Le monde musulman en ébullition après les propos du pape Benoît XVI

Apic Dossier

Une controverse exploitée par les fondamentalistes

Rome/Beyrouth/Téhéran/Gaza/Bagdad, 17 septembre 2006 (Apic) Le monde musulman – dont la colère est attisée et exploitée par les courants fondamentalistes les plus divers – est en ébullition depuis plusieurs jours après les propos de Benoît XVI sur l’islam. La controverse est largement exploitée par les mouvements islamistes.

Le pape, mardi 12 septembre à l’Université de Ratisbonne, interrogeait l’islam sur ses rapports à la raison et à la violence. Les propos du pape ont été cités souvent hors contexte ou de façon déformée, attisant le mécontentement face à ce qui est dénoncé comme une nouvelle «croisade».

Les responsables musulmans dans le monde demandent des excuses, alors que la rue musulmane, excitée par des déclarations militantes, s’enflamme. Des institutions chrétiennes ont été attaquées, notamment à Bassorah, en Irak, et dans les territoires palestiniens, à Gaza et à Naplouse, où des églises ont été la cible d’attentats.

Les propos du pape Benoît XVI sur l’islam risquent de porter un coup à l’harmonie religieuse dans le monde, ont déclaré les dirigeants gouvernementaux d’importants pays musulmans, de l’Indonésie au Pakistan en passant par l’Egypte. Un nombre grandissant de dignitaires musulmans ont en effet demandé à Benoît XVI de s’excuser pour ses propos sur le «djihad» (guerre sainte) qui ont suscité un tollé dans le monde islamique.

Une interprétation qui ne correspond pas aux intentions du pape

Benoît XVI est profondément désolé que ses propos sur l’islam aient pu offenser les musulmans, a déclaré samedi 16 septembre 2006 le nouveau secrétaire d’Etat du Saint-Siège, le cardinal Tarcisio Bertone. Le pape «regrette vraiment» que certains passages de son discours à l’Université de Ratisbonne, le 12 septembre, aient pu offenser les musulmans et aient été interprétés «d’une façon qui ne correspond pas» à ses intentions. Le cardinal Bertone a réaffirmé que le pape était clairement engagé en faveur du dialogue interreligieux et interculturel. Dans sa déclaration, le cardinal italien a aussi précisé que le pape souhaite que les musulmans comprennent ce qu’il avait dit correctement.

Face aux réactions venant de musulmans autour de certains passages du discours de Benoît XVI, le cardinal Bertone a souhaité ajouter quelques précisions aux éclairages donnés par le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, le Père Federico Lombardi, le 14 septembre dernier. Le Bureau de presse a ainsi publié une longue déclaration en cinq points du nouveau secrétaire d’Etat du Saint-Siège, au lendemain de sa prise de fonction. Ses propos rappellent la position de l’Eglise et de Benoît XVI sur l’islam et donnent des précisions sur le fameux discours prononcé en Bavière.

Une position sans équivoque sur l’islam

La position du pape sur l’islam est, sans équivoque, celle exprimée dans le document conciliaire «Nostra Aetate», a-t-il déclaré. Celui affirme que «L’Eglise regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète; ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété».

De plus, ajoute «Nostra Aetate», «ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne’». Dans sa mise au point, le cardinal cite ainsi le paragraphe 3 de la Déclaration conciliaire du 28 octobre 1965, sur l’Eglise et les religions non chrétiennes.

Il n’a pas eu l’intention de faire siens les propos de l’empereur byzantin sur l’islam

L’option du pape en faveur du dialogue interreligieux et interculturel est toute aussi claire, a poursuivi le cardinal italien. Dans la rencontre avec les représentants de certaines communautés musulmanes à Cologne, le 20 août 2005, il a dit qu’un tel dialogue entre chrétiens et musulmans «ne peut se réduire à un choix passager», ajoutant: «Les leçons du passé doivent nous servir à éviter de répéter les mêmes erreurs. Nous voulons rechercher la voie de la réconciliation et apprendre à vivre en respectant chacun l’identité de l’autre». De façon inhabituelle, le Bureau de presse du Saint-Siège a mis à la disposition des vaticanistes, le 16 septembre 2006, ce discours, visant à rappeler la position du pape.

Concernant le jugement de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, qu’il a rapporté dans son discours de Ratisbonne, «le pape n’a absolument pas eu l’intention, ni n’a l’intention, de le faire sien», a poursuivi le cardinal Bertone. Il l’a seulement utilisé comme une occasion pour développer, dans un contexte académique et selon ce qui résulte d’une lecture complète et attentive du texte, certaines réflexions sur le thème du rapport entre religion et violence en général, et conclure par une réfutation claire et radicale de la motivation religieuse de la violence, d’où qu’elle vienne, a insisté le secrétaire d’Etat du Vatican.

