Belgique: «Dominus Iesus» continue de faire des remous chez les protestants

«Rome n’a pas abandonné la mentalité de l’Eglise impériale»

Bruxelles, 11 octobre 2000 (APIC) La Déclaration vaticane «Dominus Iesus», publiée le mois dernier par le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, continue de faire des remous dans les milieux intéressés au dialogue œcuménique. Les protestants de Belgique réagissent à leur tour très négativement par la voix du pasteur Daniel Vanescote, président de son Conseil synodal, l’Eglise Protestante Unie de Belgique (EPUB).

Faisant connaître sa double réaction face à la Déclaration «Dominus Iesus», publiée un mois plutôt par le Vatican, l’EPUB interpelle les évêques de Belgique: comment se situent-ils par rapport au ce document? Elle leur fait également part d’un texte destiné à nourrir le débat oecuménique, qu’elle espère franc, parmi les protestants comme parmi les catholiques.

La Conférence épiscopale de Belgique et le cardinal Danneels interpellés

La Déclaration «Dominus Iesus», publiée le 5 septembre par la Congrégation pour la doctrine de la Foi, réaffirme «l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise» face au pluralisme des religions. En même temps, elle est «venue jeter un trouble dans les milieux protestants et, parallèlement aussi, dans certains milieux catholiques», constate le pasteur Vanescote, dans une lettre adressée à la Conférence épiscopale de Belgique.

C’est pourquoi le président du Conseil synodal de l’EPUB transmet aux évêques un texte adressé aux paroisses protestantes pour lancer la discussion au sein des différents groupes œcuméniques. «Il n’est pas dans notre intention, précise D. Vanescote, de marquer un recul en ce domaine; nous espérons, au contraire, qu’un franc débat dans les groupes locaux aura un effort tonique pour poursuivre dans le sens des avancées que l’on a connues».

En outre, le pasteur Vanescote tient à interpeller le cardinal Godfried Danneels et ses collègues évêques: représentant «l’autorité catholique» en Belgique, comment se situent-ils par rapport à la Déclaration romaine? «Pour nous protestants, et pour nombre de catholiques sans doute, il est important que nous connaissions clairement votre point de vue», souligne la lettre adressée aux évêques. La clarté attendue des évêques concerne en particulier le statut qu’ils reconnaissent désormais à l’Eglise Protestante Unie de Belgique, associée depuis le début comme partenaire et comme «Eglise» à part entière au sein de la Concertation d’Eglises Chrétiennes créée en Belgique en janvier 1990.

«Dominus Iesus»: les protestants se sentent à nouveau dépréciés par le magistère romain

Les protestants se sentent à nouveau «tout à fait dépréciés» par le magistère romain qui a publié le texte «Dominus Iesus». «Au départ, l’intention est exposée clairement: clarifier certains points de doctrine relatifs au dialogue avec d’autres religions et réfuter quelques opinions erronées ou ambiguës qui conduiraient à l’infiltration de valeurs non chrétiennes dans la foi catholique. En clair, il s’agit de s’opposer à tout syncrétisme et de ne pas ouvrir davantage la porte à une certaine mentalité relativiste d’aujourd’hui qui met facilement sur un même pied toutes les religions sans discernement plus poussé», écrit l’EPUB.

Jusque là, poursuit l’EPUB, le protestant peut suivre, éventuellement en ajoutant quelques nuances positives, semblables à celles du document romain qui reconnaît que le dialogue avec d’autres religions «comporte une attitude de compréhension… et d’enrichissement mutuel, dans l’obéissance à la vérité et le respect de la liberté». Le protestant se trouve aussi très à l’aise dans toute la partie du document qui replace la révélation de Jésus-Christ comme le point de référence unique et définitif de la foi chrétienne.

Impasse sur le judaïsme, «silence complet» sur les racines juives de la foi chrétienne

Par contre, «ce qui frappe dans ce texte à propos du dialogue avec les religions, c’est l’énorme impasse faite sur le judaïsme. Pas un mot au sujet de ce rapport unique de l’Eglise avec le peuple du Premier Testament. Silence complet sur les racines juives de la foi chrétienne, sur les origines juives de l’enseignement de Jésus. Même si la foi chrétienne s’est développée en rupture avec le judaïsme, l’Eglise a bien gardé la Bible juive comme Ecriture sacrée. Voilà qui devrait faire davantage réfléchir le Magistère romain et tout le christianisme sur une certaine relativité de la foi chrétienne.»

Le «coup de grâce» pour les protestants se trouve dans le passage qui «martèle avec force» que l’Eglise catholique est ’l’unique Eglise du Christ’». Pour l’EPUB, les protestants se trouvent ravalés au rang de «communautés ecclésiales» qui ne sont pas des Eglises au sens propre. Et s’il y a quelque élément de sanctification et de vérité dans ces communautés, «cela dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Eglise catholique».

Quid de la sensibilité oecuménique éveillée par le Concile Vatican II ?

«Où est donc passée la sensibilité oecuménique qu’avait éveillée le Concile Vatican II? Qu’a-t-on fait des relations et du respect croissants qui se manifestent entre nos Eglises (permettez-moi quand même d’employer ce mot)? Nous voici replongés dans l’impérialisme spirituel d’un autre âge et, même si foncièrement, l’affirmation n’est pas neuve, elle porte aujourd’hui un coup sévère aux militants de l’oecuménisme: Rome n’a donc pas abandonné la mentalité de l’Eglise impériale dans laquelle toutes les autres devront se fondre», commente sévèrement le pasteur Daniel Vanescote.

Le président du Conseil synodal de l’EPUB relève que les fidèles catholiques sont censés professer cette égalité entre Eglise instituée par le Christ et Eglise catholique, unique Eglise du Christ. Selon la Congrégation pour la doctrine de la foi, les enseignements contenus dans la Déclaration – approuvée expressément par le pape – exigent de la part de tous les fidèles catholiques un assentiment «définitif et irrévocable». Pour le pasteur Vanescote, «si les fidèles catholiques devaient être conséquents avec des déclarations aussi péremptoires, c’en serait fini de l’oecuménisme, à moins de sortir de l’institution.» Et de rétorquer que «les protestants attendent de la part des responsables hiérarchiques catholiques – et pas seulement de la part d’associations progressistes – qu’ils énoncent clairement leur position quant au dialogue oecuménique et quant au statut qu’ils reconnaissent aux différentes Eglises chrétiennes présentes en notre pays.» (apic/cip/be)

11 octobre 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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