les diacres francophones de Belgique repensent leur mission (180994)
Belgique: 25 ans après l’ordination des premiers diacres permanents
Louvain-la-Neuve, 18septembre(APIC)
Il y a 25 ans que les premiers candidats au ministère du diaconat
permanent, restauré par le concile Vatican II, étaient ordonnés en Belgique
francophone. C’était le 4 octobre 1969 à Tilff, dans le diocèse de Liège.
Pour marquer cet anniversaire, les diacres et la Faculté de Théologie de
l’U.C.L. ont organisé un colloque sur «le diaconat permanent au XXIe
siècle». Le cardinal Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, était le
jeudi 15 septembre à Louvain-la-Neuve pour l’ouverture des trois journées
de travaux. On y a aussi présenté une enquête originale sur les diacres en
Belgique francophone.
Quelque 200 personnes, dont une majorité de diacres, se sont inscrites à ce
colloque. Les participants sont venus essentiellement de Belgique
francophone, mais également de Flandre et des Pays-Bas, de Suisse et de
France. Et les catholiques n’y étaient pas seuls, puisque un archidiacre
orthodoxe et des diacres protestants de Suisse se sont volontiers joints
aux travaux.
Le mot «diacre», tiré du grec «diakonos», signifie «serviteur». Le principe
d’une réintroduction du diaconat permanent en Occident a été admis, il y a
30 ans, lors du vote final de la Constitution du Concile Vatican II sur
l’Eglise (»Lumen Gentium»). Le diacre est ordonné au «service» : service de
la Parole, de la liturgie et de la charité, précise cette Constitution.
Qúen est-il de l’exercice concret de ce ministère ? De son évolution ? De
ses ouvertures ? De son rapport à l’Eglise et à la société ? Une moisson de
dossiers a été récoltée par l’équipe organisatrice du colloque pour animer
les divers travaux en ateliers proposés au long du colloque. Quelques
exposés fondamentaux ont aussi été mis au programme : sur les fondements
bibliques, le diaconat à Vatican II, sa théologie actuelle, sa place dans
la liturgie, enfin sur les perspectives d’avenir.
Beaucoup de questions ouvertes
En souhaitant la bienvenue aux participants, le cardinal Danneels,
archevêque de Malines-Bruxelles s’est réjoui de la collaboration entre les
théologiens et les diacres pour les nombreuses questions soulevées à propos
du diaconat. Il a encouragé les participants à traiter ces questions avec
«liberté de recherche» et «enracinement dans la tradition ecclésiale».
Satisfait du programme de travail proposé, le cardinal Danneels s’est
contenté de verser au dossier du diaconat ses propres questions d’évêque.
D’abord, la «nature» du diaconat n’est pas évidente pour le théologien. Le
diacre est ordonné, «non au sacerdoce, mais au service», dit-on depuis
Vatican II. Il participe néanmoins au sacrement de l’ordre, mais à un degré
très différent de l’évêque et du prêtre. Le concile n’a guère défini les
«tâches» du diacre, à part cette triple orientation : le service de la
Parole, celui de la liturgie et des sacrements, celui de la charité.
Préciser mieux la mission du diacre devrait aider aussi à se mettre
d’accord, entre différents diocèses (en Belgique, par exemple) sur le type
et l’étendue de la «formation» à proposer aux diacres. On gagnerait aussi,
semble-t-il, à tirer parti des critères et des méthodes retenus ailleurs
dans l’Eglise pour le «discernement de leur vocation» : pour les futurs
prêtres, ce discernement s’étend au moins sur six années de Séminaire…
L’archevêque envisage encore la relation entre le sacrement du diaconat et
le sacrement du mariage : «Qúen est-il de leur fécondation mutuelle ? De la
spiritualité du diacre marié et de son épouse ? Des relations pratiques
entre ministère diaconal, activité professionnelle, vie familiale ?»
Se pose aussi la question du «diaconat féminin». L’Antiquité chrétienne a
connu des diaconesses ? S’il devait s’avérer que l’Eglise a toujours limité
la mission des diaconesses au «service de la charité», note le cardinal
Danneels, «il n’est pas exclu, même après la lettre du pape «Ordinatio
Sacerdotalis», que des femmes soient un jour ordonnées diacres».
Comme l’a souligné à son tour le théologien Philippe Weber, professeur à
l’U.C.L. et un des organisateurs de la rencontre, «de nombreuses questions
restent ouvertes». Le colloque n’a pas seulement été conçu pour célébrer le
rétablissement du diaconat permanent, mais «pour analyser, avec le recul du
temps et de l’expérience, l’apport de ce nouveau ministère».
Première enquête
A l’occasion de ce colloque, les organisateurs ont tenu à faire une
première enquête sociologique sur les diacres francophones de Belgique.
Ceux-ci étaient au nombre de 187 au début de l’année 1993 (27 à Bruxelles,
13 au Brabant wallon, 74 pour le diocèse de Liège, 39 pour celui de Namur
et 34 pour celui de Tournai). Ils sont environ 200 aujourd’hui, auxquels
s’ajoutent quelque 260 diacres permanents en Flandre. Sur 187 diacres
interrogés, 145 ont répondu, dans l’anonymat, à un questionnaire.
L’échantillon étant jugé représentatif, les réponses ont été dépouillées et
analysées par le Centre Tricontinental de l’U.C.L., sous la direction du
professeur François Houtart. En voici les principaux résultats.
Neuf diacres sur dix sont mariés et ont, en moyenne, deux à trois enfants.
A 80 %, ils ont fait des études secondaires sinon supérieures, mais seuls
14 % ont fréquenté l’université. La moitié exerce une profession et l’autre
est pensionnée. Les diacres appartiennent massivement à la classe moyenne
et parmi ceux qui poursuivent leur métier, les cadres supérieurs et les
professions libérales composent 25 % de l’échantillon global : c’est plus
que la moyenne du pays. A 80 %, les diacres sont propriétaires de leur et
possèdent une voiture. Plus étonnant : sur 10 diacres, 2 ne regardent pas
la télévision, 5 n’écoutent pas la radio, 2 ne lisent aucun journal ni même
aucune revue d’intérêt religieux.
Des traits spécifiques ?
Les diacres ont presque tous appartenu un jour à mouvement de jeunesse ou
d’animation ecclésiale : scoutisme ou patro surtout, mais aussi Jeunesse
Ouvrière Chrétienne ou Jeunesse Etudiante Chrétienne, etc. Et dans ces
mouvements, les futurs diacres ont plus que d’autres assumé des
responsabilités. Ceci est un des traits accentués dans le profil des
diacres, bien plus qúune option provisoire pour le sacerdoce ou la vie
religieuse : 85 % des diacres n’ont jamais envisagé une telle voie.
Comment les diacres ont-ils opté pour leur ministère ? Une fois sur deux,
l’idée n’est pas partie d’un appel de l’Eglise, mais d’une initiative
individuelle. Une fois sur deux, c’est également le diacre lui-même qui a
défini sa propre mission, en la négociant généralement avec les instances
concernées. En général, les diacres se sont préparés à leur mission par une
formation étalée sur trois à cinq ans, parfois plus. Beaucoup en sont
satisfait, mais des suggestions fusent pour améliorer cette formation.
L’âge requis pour être ordonné diacre se situe, en principe, entre 35 et 55
ans. Mais 20 % ont cependant été ordonnés au-delà de la limite d’âge