Bangladesh: Nouvel assassinat d’un blogueur athée
Dacca, 13 mai 2015 (Apic) Ananta Bijoy Das, un blogueur âgé de 33 ans se déclarant athée, a été tué à l’arme blanche, le 12 mai 2015, au nord-ouest du Bangladesh. Il s’agit du troisième assassinat de ce type depuis le début de l’année, imputé aux islamistes.
L’agression s’est produite en plein jour et en pleine rue, tandis que la victime rejoignait son bureau, à Sylhet, ville de l’extrême nord-est du Bangladesh, où il travaillait comme banquier, rapporte Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Il a été attaqué par quatre hommes masqués qui l’ont assailli à l’arme blanche et l’ont tué avant de prendre la fuite. Ananta Bijoy Das menait sur son temps libre une activité de blogueur. Il était l’organisateur à Sylhet du forum Jukti (›Logique’) et le représentant sur place de Gonojagoron Moncho (›La place du soulèvement public’), deux structures informelles réunissant des militants favorables à une évolution laïque de leur pays.
A la BBC, Sara Hossain, une avocate de la capitale Dacca, spécialisée dans la défense des droits de l’homme, a déclaré qu’Ananta Bijoy Das participait avec Avijit Roy à un blog appelé mukto-mona (›Libre penseur’ en bengali), qui milite pour la libre pensée et qui s’en prend ouvertement au fondamentalisme religieux et tout spécialement au fondamentalisme islamique. Les deux blogueurs ne faisaient pas mystère de leur athéisme, chacun d’eux ayant écrit à plusieurs reprises qu’ils n’étaient adeptes d’aucune religion. «Leurs noms étaient sur une liste de personnes à éliminer», a ajouté l’avocate.
Critique d’un pouvoir intolérant
Ces trois blogueurs faisaient partie de cette mouvance de la jeunesse et des milieux intellectuels du Bangladesh qui s’élève contre l’extrémisme et l’obscurantisme sévissant dans leur pays, critiquant notamment l’intolérance religieuse d’une nation aux institutions officiellement laïques. Depuis l’assassinat, en février 2013, du blogueur et architecte Ahmed Rajeeb Haider, égorgé à l’âgé de 30 ans, ils sont la cible des groupes islamistes, notamment du Jamaat e-Islami, dont plusieurs des leaders ont été condamnés à mort ces deux dernières années par des tribunaux pour leur implication dans les massacres qui ont accompagné l’indépendance du pays en 1971. Les milieux islamistes réclament l’exécution de tous les blogueurs athées et la promulgation d’une loi anti-blasphème. Pressions auxquelles les autorités gouvernementales ont répondu en multipliant les tracasseries administratives à l’endroit de ces blogueurs et en obligeant leurs hébergeurs Internet à effacer des centaines de posts considérés comme diffamant l’islam et Mahomet.
Gouvernement complice?
Il y a quelques jours, l’organisation Al-Qaïda dans le sous-continent indien (AQIS selon son acronyme anglais), dont la création a été annoncée en septembre 2014, a revendiqué l’assassinat d’Avijit Roy ainsi que celui de deux autres blogueurs. Auparavant, en novembre 2014, un autre groupe islamiste, Ansar Islam Bangladesh (›Les défenseurs de l’islam au Bangladesh’), avait revendiqué la responsabilité de la mort de ces trois mêmes blogueurs.
Selon les observateurs, la violence à l’encontre des athées et des «libres penseurs» ne faiblira pas tant que les partis islamistes maintiendront leur pression sur le gouvernement pour obtenir le vote d’une loi anti-blasphème similaire à celle qui est en vigueur au Pakistan. Même si l’actuel pouvoir en place a fermement affirmé son opposition à un tel projet, dans les faits, il n’a eu de cesse de contenter ces partis extrémistes en harcelant et en arrêtant nombre de blogueurs militant pour la défense du caractère laïque des institutions nationales, affirme EdA. Dans ce pays où 90% des 160 millions d’habitants sont musulmans, le gouvernement a, à chaque fois, agi en utilisant les articles de loi qui, dans le Code pénal, punissent l’atteinte au «sentiment religieux». (apic/eda/rz)