Michel Cuany, curé in solidum de l’Unité pastorale St-Pierre et Villars-sur-Glâne

Apic portrait

De l’économie d’entreprise à l’économie du Salut

Fribourg, 26 mai 2009 (Apic) L’abbé Michel Cuany, curé in solidum à Villars-sur-Glâne, est devenu prêtre à l’âge de 55 ans. Avant de laisser éclore sa vocation, ce fils de pêcheur a travaillé dans les assurances, tout en s’adonnant à fond à la pastorale, en tant que bénévole dans sa paroisse. Aujourd’hui, cet ancien «technicien de sinistres» fait face à des sollicitations davantage pastorales.

C’est en accompagnant des confirmands de sa paroisse de Portalban, dans le canton de Fribourg, avec pour seule consigne du curé Michel Robatel «Débrouille-toi avec eux!» que Michel Cuany a pris goût aux lectures religieuses. Puis l’abbé Meinrad Nicolet, qui a perçu en lui un appel à devenir prêtre, l’a convaincu de s’adresser à l’abbé Bernard Genoud, alors directeur du séminaire. C’est ainsi qu’a pu éclore cette vocation dite «tardive».

Né en 1947, Michel Cuany a effectué sa scolarité primaire et secondaire dans la Broye. Il a travaillé à l’entreprise Suchard pour gagner sa vie durant ses vacances scolaires. Formé dans le monde des assurances, il a oeuvré comme technicien de sinistres durant de nombreuses années pour une compagnie dont le siège était à Neuchâtel.

Sa vie religieuse est empreinte de la spiritualité de sa mère. S’il s’est toujours rendu à la messe dominicale, il avoue avoir eu plus de difficultés avec le sacrement de la pénitence, n’ayant, comme il le dit lui-même, «pas de crime sur la conscience». Ses liens avec l’Eglise ont surtout été ceux qu’il a entretenus avec l’abbé Michel Robatel, alors curé de Portalban. Le sens légendaire de l’hospitalité du curé «Churchill» – comme les collégiens de Saint-Michel l’appelaient quand il était préfet de l’internat à cause de son légendaire cigare -, a amené Michel Cuany à assumer des tâches au sein de la paroisse, dont celles de lecteur, d’auxiliaire de la communion, puis d’accompagnateur des confirmands avec «carte blanche» de son curé.

Pas d’illumination, mais une vie de foi

Son engagement au sein de l’Eglise catholique est lié à des rencontres de personnes qui ont perçu chez lui un intérêt marqué pour la religion et le lui ont signalé. Il affirme ne pas avoir eu «d’illumination», mais avoir toujours vécu dans la foi dont sa maman était porteuse. D’autres personnes lui ont aussi beaucoup apporté: François Sallin, son maître à l’école secondaire, lui a fait découvrir l’ermitage de Saint-Nicolas de Flüe au Ranft. Puis le curé Nicolet l’a incité à se former en pastorale.

Pour passer d’une activité économiquement rentable à un engagement religieux, il fallait avoir de bonnes raisons. L’abbé Cuany en cite deux: l’attrait pour l’Eglise, qui lui amenait réconfort, et la lecture. Il évoque également les pèlerinages qui l’ont grandement aidé dans son choix.

C’est l’abbé Meinrad Nicolet qui a tout fait pour que Michel Cuany puisse rencontrer l’abbé Bernard Genoud, alors directeur du Séminaire. Comme il le dit, l’appel qui «résonnait en lui a mis longtemps avant d’éclore».

Propulsé à la tête de la paroisse de Villars-sur-Glâne, l’abbé Cuany se sent à l’aise dans ce milieu urbain, même s’il ne connaît qu’une petite partie de la communauté paroissiale. Son seul regret est de ne pas pouvoir être davantage au service des gens.

