Argentine: Rome fait fermer le séminaire diocésain de San Rafael
L’annonce, début août 2020, de la fermeture du Séminaire Santa Maria Madre de Dios, du diocèse de San Rafael, dans la province argentine de Mendoza, a provoqué la stupéfaction chez un certain nombre de fidèles et de prêtres diocésains. D’ici décembre, 40 séminaristes devront poursuivre leur formation dans d’autres séminaires argentins.
La décision de fermer le séminaire diocésain à la fin de l’année académique a été prise par la Congrégation romaine pour le Clergé, dont le préfet est le cardinal Beniamino Stella, et communiquée aux évêques argentins en juillet.
Grave crise interne
La soudaine mesure a semé le discorde dans le diocèse, provoquant des manifestations, de multiples interventions dans la presse et au niveau politique. Mgr Eduardo Maria Taussig, évêque de San Rafael, est vilipendé de divers côtés, tandis que le diocèse traverse depuis plusieurs mois une grave crise interne. Les désaccords s’accumulent entre certains secteurs très traditionnels (laïcs, religieux et prêtres) et l’évêque diocésain, appuyé semble-t-il par une partie majoritaire du clergé et des fidèles.
Mais près de 80 % des prêtres du diocèse, ne comprenant pas cette décision, ont écrit à la Commission exécutive de la Conférence épiscopale argentine pour demander des explications sur les motifs de cette décision brutale.
Communion dans la main obligatoire en raison du Covid-19
La raison en serait le refus, depuis la réouverture des églises au culte, de donner la communion dans la main, une obligation décrétée par le gouvernement de la Province de Mendoza et relayée par l’archidiocèse de Mendoza, dont le diocèse de San Rafael est suffragant. Mgr Taussig a rappelé à plusieurs reprises l’obligation d’administrer la communion dans la main et non dans la bouche, selon les normes sanitaires en vigueur pour freiner la pandémie du Covid-19.
Mais cette question ne serait que la partie émergée de l’iceberg. Les observateurs notent que le diocèse de San Rafael est depuis de nombreuses années une terre d’accueil pour des communautés conservatrices. Le problème serait le fait que le séminaire n’adhérerait pas pleinement au Concile Vatican II et à la Ratio Fundamentalis, le «programme» du Vatican pour la formation des futurs prêtres.
Démission recteur du séminaire
Le recteur sortant du Séminaire Santa Maria Madre de Dios est accusé, déjà au temps de la quarantaine décrétée en raison de la pandémie de Covid-19, d’avoir explicitement encouragé ses séminaristes à résister aux demandes de l’évêque diocésain en ce qui concerne la communion dans la main. Cette attitude a provoqué une profonde rupture dans le corps ecclésial qui mettra sûrement du temps à se cicatriser.
Face aux protestations locales, Mgr Eduardo Maria Taussig, qui formulé dans le décret de fermeture le contenu de la directive de la Congrégation pour le Clergé, a déclaré aux médias argentins que la décision avait été prise «par le Saint-Siège» et non par le diocèse de San Rafael.
Manifestations et lettres ouvertes
Depuis quelques semaines, après l’autorisation provinciale pour la reprise des célébrations religieuses, un des protocoles en vigueur (celui de l’octroi de l’hostie dans la main) a généré une vive controverse et un malaise de la part d’un groupe de fidèles catholiques. La situation a pris des tournures inattendues, notamment la démission du recteur du Séminaire diocésain, Alejandro Ciarrocchi, des lettres ouvertes et des prises de position, dont une manifestation massive devant le Séminaire, qui a même valu aux protestataires des problèmes avec la justice pour avoir violé les règlements établis par le gouvernement provincial concernant la pandémie.
Les détracteurs de la décision romaine, qui en font porter la responsabilité à l’évêque diocésain, rappellent que depuis la fondation du Séminaire Santa Maria Madre de Dios, environ 150 prêtres ont été ordonnés. Le diocèse compte un prêtre pour 2’300 habitants, la moitié d’entre eux exercent leur ministère dans d’autres diocèses (avec trois paroisses en charge à Cuba), 40 séminaristes et plus de 30 formateurs qui ont fait des études supérieures. Parmi les diplômés des 15 dernières années, un seul prêtre a quitté le ministère. «Ne s’agit-il pas là de données significatives?», écrivent quelque 70 prêtres dans le quotidien local Diario San Rafael.
«Vu l’étendue de la désobéissance»
La fermeture du séminaire du diocèse de San Rafael soulève certes l’incompréhension, car ce n’est pas le manque de vocations ou de personnel enseignant qui en est la cause, mais le refus du clergé de suivre une décision de l’évêque. Le Père Antonio Alvarez, porte-parole du diocèse de San Rafael, précise que la décision de fermer le Séminaire Santa Maria Madre de Dios, a été prise par Rome «vu l’étendue de la désobéissance» d’une grande partie du clergé, dont nombre sont diplômés et dont plusieurs sont actuellement formateurs ou professeurs.
«Comme première mesure, et non la seule, le Saint-Siège veut que le séminaire soit fermé, et les séminaristes déplacés pour être libérés de cette influence et correctement formés pour le sacerdoce». Selon le Père Antonio Alvarez, l’indiscipline est tellement généralisée qu’elle rend impossible de trouver parmi le clergé des formateurs pour le séminaire.
L’évêque a assuré que les séminaristes «poursuivront leur itinéraire de formation dans d’autres séminaires» des diocèses argentins, selon les modalités et les délais qui seront déterminés avec la Congrégation pour le Clergé. (cath.ch/be)