Après 15 ans, Protestinfo a imposé sa marque dans le paysage médiatique romand
Lausanne, 24 mars 2015 (Apic) Une agence de presse protestante garde toute sa place dans le paysage médiatique actuel. Telle est la conviction de Joël Burri, responsable de Protestinfo-Protestinter à Lausanne. A la veille de la célébration des 15 ans de la création de l’agence, le journaliste est convaincu que les questions religieuses méritent encore l’attention des médias.
Comme agence de presse Protestinfo est spécialisée dans l’actualité des Eglises réformées de Suisse romande. Elle diffuse également une information touchant aux questions d’éthique, de société et de spiritualité. Grâce à ces partenaires internationaux, la rédaction propose également le fil d’information Protestinter, une ouverture sur l’actualité internationale des Eglises protestantes.
Joël Burri est responsable de l’agence depuis décembre 2013. Durant ses études de théologie et de lettres, il a été pigiste pour divers journaux. Il a été ensuite journaliste et chef de rubrique locale à 20 minutes puis journaliste multimédia à 24 Heures. Laurence Villoz est la deuxième membre de l’équipe. Elle vient de terminer son stage de journaliste après des études de français, philosophie et anglais à l’Université de Lausanne. Basée à Sévelin dans l’ancien cœur industriel de Lausanne, Protestinfo a réussi en quinze ans à imposer sa marque dans le paysage médiatique romand.
Apic: 15 ans d’âge pour un organe de presse, c’est à la fois peu et beaucoup. Peu par rapport à des institutions souvent séculaires, beaucoup par rapport à des projets éphémères qui n’ont pas tenu face aux réalités du marché.
Joël Burri : Nous nous sentons bien dans notre peau de protestinfo. En tant qu’adolescent de 15 ans, nous pouvons même nous payer une petite crise, au risque d’être un peu ingrats avec nos géniteurs. Plus sérieusement, les protestants romands apprécient et privilégient le débat et la critique. Nous avons donc les coudées franches avec une vraie liberté. Je peux même dire qu’elle est plus grande que dans la presse profane où je travaillais auparavant.
Apic: Quelle peut-être la spécificité d’une agence de presse protestante ?
J.B. : Il s’agit d’apporter un regard différent, plus spécifique, pour donner à comprendre et à réfléchir. Lorsque nous couvrons par exemple les débats des synodes des Eglises cantonales, nous ne nous contentons pas d’un simple compte-rendu factuel mais nous cherchons à montrer les points de tension et les enjeux. Sur les sujets ‘chauds’, nous donnons l’avis des différents protagonistes et non pas seulement une position officielle. De fait, cette conception de l’information me semble bien intégrée dans les Eglises protestantes. Elles jugent normal de se trouver parfois en ‘friction’ avec leur agence de presse.
Apic: L’existence des protestants dans les médias reste un grand défi.
J.B. : Aujourd’hui certaines études montrent que 90% de l’information religieuse dans nos pays concernent l’Eglise catholique. Pour la plupart des gens et des journalistes, l’Eglise s’identifie à l’Eglise catholique. Nous n’avons aucun ‘people’, ni pape, ni évêque, comme figure d’indentification. Et cela va même plus loin, nos interlocuteurs nous signalent presque toujours qu’ils parlent en leur nom propre et qu’ils ne veulent pas engager l’institution. La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) prend quelquefois positions sur des sujets de société mais ce n’est pas forcément très représentatif. L’attitude réformée respecte une certaine diversité des opinions et des expressions. Il s’agit d’expliciter les enjeux et les divergences, mais sans pouvoir les identifier à une personne.
Apic: La Suisse romande dans laquelle vous êtes implantés est à la fois une et très diverse.
J.B. : Chaque Eglise cantonale cultive une identité forte. C’est beau à vivre, mais c’est un peu le ‘cauchemar’ des journalistes. Nous travaillons à faire vivre cette Suisse romande en nous intéressant à chacune des Eglises membres de l’alliance romande, mais nous sommes forcément un peu plus ancrés à Lausanne, parce l’information nous arrive plus vite et plus directement. Dans le choix des nouvelles, nous cherchons à maintenir un équilibre entre les régions. Nous collaborons à ce titre avec les journaux protestants «Bonne Nouvelle» dans le canton de Vaud, La Vie protestante NE-BE-JU et la Vie protestante GE. Entretenir ce réseau est un vrai travail
Apic: Comment une agence de presse protestante peut-elle se faire sa place ?
J.B. : En tant qu’agence, nous restons en priorité sur l’actualité. Son abondance varie évidement selon les périodes. Parfois c’est trois synodes ou rassemblements le même jour. Mais cela fait partie du job. Sur les sujets de sociétés, nous cherchons toujours à faire des propositions originales afin d’augmenter nos chances d’être repris. Cela implique de choisir des thèmes qui ne sont pas forcément dans l’air du temps et d’offrir une approche différente, en particulier sous l’angle éthique. Nous avons aussi des sujets plus personnels à travers lesquels nous voulons faire profiter nos lecteurs d’une expérience vécue.