Confiant dans l’avenir de l’Eglise, le prêtre est plus réticent sur les interprétations que l’on fait des interventions du pape. Pour lui, une meilleure communication de la part du Vatican s’impose. Il compare volontiers le pape à un chef d’entreprise, à un PDG, qui fait confiance à ses collaborateurs considérés comme compétents.

Les célébrations avec absolution collective

A l’évocation des célébrations avec absolution collective, le prêtre regrette qu’une habitude admise il y a des années soit contestée aujourd’hui. De plus, il n’est pas certain qu’il y ait, de par le monde, si peu de diocèses à autoriser ce genre de célébrations. Le sacrement de la réconciliation a fortement évolué au cours des temps: pourquoi alors être maintenant si formaliste, se demande-t-il.

Nommé à la tête d’une grande paroisse, l’abbé Cuany s’y sent à l’aise. L’Unité pastorale Saints-Pierre-et-Paul, qui comprend les paroisses de St-Pierre à Fribourg et de Villars-sur-Glâne, compte 13’500 catholiques. Comme curé in solidum en compagnie du curé modérateur André Vienny, il a la responsabilité de la coordination, de l’intendance et de l’information. Mais il reconnaît ne pas avoir besoin de s’occuper de tous ces aspects administratifs et pouvoir se consacrer davantage à la pastorale. Michel Cuany formule le voeu que les personnes qui ont besoin de son aide le lui disent. Il déplore l’indifférence des baptisés, constatant que souvent l’intervention du prêtre n’est sollicitée qu’en cas de nécessités majeures: baptêmes, mariages et sépultures notamment.

Foi et Eglise catholique

A la question «croire de plus en plus en Dieu, et de moins en moins en ses représentants?», l’abbé répond: «Certaines personnes veulent sortir de l’Eglise et m’écrivent, en faisant référence aux propos de Benoît XVI. Mais j’imagine que la personne concernée a entendu aux informations des bribes de propos qui l’ont choquée. Je comprends que certaines personnes puissent se sentir heurtées, pourtant l’Eglise est miséricordieuse. Il ne s’agit pas de condamner qui que ce soit, les divorcés, les homosexuels et autres concubins. Il ne s’agit pas de jeter la pierre à quiconque».

Michel Cuany a toujours craint de ne pas «être à la hauteur de la tâche»; il affirme ne pas savoir chanter, ne pas connaître assez le latin et ne pas avoir suffisamment de temps pour lire et se former. Il lit en tout cas les livres de vie de ses paroissiens. (apic/js)

26 mai 2009 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!

Mgr Pierre Mamie, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (041093)

APIC – Portrait

Fidèle à la partition donnée par Dieu

Gabriele Brodrecht, agence APIC

Fribourg, 4octobre(APIC) «On voudrait mieux le connaître, car on sent

qu’il est en tout motivé par sa foi et qu’à travers lui on peut s’approcher

davantage de Dieu.» Ces paroles jaillies spontanément des lèvres d’une religieuse, rejoignent bien la préoccupation première de Pierre Mamie, évêque

de Lausanne, Genève et Fribourg: ne jamais être pour les autres un écran

qui masque Dieu, mais une fenêtre qui ouvre sur lui.

Il est rare d’entendre quelqu’un parler de Dieu aussi naturellement que

Pierre Mamie, aussi librement, avec autant de force intérieure. Rien de secondaire, de superficiel, pas de pathos, rien qui sonne faux. Rien que

d’intelligent et de pensé dans ses paroles, comme dans sa prédication, bien

que ce soit toujours teinté de sensibilité personnelle. Il vit profondément

ce qu’il veut communiquer aux hommes et cela se sent. On est remué par la

force et la poésie des mots qu’il emploie.

Ses paroles peuvent parfois sembler dures – pas de compromis, ses convictions ne le tolèreraient pas – mais sa devise épiscopale comporte deux

mots, «veritas et misericordia»: une vérité tempérée de miséricorde, une

exigence intérieure qu’il communique aux autres, mais derrière laquelle se

cachent sous une apparente sévérité un immense amour et une très grande

bonté. Si au premier abord, il peut paraître distant, il se révèle très vite attentif et proche de ses frères.

