Inhumation du corps d'une des victimes de l'attaque de la mosquée d'al-Rawda (Photo: Ahmed Gomaa/Keystone)
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Attentat en Egypte: entre deuil et inquiétude

Le dernier groupe de victimes de l’attaque de la mosquée al-Rawda de Bir al-Abd, au nord l’Egypte, a été enterré le 26 novembre 2017. Les autorités locales ont transmis pour le massacre du 24 novembre 309 certificats de décès aux familles des défunts, une première dans l’histoire du pays

Au moment de la prière du vendredi, des terroristes cagoulés ont attaqué la mosquée al-Rawda, située à l’ouest d’Al-Arich, au nord de la péninsule du Sinaï, avec des explosifs et des armes automatiques. Abdel-Fattah Rézeik, l’imam de la mosquée, a raconté dans les médias égyptiens les circonstances de l’attaque: «Dès que je suis monté sur la chaire pour dire le sermon, l’explosion des grenades a eu lieu. Bien sûr je me suis arrêté et c’était le chaos total. Je suis tombé par terre parce que le cadavre d’un fidèle est tombé sur moi. Les terroristes pensaient que j’étais mort! Ceux qui réussissaient à sortir par l’une des trois portes de la mosquée étaient ciblés par des armes automatiques».

27 enfants tués

L’assaut a causé la mort de 309 personnes, dont 27 enfants. 128 fidèles ont été blessés. Parmi eux se trouvaient des conscrits de l’armée et des soufis. Le massacre n’a pour l’instant pas été revendiqué. Suite à l’attentat, l’armée n’a pas tardé à répliquer. Le ministère de l’Intérieur a déclaré le plus haut degré d’alerte dans tous les gouvernorats. Des attaques aériennes ont été menées au nord et au centre de la péninsule du Sinaï, tuant 45 membres de groupes djihadistes.

Les terroristes élargissent le cercle de leurs cibles

Ce carnage est le premier de cette ampleur depuis la destitution du président islamiste Mohamad Morsi en juillet 2013. C’est le deuxième attentat terroriste le plus meurtrier de l’histoire, après celui du 11 septembre à New York et Washington. Beaucoup d’observateurs estiment qu’un telle chose pourrait se répéter, si l’on tient compte du très grand nombre de mosquées dans le pays, qui se remplissent chaque vendredi de millions de fidèles.

Pour Hani Al-Aassar, spécialiste de la sécurité national au Centre Al-Ahram des études politiques et stratégiques, «Il est impossible d’éviter ce genre d’attentat parce qu’il est quasiment inimaginable que les forces de police sécurisent les moquées, qui sont devenues des cibles faciles pour les terroristes. Ce type d’opérations a pour objectif de transformer la guerre contre le terrorisme en chaos et de permettre l’entrée de tous les éléments de la société dans la bataille pour qu’elle se transforme en guerre civile. De cette manière, l’Etat ne sera plus en mesure de combattre le terrorisme et toute collaboration des citoyens avec les forces de sécurité sera punie par l’Etat islamique (EI)».

L’ombre de Daech

Ahmad Zaghloul, chercheur spécialisé dans les groupes islamistes, souligne que d’autres attaques de mosquées se sont déjà produites dans le monde, notamment en Irak, en Syrie, au Yémen et en Afrique, perpétrées en particulier par le groupe djihadiste Boko Haram. «Je pense que le carnage de la mosquée al-Rawda est l’œuvre du groupe Wélayet Sinaa, la branche égyptienne de l’EI, parce qu’Al-Qaïda a toujours évité de s’attaquer aux mosquées».

Le chercheur Samir Ramzi craint que les terroristes n’élargissent le cercle de leur cibles pour y inclure les civils sunnites. «Il est possible qu’ils visent également les rassemblements de citoyens, toutes confessions confondues, surtout avec l’approche des élections présidentielles en 2018. Ils savent que le fait de choisir des cibles inhabituelles, autres que les églises et des points de sécurité, peut affaiblir l’Etat».

Les soufis veulent surmonter le drame

Depuis la destitution du président islamiste Mohamad Morsi en 2013, l’Egypte est le théâtre d’attaques menés par des groupes islamistes contre les forces de sécurité dans plusieurs régions du pays, surtout dans le nord du Sinaï, où la branche locale de l’EI est particulièrement active.

La mosquée al-Rawda appartient à des adeptes du mouvement soufi (pratiquants d’un islam spirituel et modéré) auquel appartient environ 60% de la population égyptienne. Ils sont considérés par l’EI comme des hérétiques. L’un de ses principaux leaders spirituels, âgé de 98 ans, a été décapité en 2016 par l’EI. Les soufis d’Egypte ont exprimé, le 26 novembre, leur volonté de surmonter ce drame en annonçant le maintien de la plupart des festivités prévues pour l’anniversaire du prophète Mahomet. (cath.ch/ll/rz)

 

 

Inhumation du corps d'une des victimes de l'attaque de la mosquée d'al-Rawda
27 novembre 2017 | 11:12
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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