Baar le 23 juin 2015. Mgr Braz de Aviz. (Photo: Bernard Hallet)
Suisse

Baar: 600 religieuses et religieux réunissent leurs charismes

Baar, 24 juin 2015 (Apic) «Les nouveaux et anciens charismes sont complémentaires, a souligné le cardinal brésilien Joao Braz de Aviz, lors de la Journée suisse de la vie consacrée, le 23 juin 2015, à Baar, dans le canton de Zoug. Devant quelque 600 participants de tout le pays, le préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique a rappelé que les ordres religieux devaient s’inspirer de l’amour présent dans la Trinité pour surmonter leurs dissensions.

La bonne humeur des religieuses et religieux qui se sont rencontrés entre Baar et Sachseln, dans le canton d’Obwlad, a fait oublier à tous le temps maussade qui régnait sur la Suisse centrale. Malgré la joie manifeste de ce rassemblement, organisé dans le cadre de l’Année de la vie consacrée décidée par le pape François, le représentant du Vatican a choisi d’axer son intervention sur certains points douloureux des relations entre et au sein des diverses communautés. Le cardinal est ainsi venu rappeler, dans une église Saint-Martin de Baar comble, que, malgré les différends qui ont pu surgir entre les nouveaux mouvements d’Eglise et les anciennes communautés religieuses, il devait se créer non pas une concurrence, mais un chemin vers la complémentarité.

Deux dimensions essentielles de l’Eglise

Pour le cardinal, les deux sortes de charismes sont deux dimensions essentielles de l’Eglise, au sein desquelles l’Esprit Saint parle certes de façon différente. Pour le prélat, les nouveaux charismes doivent apprendre de l’expérience et de la maturité des anciens et les anciens doivent s’inspirer des initiatives et des dynamismes des nouveaux. «Il arrive qu’au sein d’une famille, le premier enfant se sente défavorisé par rapport au deuxième, ou vice-versa», a expliqué le cardinal. Il est ainsi nécessaire que les anciennes et nouvelles façons de se consacrer à Dieu se comprennent, apprennent l’une de l’autre et interagissent, a martelé le prélat. Tout en admettant la difficulté d’harmoniser cette diversité, il a mis en lumière des chemins possibles pour y parvenir. Il a ainsi rappelé que la sainte Trinité était le modèle d’une diversité en équilibre, unie en Dieu par l’amour. Le prélat a expliqué qu’il était possible de s’approcher de cet amour parfait en s’inspirant du Christ, qui s’est fait ‘petit’, notamment par sa crucifixion. C’est donc un appel à l’humilité que le prélat brésilien a principalement fait passer dans son allocution. «Aujourd’hui, nous sommes malades des rapports que nous entretenons», a-t-il lancé. Il a inclus dans sa critique, non seulement les hommes modernes, minés par l’individualisme, mais aussi les congrégations et les représentants de la curie romaine, au sein desquelles, il est «indispensable de retrouver le sens de la rencontre avec l’autre».

«Nous sommes devenus des chrétiens capitalistes!»

Concernant les communautés religieuses, le cardinal a présenté trois voies de restauration des relations parmi des groupes d’hommes et de femmes où règnent parfois la désunion. «Il faut travailler dans les communautés pour que revienne l’esprit de famille, d’amour, de pardon», a-t-il déclaré.

Le prélat a également invité à changer le concept de formation à la vie consacrée. Il a notamment souhaité que cette formation soit considérée comme «dynamique». Il a suggéré qu’elle ne soit plus limitée à une période déterminée, mais qu’elle s’étende tout au long de la vie.

Mgr Braz de Aviz a enfin appelé à changer la notion du pouvoir, de l’autorité et de l’argent, qui parfois pèse sur les communautés. «Cette autorité ne doit pas être autoritaire», a soutenu le prélat, qui a rappelé qu’il n’y avait pas de personnes plus dignes ou plus importantes que d’autres. Il a souhaité plus de communication, d’écoute et de partage entre supérieurs et subordonnés au sein des instituts de vie consacrée.

Le cardinal a également fustigé le règne de l’argent dans certaines communautés. «Nous sommes devenus des chrétiens capitalistes», a-t-il déploré, rappelant que l’argent devait servir à la vie et non pas à assurer une certaine sécurité matérielle. Il a relevé avoir ressenti lui-même à un moment de sa vie à quel point ses avoirs financiers étaient en train de prendre possession de sa vie. Il a expliqué alors comment il avait distribué une bonne partie de son compte en banque à des paroisses et personnes dans le besoin.

Le prélat brésilien a en tout cas souligné que les divers acteurs de la vie consacrée étaient de plus en plus unis. L’Année de la vie consacrée a encore renforcé cette unité, a-t-il assuré.

Exprimer le bonheur de la vie consacrée

Interrogé sur la possibilité pour les femmes d’obtenir plus de pouvoir dans l’Eglise, le prélat a souligné qu’hommes et femmes devaient cheminer ensemble à la suite du Christ. Les femmes doivent cependant «garder cette partie du pouvoir qui vient de la gratuité», a-t-il déclaré, rappelant que, même si Marie était très proche de Jésus, ce dernier ne l’avait «jamais nommée évêque». Le cardinal brésilien s’est en revanche exprimé favorablement pour les expériences de mixité, notamment dans les nouveaux mouvements d’Eglise, tout en excluant que les membres de ces communautés habitent ensemble.