Renoncer au mariage a constitué pour lui un vrai sacrifice, mais il lui

a été plus dur encore de renoncer à avoir ses propres enfants. Ses 600’000

diocésains constituent aujourd’hui sa grande famille. Son coeur pourtant

déborde des frontières du diocèse: il l’a un peu laissé en Afrique lors de

ses voyages missionnaires. Preuve en est son bureau, où perdu dans l’amoncellement de livres, un enfant africain rit de toutes ses dents. Car l’évêque est photographe et son appareil ne le quitte jamais lors de ses voyages. Il y a là aussi la photo d’une femme belle, toute en blanc: c’est sa

mère, dont la foi profonde et la sagesse l’ont imprégné.

Sa terre natale, le Jura, lui a donné aussi sa personnalité et son ouverture sur le monde. A la Chaux-de-Fonds, où il est née en 1920, il a vécu

toute son enfance en contact avec la nature et avec la musique, dont il est

devenu amoureux grâce au poste de radio bricolé par son père. Sa manière de

s’exprimer, ses gestes, sa démarche s’en ressentent encore. C’est alors

aussi qu’il a pris le goût de la lecture et qu’il s’est initié à l’art de

la cuisine: une sauce tomate «à la manière de l’évêque» pourrait bien vous

mettre l’eau à la bouche… et son amour pour la cuisine italienne remonter

à des ancêtres venus autrefois de Toscane s’installer à Bonfol…

Pierre Mamie avec ses deux frères et sa soeur ont grandi tout naturellement dans un climat de foi: c’est un privilège, il le reconnaît. Dans la

mentalité de l’époque, son père, tout imprégné par le respect et la grandeur du sacrement, ne s’approchait que rarement de l’Eucharistie, tandis

que sa mère communiait tous les jours. C’est ainsi que le futur évêque fut

amené à imiter sa mère et qu’une privation occasionnelle de l’eucharistie

par suite de maladie lui était vraiment un manque. Il puisait dans la messe

quotidienne la force d’affronter un nouveau jour. Sa vocation au sacerdoce,

il l’a découverte comme une illumination soudaine au lendemain de sa première communion. Il n’en a jamais douté, même s’il se serait vu volontiers

chirurgien, chef d’orchestre ou… clown.

Dès l’enfance il a aimé plaisanter, faire des jeux de mots: cela lui valait, déjà à ce moment là d’être vertement remis en place. Il allait alors

se cacher sous son lit jusqu’à ce qu’on vienne le chercher. Cela bien sûr,

il ne le fait plus, même si dans une vie d’évêque il y aurait encore des

raisons de réagir ainsi… Il ne supporte pas maintenant encore l’injustice

ou le mensonge. On peut imaginer combien souvent il lui faut faire preuve

de patience, car il est plus sensible et plus émotif qu’il n’en a l’air.

Pierre Mamie est un grand évêque. Cela non seulement parce qu’il est

pour la deuxième fois, président de la Conférence des évêques suisses, mais

parce qu’il se distingue par son intelligence et sa formation universitaire

(deux licences et un doctorat), par sa vaste culture, et son amour de la

littérature, du théâtre et de l’art. Il a acquis une grande expérience en

servant de secrétaire – on pourrait dire d’ange gardien – au cardinal Journet. Cela lui valut de participer avec ce dernier à la dernière session du

Concile Vatican II. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’il ait joué un rôle

important dans la recherche d’une solution au conflit de l’évêché de Coire

qui menaçait l’unité de l’Eglise en Suisse. Il est très préoccupé par l’oecuménisme, ce qui pour lui n’était pas évident, puisque comme enfant, il

avait été éduqué à voir dans le chrétien non-catholique un «autre», plutôt

qu’un «frère».