Apic: Aujourd’hui l’information circule surtout sur internet.
JB. : Le site internet est en libre accès pour Protestinfo. Mais nous n’avons pas la volonté de faire de notre site un organe de presse à proprement parler qui viendrait en quelque sorte en concurrence avec nos produits que nous diffusons auprès de nos médias abonnés. Nous fournissons un contenu très original et qui plus est très bon marché. Le site s’adresse plutôt à un public plus proche des instances pastorales. Nous faisons de la photo et un peu de vidéo, mais cela reste à développer. Pour Protestinter, le fil de l’info fonctionne sur abonnement, comme une agence de presse classique.
Apic: Dans un monde médiatique en mutation rapide et continue comment voyez-vous votre avenir ?
J.B. : Je regarde l’avenir avec sérénité, car je pense que les agences de presse, notamment spécialisées, ont encore une place. Nous fournissons des contenus propres sur des sujets qui ne sont généralement pas couverts par d’autres médias. Les sujets éthiques ou religieux intéressent le public, souvent plus que les rédactions ne l’imaginent. La culture et le cinéma occupent une place dans la presse bien plus large que les questions religieuses, mais de fait, une large part de la population va plus souvent dans un temple que dans un cinéma ou un théâtre. La culture ne touche qu’une certaine élite, sans conteste la religion ratisse beaucoup plus large. Pourquoi vouloir restreindre sa place dans les médias?
Encadré 1:
La naissance de Protestinfo
Le directeur de Médias-pro, Michel Kocher, revient sur les origines de Protestinfo. En tant que département de la Conférence des Eglises réformées romandes (CER) Medias-pro regroupe trois services distincts : l’agence de presse Protestinfo, le Service Protestant de Télévision et le Service Protestant de Radio.
Apic: Dans quel contexte est né Protestinfo et quel était son objectif ?
Michel Kocher: Nous nous retrouvions régulièrement les gens du Service protestant de radio et les journalistes du Service de presse protestant (SPP) pour échanger nos informations. Au cours de nos discussions et face à l’évolution générale des médias, il nous est apparu qu’une agence de presse serait mieux à même de répondre aux nouveaux défis. Notamment avec davantage de souplesse et de réactivité afin de pouvoir continuer à intéresser les lecteurs. Il s’agissait aussi de faire face à la baisse de crédibilité des institutions ecclésiales pour garder un créneau et rester présents dans l’espace public.
A la faveur du départ à la retraite du rédacteur du SPP, un journaliste reconnu qui n’avait aucunement démérité, nous avons saisi l’opportunité de faire cette proposition aux Eglises protestantes romandes. Pour passer du statut d’informateurs religieux à celui de journalistes spécialisés dans le domaine religieux. La Conférence des Eglises romandes a accepté ce projet et Protestinfo a été créée en 2000 dans le giron de Médias Pro, avec la radio et la télévision. Ce processus de convergence donnait l’accès aux divers supports de diffusion, tout en garantissant l’indépendance rédactionnelle. Nicole Métral a mis en route Protestinfo en passant à internet.
A mes yeux, ce projet d’agence reste pertinent aujourd’hui. Une agence est la première à rechercher l’info. Avec 1.5 poste de journaliste Protestinfo est au minimum vital, mais elle parvient à assurer une réelle présence sur le terrain.
Apic: Quelle peut-être la plus-value d’une agence de presse confessionnelle ?
M.K. : La culture démocratique occidentale a besoin d’information pour nourrir le débat. Pour se forger une opinion, il faut être informé. Les journalistes jouent un rôle essentiel dans cette chaîne. Ils attestent du bon fonctionnement et de la transparence des institutions, en lien avec le débat public.
Dans ce contexte, je défends le droit à la conviction qui est partie structurante de notre engagement et des angles que nous choisissons. Cette conviction, qu’il faut distinguer d’une opinion, possède sa légitimité. C’est une façon de penser, de regarder et d’exprimer le monde. Nous avons des convictions pour servir le monde, la justice, la paix et la sauvegarde de la création. Ce sont nos racines et nous n’avons pas à en rougir. C’est pourquoi je garde un regard optimiste. Dans un paysage médiatique difficile et étriqué, mais aussi dans l’Eglise réformée Protestinfo a sa place, elle est reconnue et appréciée. (apic/mp)
Encadré 2 :
Dieu n’existe pas dans mon journal
Pour célébrer ses 15 ans, Protestinfo organise une soirée de réflexion et débat, sur le traitement du fait religieux dans les médias, le jeudi 26 mars à 19h30, à l’Espace Culturel des Terreaux (rue des Terreaux 14), à Lausanne.
La Conseillère d’Etat vaudoise Béatrice Métraux, le sociologue des religions Philippe Gonzalez et les rédacteurs en chef de plusieurs médias romands prendront part aux discussions.
Alexia Rabé (The Voice, saison 3) assurera les intermèdes musicaux. Infos : www.protestinfo.ch/15ans