Australie: «Un plus grand rôle des laïcs aurait évité la catastrophe des abus sexuels»
Pour combattre les abus sexuels dans l’Eglise, «un changement de culture» est nécessaire, estime Mgr Mark Coleridge, nouveau président de la Conférence des évêques catholiques australiens. Selon lui, un rôle plus important donné aux laïcs aurait empêché que le fléau des abus sexuels prenne une telle ampleur.
L’Australie a été l’un des pays les plus marqués par les abus sexuels dans un contexte ecclésial. De récents cas ont mis en évidence des comportements inappropriés dans la gestion de ces affaires, au sein des plus hautes sphères de l’Eglise. Mgr Philip Wilson, archevêque d’Adelaïde, a notamment été reconnu coupable, fin mai 2018, de non-dénonciation d’abus sexuels. En février 2017, la Commission royale d’enquête sur les actes de pédophilie dans l’Eglise du pays a déterminé que 7% des prêtres avaient fait l’objet d’accusations dans les 60 dernières années.
Changement de culture requis
Dans ce contexte bouillant, Mgr Coleridge a participé, fin juin 2018, à la «Conférence de sauvegarde anglophone», qui réunit annuellement à Rome les évêques de langue anglaise. Le thème de la conférence 2018 était «Culture et protection de l’enfance». Un sujet avec lequel, Mgr Coleridge, élu fin mai à la tête de l’épiscopat australien, aura certainement fort à faire.
«Le champ est vaste, parce que c’était un genre de culture particulier ou de sombres aspects de la culture qui ont permis les abus et les dissimulations qui ont suivi», confie-t-il à l’agence d’information catholique américaine Crux. Il indique que les prélats australiens sont en train d’analyser le phénomène et de définir des axes d’action. Ce qui est «la partie la plus difficile de la démarche (…) car vous pouvez parler à tort et à travers de stratégie et de structures, mais si ça ne change pas la culture en place, vous ne faites que de la cosmétique».
«Le cléricalisme a été au cœur du problème»
Une culture qui, selon Mgr Coleridge, «ne changera pas si elle est laissée aux seuls clergé et religieux». Il estime ainsi que les laïcs, les baptisés, qui forment la plus grande partie de l’Eglise, ont un rôle crucial à jouer. «Il a souvent été dit, et c’est quelque chose de difficilement niable, que s’il y avait eu plus de laïcs impliqués dans les processus de décision dans le passé, nous n’aurions pas sur les bras la catastrophe actuelle. Ce n’est pas une option, et je pense que c’est au cœur du changement culturel». Le prélat australien juge ainsi que «le cléricalisme a été au cœur du problème».
La nécessaire écoute des victimes
Cette «laïcisation» serait en train de se réaliser dans toute l’Eglise, notamment à Rome, sous l’influence du pape François.
L’archevêque est également optimiste concernant la collaboration de plus en plus étroite entre les diverses parties de l’Eglise dans le domaine des abus sexuels, en particulier entre Rome et les Conférences épiscopales. Un partenariat qu’il juge «crucial», même si «le Saint-Siège a été plutôt lent, à certains égards, à suivre le mouvement «.
Pour le prélat australien, l’écoute et le soutien pastoral aux victimes sont des éléments majeurs du changement de culture souhaité. «Les responsables de ces dossiers sont compétents et pleins de bonnes intentions, mais ils ne se sont pas assis à une table et n’ont pas écouté ce qu’avaient à dire les victimes. Ils ne se sont pas rendu compte de la colère et n’ont pas écouté les histoires. Et avant d’avoir fait cela, vous ne savez pas à quoi vous avez affaire».
Pour autant, Mgr Coleridge estime que les attaques contre l’Eglise sont parfois sournoises. «Il est difficile de ne pas considérer qu’il existe une certaine volonté de voir les têtes tomber», affirme-t-il.
«Aucun espace pour la complaisance, mais certainement pour l’encouragement»
Quoiqu’il en soit, l’évêque de Brisbane est optimiste face à la prise en main du problème par les instances romaines. «Je vois clairement qu’au niveau du Secrétariat d’Etat et d’autres organes tels que la Commission pour la protection des mineurs, il existe une véritable détermination à avancer. Et également une capacité à penser de façon créative à ce qui devrait être fait.»
Dans le domaine de la gestion des abus sexuels, «il n’y a absolument aucun espace pour la complaisance, mais il y en a certainement pour l’encouragement», conclut Mgr Coleridge. (cath.ch/crux/rz)