A Baar, Mgr Braz de Aviz a invité les consacrés de Suisse à communiquer au monde extérieur «quelque chose de leur vie devant Dieu». Il a rappelé les objectifs du pape François pour l’Année de la vie consacrée, notamment d’identifier, à travers le prisme de l’histoire, les contradictions et les réussites des instituts de vie consacrée. Il a invité les religieuses et religieux à vivre le présent avec passion, à exprimer leur bonheur, et à cheminer sans peur vers l’avenir.

Témoignages d’unité dans la diversité

La Journée s’est terminée par une célébration à l’Eglise de Sachseln, abritant le tombeau de saint Nicolas de Flüe. Peter Von Sury, président de l’Union des Supérieurs Majeurs Religieux de Suisse (VOS’USM), a rappelé que la figure du saint était un exemple de la quête de la vocation. «Nous nous sentons proches de ce laïc enraciné dans son peuple», a déclaré le Père Abbé de Mariastein, dans le canton de Soleure.

La cérémonie a été parsemée de témoignages sur la vie consacrée. L’appel du cardinal Braz de Aviz à l’harmonie entre anciens et nouveaux charismes a trouvé un écho particulier dans le témoignage donné par la jeune religieuse du Chemin neuf Mirjam Rombouts et la dominicaine Anna Benedicta Glauser, de la maison d’accueil du monastère de Béthanie, à Sankt-Niklausen, dans le canton d’Obwald. Les religieuses du nouveau charisme du Chemin neuf ont repris en 2012, la gestion de la maison d’hôtes que les dominicaines, en manque d’effectifs et de moyens financiers, n’arrivaient plus à assumer. Les deux religieuses sont venues exprimer la «grâce» que représente leur entraide dans cette démarche. Elles ont expliqué à quelle point elles avaient appris et reçu les unes des autres, tout en étant obligées de s’adapter aux rythmes parfois différents qui caractérisent les anciens et les nouveaux charismes.

Frère Rakesh Meregu, capucin d’Inde, a été puissamment applaudi par l’assistance, après qu’il eut raconté l’intégration réussie, en Suisse, de son petit groupe de religieux. Sa présentation a été conclue par un spectacle de danse religieuse typique de l’Inde.

Adrienne Barras, de la communauté des Sœurs de Saint Maurice, dans le canton de Vaud, a témoigné de l’expérience de partenariat entre sa communauté et celle fondée par sa congrégation à Madagascar. La religieuse a expliqué comment, leurs deux groupes avaient réussi à surmonté les difficultés liées aux différences de culture, en réalisant un «chemin communautaire». Elle a assuré que la vie fraternelle en communauté était vouée à l’échec si elle ne se plaçait pas sous le signe de la Parole de Dieu et de la parole des uns et des autres.


Encadré

Joao Braz de Aviz naît le 24 novembre 1947 à Mafra, au sud du Brésil. Il est élevé dans une famille de quatre frères et trois sœurs, sa dernière sœur souffrant de trisomie. Il fait ses études de philosophie au séminaire Reine-des-Apôtres de Curitiba et à la faculté de Palmas. Il poursuit ses études de théologie à Rome à l’Université pontificale grégorienne et devient docteur en théologie dogmatique de l’Université pontificale du Latran en 1992.

Ordonné prêtre le 26 novembre 1972 pour le diocèse d’Apucarana, il est vicaire puis curé de diverses paroisses et ensuite recteur du séminaire d’Apucarana et Londrina, au sud du Brésil. Il est ensuite nommé professeur de théologie dogmatique de l’Institut théologique Paul VI de Londrina.

Alors qu’il est jeune prêtre, il se rend un jour en voiture dans un village pour y dire la messe, quand il est pris dans une fusillade de voleurs de voitures. Il est atteint à l’œil, tandis que son intestin et ses poumons sont transpercés. Les chirurgiens sauvent son œil, mais ne peuvent extraire toutes les balles dont il conserve désormais des fragments dans son corps.

Le 6 avril 1994, Jean Paul II le nomme évêque titulaire de Flenucleta et évêque auxiliaire de Vitoria dans l’Etat de l’Espirito Santo, toujours au sud du Brésil. Il est consacré le 31 mai suivant par Mgr Domingos Gabriel Wisniewski, alors évêque d’Apucarana.

Le 12 août 1998 il est nommé évêque de Ponta Grossa dans l’Etat de Paraná, puis le 17 juillet 2002, archevêque de Maringá. C’est encore Jean Paul II qui le transfère le 28 janvier 2004 à Brasilia, au centre du Brésil, où il succède au cardinal José Freire Falcao.

Le 4 janvier 2011, le pape Benoît XVI l’appelle à Rome pour prendre la tête de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, où il succède au cardinal Franc Rodé.

Il est créé cardinal par Benoît XVI le 18 février 2012.

Le 16 décembre 2013, il est nommé par le pape François, membre de la Congrégation pour les évêques. (apic/rz)

Baar le 23 juin 2015. Mgr Braz de Aviz.
24 juin 2015 | 12:22
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 7  min.
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