Autriche: l'interdiction de la burqa ne dissuade pas les touristes arabes
L’interdiction du voile intégral, entrée en vigueur en Autriche en octobre 2017, ne dissuade pas les touristes arabes de visiter le pays, révèlent les derniers chiffres. Des données qui pourraient intéresser le gouvernement suisse, alors qu’il prépare sa riposte à l’initiative anti-burqa, sur laquelle les citoyens devraient se prononcer en 2019.
Le nombre de touristes arabes a augmenté de 12% durant la période estivale 2018 en Autriche, montrent les statistiques relayées par le quotidien alémanique Aargauer Zeitung du 3 janvier 2018. Cette proportion a même crû de 45% à Zell am See, dans la région de Salzbourg, la destination autrichienne la plus prisée des visiteurs des pays arabes. Des résultats plutôt inattendus alors que l’Autriche a interdit, en octobre 2017, la dissimulation du visage dans les lieux publics. Les professionnels du tourisme s’étaient officiellement plaints de cette mesure.
Plus de travail pour la police
La nouvelle donne légale ne dissuade ainsi apparemment pas les touristes d’Arabie saoudite, du Koweït ou encore des Emirats arabes unis dont les femmes portent souvent le voile intégral. La police de Zell am See a pourtant eu un regain de travail en rapport à la nouvelle loi. D’après le quotidien Salzburger Nachrichten, plus de 200 porteuses de voiles couvrant la face ont été interpellées. Mais les autorités locales ont misé sur la prévention plutôt que sur la sanction. La plupart des femmes auraient ainsi accepté d’enlever leur voile après que les agents leur ait expliqué la situation et remis une brochure d’information. Seules celles qui avaient remis le voile par la suite ont été sanctionnées d’une amende de 30 euros.
Premier test pour Karin Keller-Sutter
L’expérience autrichienne pourrait avoir des répercussions en Suisse, où une loi du même genre pourrait voir le jour. L’initiative «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage», lancée par le Comité d’Egerkingen, proche de la droite conservatrice, a formellement abouti en octobre 2017. Le 20 décembre 2017, le Conseil fédéral a annoncé rejeter une interdiction nationale du voile intégral. Le 27 juin 2018, il a ainsi mis en consultation un contre-projet indirect à l’initiative.
Il s’agira de l’un des premiers tests pour la nouvelle ministre de la Justice Karin Keller-Sutter. Elle devra tout d’abord expliquer au Parlement pourquoi le Conseil fédéral rejette le texte et présenter des arguments valables pour le contre-projet. Notamment en démontrant comment il pourrait être mis en place efficacement.
Le Conseil fédéral souhaite renforcer les règles au moins au niveau juridique. Le contre projet indirect veut ainsi introduire une obligation de montrer son visage devant certaines autorités, ainsi qu’une sanction explicite pour le fait de contraindre une personne à dissimuler son visage. Mais la nécessité d’adopter de nouvelles règles en la matière fait débat, la loi interdisant déjà notamment toute forme de coercition. Ces questions sont en outre habituellement de la compétence des cantons et pas de la Confédération.
Lever de boucliers dans l’industrie du tourisme
La perplexité du gouvernement suisse est partagée par l’industrie du tourisme, pour laquelle la clientèle arabe est loin d’être négligeable. Depuis 2007, le nombre de nuitées de visiteurs du Moyen-Orient a augmenté de 163%. Dans l’Oberland bernois les touristes arabes constituent même l’une des trois catégories d’hôtes les plus importantes. L’Association suisse du tourisme argue que le voile intégral ne concerne que très peu de femmes en Suisse. Elle estime que l’initiative fait fausse route en problématisant un phénomène rare et en interférant avec l’autonomie juridique des cantons.
L’association hotelleriesuisse argumente de la même manière et craint qu’au-delà des inconvénients pratiques d’une telle mesure, les femmes musulmanes puissent ne plus se sentir bienvenues dans le pays.
Un point que les chiffres autrichiens semblent contredire. Reste à savoir si ces éléments, qui ne relèvent que du court terme, pèseront dans le débat en Suisse. (cath.ch/az/arch/rz)