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apic/Mère Sofia/Décès
Lausanne: Mère Sofia, la «maman des zonards» est morte
Dans la ligne de Mère Teresa et de Soeur Emmanuelle (080196)
Tristesse à Lausanne et dans le canton de Vaud: La rue était son monastère
Lausanne, 8janvier(APIC) Mère Sofia, religieuse orthodoxe qui avait fait
de la rue son monastère, est morte dimanche soir à la clinique de La Source, à Lausanne, à l’âge de 49 ans. Un sentiment de grande tristesse prédomine aujourd’hui du côté du chef lieu vaudois. Les réactions, à Lausanne,
sont unanimes pour reconnaître l’extraordinaire action de cette religieuse,
qui laissera un grand vide dans la région, témoigne-t-on à la municipalité.
Malade, souffrant d’un cancer, celle qui a créé le «Parachute», à Lausanne, pour venir en aide aux exclus, aux gens de la rue, avait été hospitalisée il y a 15 jours. C’est une ville de Lausanne quelque peu orpheline
que cette religieuse laisse, après avoir oeuvré pendant plus de 10 ans au
service des zonards.
Vêtue de son habituelle robe bleue sur laquelle brillait une croix, et
en sandales, la seule moniale orthodoxe exerçant en Suisse, avait reçu en
octobre 1995 le 22e Prix Adèle-Duttweiler. La fondatrice de la «Permanence
Parachute» était ainsi honorée pour son combat contre l’exclusion. Pour une
vie consacrée en bonne partie à aider «les chiens perdus sans colliers»
d’aujourd’hui, jeunes toxicos, sidéens et sans abri.
On est tous orphelins
Les réactions à l’annonce du décès de Mère Sofia n’ont pas tardé. Pour
Pierre Tillmanns, municipal lausannois en charge de la sécurité sociale et
de l’environnement, qui rend hommage au charisme de la défunte, les oeuvres
d’entraide et la ville de Lausanne viennent de perdre une personnalité hors
du commun. «Elle avait son caractère, certes, mais quelle efficacité», relève-t-il, en souhaitant que la Fondation Mère Sofia poursuivra son oeuvre.
Du côté du «Parachute», on ne désire faire aucun commentaire, «jusqu’au moment de l’enterrement». Sentiment de tristesse, également, pour Sylvie
Schwaar, à Prilly, une proche collaboratrice de Mère Sofia. «On est tous
orphelins… On va essayer de continuer tout cela. Ce sera difficile, mais
on se tiendra les coudes les uns les autres pour suivre la tâche dans
l’esprit voulu par Mère Sofia.
Jan de Haas, pasteur de la rue, exprime pour sa part le sentiment de
nombre de Lausannois: «Beaucoup de gens, ici, sont très choqués, très touchés par cette brusque disparition». Quant à l’Eglise catholique, assure
enfin Mgr Pierre Bürcher, évêque auxiliaire, elle projetait une collaboration de présence dans le centre ville de Lausanne. «Ce projet devrait pouvoir se concrétiser de manière oecuménique, nous l’espérons prochainnement».
Sous l’influence de Mère Teresa
Née le 18 novembre 1946 à Hergiswil (LU), de mère russe et de père italien, Cristina Cecchini – la future Mère Sofia – très tôt attirée par la
spiritualité, se rend en Roumanie afin de s’initier à la vie religieuse.
Après plusieurs voyages qui la conduisent dans le tiers monde, elle revient
en Suisse pour s’occuper notamment d’handicapés. La même année, elle est
élue présidente d’honneur de l’Association Trithon qui lutte pour la défense des droits des exclus.
Encouragée par Mère Teresa lors de son passage à Lausanne pour aider les
gens de la rue, elle prononce ses voeux monastiques en 1985, auprès de
l’Eglise orthodoxe grecque. Deux ans plus tard, en 1987, elle reçoit son
ministère de rue, rattaché au monastère russe de Bussy, lui même dépendant
de Constantinople.
Son action se déroule ensuite à une cadence grand V: de 1990 à 1994, le
Département de la santé publique du canton de Vaud lui confie le mandat de
procéder à un bilan de la santé dans la rue; en 1991, elle crée la «Permanence Parachute», une structure d’habitation destinée à accueillir une dizaine de jeunes momentanément en difficulté et désireux de se réinsérer.
Reconnu d’utilité publique, ce centre ne tardera pas à bénéficier du soutien de la ville de Lausanne. En 1994, un premier bilan permettait de constater que le «Parachute» avait permis la réinsertion de 25 personnes et
que la structure d’accueil avait donné un coup de pouce à plus de 18’250
personnes.
La «soupe populaire
Après la création de la Fondation Mère Sofia, en 1992 – dans le but
d’offrir des lieux d’accueils, des hébergements et des espaces culturels
aux démunis, aux toxicos et aux personnes séropositives ou atteintes du sida – celle qui avait pour modèle des noms mobilisateurs contre les injustices, de Teresa à Emmanuelle en passant par l’abbé Pierre, ouvre en 1993 un
«Sleep-in», un dortoir où les sans-logis ont la possibilité de passer la
nuit et de se restaurer selon un slogan cher à la religieuse: «Un toit pour
tous, une assiette pour tous». La même année, elle met en place le «Rencard», un bus de prévention du sida et de lutte contre la toxicomanie, et
lance en Romandie le réseau de vente du journal «Macadam».
Mère Sofia, qui a assuré la continuité de son action depuis son lit
d’hôpital jusqu’à ces derniers jours de vie ou presque, assure un collaborateur, avait encore créé la «soupe populaire». Que cet hiver encore elle
distribuait Place Saint-François en compagnie de bénévoles aux marginaux et
aux cabossés de la vie. Son téléphone, qui avait été une écoute pour tant
de personnes dans la dêche répond toujours présent… mais par le biais
d’un répondeur. Le son de sa voix: «Vous êtes bien chez Mère Sofia…
(apic/pierre rottet)