C’est pourtant sa foi profonde et ses qualités de coeur qui frappent

lorsqu’on l’approche. Il n’aime pas passer pour un intellectuel qu’on aborde avec crainte et à qui on a peur de parler, même si près de trente ans de

sa vie il les a consacrés à sa formation (à trois ans déjà il accompagnait

ses frères et soeur à l’école). Il a fréquenté le collège St-Michel à Fribourg, puis celui de Dôle en Franche-Comté, le séminaire diocésain, avant

d’être ordonné prêtre en 1946 et d’être envoyé comme vicaire et aumônier

des étudiants à Lausanne. Trois ans enfin d’études à Rome, pour devenir

professeur au séminaire diocésain et à l’Université de Fribourg.

En 1968, il est nommé évêque auxiliaire de Mgr Charrière, à qui il succédera deux ans après, comme évêque du diocèse. On le reçut comme évêque de

manière très réservé, un peu à la façon de Mgr Haas à Coire: on lui reprochait son peu d’expérience pastorale et le fait qu’»il ne souriait jamais».

Ce moment difficile, il le surmonta, grâce aussi à la nomination bienvenue

d’un prêtre très engagé en pastorale qui devint l’un de ses deux évêques

auxilaires.

Comment apparaît aujourd’hui Pierre Mamie aux yeux des catholiques? Il

est apprécié d’eux, même si son engagement en faveur de l’accueil des

étrangers ou son rejet du commerce des armes gênent quelques-uns. «Je dis

ce que je pense, même si je ne puis tout dire.» Certains le voyaient déjà

cardinal: nulle ambition de ce genre en lui. Son premier souci est toujours

de permettre aux gens d’être plus proches de Dieu, même si cela n’est pas

facile. Certains se scandalisent pour le seul fait que l’évêque va lui-même

chaque jour acheter son journal au kiosque… ou fume la pipe en public…

et pourtant la pipe, cela aide à réfléchir et à écouter celui qui vous parle.

Certains lui reprochent encore d’avoir offert, au terme d’un cours de

religion, des roses rouges à ses élèves, ou encore ne comprennent pas qu’il

se soit lié d’amitié avec Frédéric Dard, auteur de romans policiers qu’il

lit volontiers pour se détendre, ni qu’il ait donné à cet auteur, dont les

livres ne sont pas écrits dans un style particulièrement «épiscopal» une

longue interview qui a pour titre «D’homme à homme».

Pour Pierre Mamie, l’important est d’abord ce que Dieu pense de lui. Il

reste bien sûr des limites et des frontières à ne pas franchir. Mais quand

on aime le sport on peut aller voir un match de hockey sur glace en compagnie du sculpteur Jean Tinguely, même si l’on ne peut y donner libre cours

à sa joie. Devant les coups du sort qui l’on atteint dans sa propre famille, devant le cercueil de sa mère à l’église de la Chaux-de-Fonds, il faut

rester debout, refouler ses larmes. «Quelque chose s’est alors brisé en

moi» avoue-t-il et depuis lors, il ne peut plus pleurer. Pourtant on ressent chez lui une compassion profonde et une authentique douleur quand on

l’entend parler de la misère et des horreurs de la guerre en Bosnie, au retour d’une visite courageuse entreprise dans le pays.

Le 10 octobre, Pierre Mamie célébrera à la cathédrale de Fribourg, une

messe d’action de grâce pour le vingt-cinquième anniversaire de son ordination épiscopale. S’il jette un coup d’oeil en arrière, il reconnaît que finalement dans l’ensemble, il n’a pas si mal réussi la «danse de sa vie»,

«fidèle à la partition que Dieu lui a donnée». Son rôle d’évêque est d’inviter tous ceux qui voudront bien le suivre à entrer eux aussi dans la danse. (apic/gbr)

4 octobre 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
Partagez!