons demandé d’être dispensés de cette procédure, d’autant
plus que, sur le plan du droit canonique, le nouveau statut de Chevetogne
ne change pas grand-chose dans la vie quotidienne».
S’il n’y a pas de cérémonie officielle prévue pour marquer l’événement,
une liturgie d’action de grâce est tout de même annoncée pour janvier. Mais
elle sera célébrée dans l’intimité, en présence de quelques invités et à
une date qui n’a pas encore été fixée. (apic/cip/be/ec)