Au Vatican, la bataille contre les communautés déviantes s'accélère
Depuis la promulgation de la lettre apostolique en forme de motu proprio intitulée «Authenticum charismatis», publiée le 4 novembre 2020, l’érection d’un nouvel institut de droit diocésain par un évêque sans l’accord explicite du Siège apostolique est devenue invalide.
Si ce texte marque un véritable pas en avant pour prévenir les abus de tous types au sein des nouvelles communautés, il pourrait ne pas suffire à corriger toutes les déviances observées dans l’Eglise.
Face aux récents scandales d’abus, «nous n’avons pas les réponses à toutes les questions» et «nous apprenons au coup par coup», reconnaît l’un des employés de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. Il l’a confié à l’agence de presse I.MEDIA à Rome. La lettre apostolique «Authenticum charismatis» est notamment le fruit des constatations de ce dicastère en charge, en grande partie, de la fondation et de la dissolution des communautés religieuses.
Des instituts de droit diocésain érigés «en douce»
Alors que, jusqu’à présent, malgré la vigilance du Saint-Siège, certains évêques continuaient d’ériger «en douce» des instituts de droit diocésain, ils ne pourront plus le faire, signale le dicastère. D’illicite, l’érection d’un nouvel institut de droit diocésain sans l’accord du Siège apostolique est tout simplement devenue «invalide». Une mesure forte dont l’un des objectifs est d’améliorer le discernement de l’Eglise et d’écarter les potentiels fondateurs déviants.
Ce motu proprio «fait mieux prendre conscience que le discernement des charismes ne relève pas que du ‘pauvre évêque’ qui devrait tout faire dans son coin. C’est quelque chose qui est ecclésial, qui concerne l’Eglise universelle», précise-t-on au dicastère. Cette mesure très forte empiète un peu sur la juridiction des évêques, reconnaît-on, mais elle est pourtant «plus que nécessaire» au regard du contexte que l’on connaît. Aucune sanction n’est cependant prévue pour les prélats ne respectant pas le motu proprio.
Communauté in itineris
Au sein de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostoliques comme au sein de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, qui se charge des communautés dans les territoires de mission, cette nouvelle disposition n’entraîne pas de changement majeur.
En effet, la consultation du Siège apostolique, obligatoire jusqu’à présent, impliquait déjà une procédure «très sérieuse» pour décider de l’érection ou non d’un nouvel institut, explique-t-on à I.MEDIA. De la gestion des biens jusqu’à la liturgie en passant par le fondateur, une batterie de questions est soumise aux évêques au sujet de l’institut qu’ils souhaitent ériger. Cette procédure sera toujours la même.
A noter qu’une quarantaine de personnes, dont la majorité a prononcé des vœux perpétuels, est généralement requise pour que la demande de l’évêque d’ériger un institut de droit diocésain soit prise au sérieux. Avant qu’un prélat ne lui accorde le statut d’institut, la communauté in itineris, c’est-à-dire en chemin, a encore le statut d’association de fidèles. Sous le contrôle de l’évêque mais sans être reconnue par le Saint-Siège, elle a cependant le droit de vivre à la manière d’une communauté religieuse et de porter un habit. Si dissolution il y devait y avoir, ce serait donc à l’évêque dont elle dépend de s’en charger et non au Vatican.
«Le code est en chemin»
Si ce motu proprio marque une étape, il faut reconnaître que le chemin pour lutter contre les abus est encore long. Ne serait-ce que parce que l’équipe chargée de légiférer sur la mort et la naissance des instituts de droit diocésain, qui doit répondre à plus 90 lettres par semaine, semble en sous-effectif. Les dossiers les plus délicats remontent à la hiérarchie. Le dicastère étudie les profonds changements à apporter à la procédure, à commencer par la formation des visiteurs apostoliques, mais l’instauration de telles mesures nécessite du temps.
A cela il faut ajouter les lacunes constatées du droit canon en matière d’emprise et d’abus. «Il est vrai que dans le code [de droit canon, ndlr] de 1983, il n’y a pas un canon là-dessus, alors que les question des abus et de l’emprise sont devenues très présentes aujourd’hui. On voit bien qu’en 1983, quand ce code a été rédigé, cela n’était pas un sujet d’actualité», constate-t-on.
«Le concept d’emprise ne fait pas encore partie du vocabulaire des canonistes»
Si des textes complémentaires, comme le vademecum ayant pour objectif «d’accompagner et guider pas à pas quiconque doit chercher la vérité» face à un cas d’abus, publié le 16 juillet dernier par la Congrégation pour la doctrine de la foi, évoquent la notion de «personne vulnérable», le concept d’emprise ne fait quant à lui pas encore partie du vocabulaire des canonistes. «Le code est en chemin», précise-t-on à la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. (cath.ch/imedia/cg/be)