Le texte contient 73 lignes (max. 75 signes), 794 mots et 5324 signes.

apic/Ouvrage Secte Campiche/Lausanne

Lausanne: présentation du livre «Quand les sectes affolent

Le professeur Campiche décape les stéréotypes sur les sectes (041095)

Lausanne, 4octobre(APIC) Encore un livre à propos du drame de Cheiry et

Salvan? Telle est peut-être l’exclamation que provoquera la parution du

nouvel ouvrage du professeur Roland J. Campiche: «Quand les sectes affolent». C’est pourtant un regard radicalement nouveau que propose le journaliste Cyril Dépraz en interrogeant sur 120 pages et sans complaisance ce

sociologue de la religion, juste un an après le drame qui a provoqué 53

morts en Suisse et au Canada, affolé la population et titillé les éditorialistes.

Mais au juste, de quelle image des sectes ces médias se sont-ils fait

l’écho? Faut-il réellement avoir peur des sectes… de toutes les sectes?

Peut-on définir des critères de dangerosité des mouvements religieux? Ne

faut-il pas craindre davantage nos propres fantasmes face aux sectes? Telles sont les questions fortes qu’aborde cet ouvrage publié par «Labor et

Fides» et présenté mercredi à Lausanne.

«J’ai moi-même été commotionné par le drame de l’Ordre du temple solaire», déclare le professeur Roland J. Campiche en présentant son ouvrage à

la presse. Il faut dire que ce sociologue romand, spécialiste des questions

religieuses s’est trouvé «happé par cette déferlante médiatique», lorsque

des journalistes de toutes nationalités l’ont interpellé au sujet du mystérieux Ordre du Temple solaire (OTS). «J’ai été frappé par la superficialité

des commentaires», déclare le sociologue, qui nie cependant toute intention

de faire le procès de la presse, dans laquelle il ne perçoit que le miroir

des opinions contemporaines.

Face au «tir groupé» contre les sectes qu’a observé R. J. Campiche dans

sa lecture des commentaires médiatiques, l’ouvrage qui sort de presse tente

de replacer l’affaire dans un contexte social et de situer l’OTS en relation avec les autres mouvements religieux. Tout cela est abordé dans un

langage accessible au travers des questions claires du journaliste Cyril

Dépraz (RSR/Emissions religieuses).

Le miroir déformant des médias

Face à la «déferlante» d’appels de journalistes au lendemain du drame,

le professeur Campiche se dit frappé par le traitement du sujet par les médias. Ceux-ci ne faisaient certes que refléter le désarroi des Romands, qui

voyaient brusquement basculer l’image que l’on avait sur le religieux jusqu’ici dans ce pays. «Nous nous rendons compte avec stupéfaction qu’ici

aussi le religieux peut tuer en cette fin de XXe siècle». Mais le traitement médiatique pose tout de même quelques questions au sociologue. Et

d’observer l’utilisation par les journalistes d’un vocabulaire stéréotypé

(la «secte» dans un sens forcément négatif), une psychologisation souvent

caricaturale des acteurs de l’événement (les adeptes caractérisés comme «de

doux dingues») et une criminalisation du mouvement sectaire (aussitot soupçonné de trafic de drogue et de commerce d’armes).

«Tout se passe comme si on avait voulu éviter d’interpréter le religieux

par le religieux», commente R.-J. Campiche. Ce type d’interprétation n’est

certainement pas sans rapport avec le «discours de la peur» auquel on recourt systématiquement pour traiter le sujet des sectes, ainsi qu’avec les

conséquences simplificatrices de la course de vitesse des médias.

Craindre sa propre peur

Dans son analyse de l’affaire de l’OTS et de sa perception par le public, le professeur Campiche propose de passer d’abord par l’interrogation:

qu’est-ce qu’une secte? Il part du point de vue que la secte n’est rien

d’autre qu’un type religieux comme un autre, qui n’aboutit pas forcément au

bain de sang, qui n’est pas forcément lié à un chef charismatique, au sexe

et à l’argent. Il s’agit donc d’un groupe caractérisé par l’adhésion volontaire de ses membres, qui cherche à se distancer du monde et des autres

groupes religieux, et qui ne supporte pas le pluralisme de doctrines.

Selon R.-J. Campiche, c’est la menace ressentie face à la société qui

conduit la secte à se retrancher jusqu’au drame. Et de citer la tuerie de

Waco qui constitue à ses yeux un exemple type de vice de communication entre la société et le groupe religieux. La secte ne devrait donc pas être

considérée pour elle-meme, mais interprétée dans sa relation avec la société. Plutot que de craindre sans distinction les sectes, nous ferions mieux

de redouter notre propre peur face à elles, estime-t-il.

R.-J. Campiche réclame enfin une redéfinition du rôle des différents acteurs sociaux: associations antisectes, familles, Eglises, médias, et enfin

l’Etat. Celui-ci devrait garantir l’application de l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui proclame que toute personne a

droit à la liberté de penser, de conscience et de religion. L’Etat devrait

donc mettre en place des garde-fous pour assurer que les personnes puissent

non seulement entrer, mais sortir des groupements religieux sans entraves.

L’Etat devrait d’autre part mettre en place un controle des finances des

mouvements sectaires. Cela permettrait de rassurer les membres quant à

l’utilisation de leurs dons. (apic/spp/pr)

4 octobre 1995 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!