La violence ne peut être attribuée à la religion en tant que telle

«Cela vaut la peine de rappeler à cet égard ce que le même Benoît XVI a récemment affirmé dans son Message à l’occasion du 20e anniversaire de la rencontre interreligieuse de prière pour la paix voulue par son bien-aimé prédécesseur Jean Paul II à Assise en octobre 1986», a-t-il poursuivi. Et de citer: «Les manifestations de violence ne peuvent être attribuées à la religion en tant que telle, mais aux limites culturelles avec lesquelles elle est vécue et se développe dans le temps. De fait, des témoignages de l’intime lien existant entre le rapport de Dieu et l’éthique de l’amour font partie intégrante de toutes les grandes traditions religieuses».

Par conséquent, a relevé le cardinal Bertone, le pape regrette vraiment que certains passages de son discours aient pu paraître offensants pour la sensibilité des croyants musulmans et aient été interprétés d’une façon qui ne correspond pas du tout à ses intentions, a encore expliqué le numéro 2 du Saint-Siège. Face à la fervente religiosité des croyants musulmans, il a exhorté la culture occidentale sécularisée à éviter «le mépris de Dieu et le cynisme qui considère le fait de se moquer du sacré comme un droit de la liberté», a-t-il insisté.

En rappelant son respect et son estime pour ceux qui professent l’islam, le pape souhaite que ces personnes puissent comprendre ses mots dans leur sens juste, afin que, ce moment difficile rapidement dépassé, se renforce le témoignage de «l’unique Dieu, vivant et subsistant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes» et la collaboration pour «défendre et promouvoir ensemble pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté», a conclu le premier collaborateur du pape, en citant une nouvelle fois le paragraphe 3 de «Nostra Aetate».

Dans une très longue intervention en allemand, intitulée «Foi, raison et université – Souvenirs et réflexions», Benoît XVI, se fondant sur un texte publié par le prêtre et universitaire Théodore Khoury, avait repris les propos de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue (XIVe siècle), soulignant que «la diffusion de la foi par la violence» était «déraisonnable», la nature de Dieu étant associée à la raison. «Pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant» et sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, fut-ce celle même de la raison, avait-il alors affirmé, critiquant ainsi indirectement le djihad (la guerre sainte), dont il a mentionné le nom.

Les réflexions de Benoît XVI sur l’islam ont suscité de vifs remous dans le monde musulman dès le 14 septembre, un responsable religieux turc allant jusqu’à remettre en cause le prochain voyage du souverain pontife en Turquie, prévu fin novembre. Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, le Père Lombardi, a dû réagir le 14 septembre dans la soirée, pour expliquer que ce n’était pas «dans les intentions du pape» que de faire une étude approfondie sur le djihad et encore moins «d’offenser la sensibilité» des musulmans.

«La volonté du pape de cultiver une attitude de respect et de dialogue envers les autres religions et cultures, et évidemment aussi envers l’islam, est donc claire», avait-il alors ajouté. Néanmoins, devant la multiplication des protestations et les menaces venant du monde musulman dans le monde entier, le secrétaire d’Etat du Saint-Siège a décidé d’exprimer une nouvelle fois la conception du pape sur l’islam, mais de façon plus approfondie. JB

Encadré

Les chrétiens du monde arabe en «délicate posture»

Edito d’Issa Goraieb, dans le quotidien libanais «L’Orient-Le Jour», Beyrouth, samedi 16 septembre 2006: «Il y a quelques mois seulement, des caricatures du Prophète publiées par la presse danoise mettaient en ébullition le monde arabo-musulman, et les incursions punitives de bandes de vandales dans certains quartiers chrétiens de Beyrouth sont encore dans tous les esprits. Dans le même temps, la maladresse de Ratisbonne décrédibilise, fragilise les musulmans modérés qui répudient le prosélytisme violent; c’est de ces mêmes modérés, pourtant, que l’on attend une contribution active, car assumée du dedans et non dans la foulée du messianisme néoconservateur américain, à l’éradication du terrorisme. Enfin, et à moins d’un épilogue rapide, cette affaire peut mettre en délicate posture les chrétiens de cette partie du monde, qui tiennent autant à leur appartenance arabe, exercée dans la dignité, qu’à leur spécificité culturelle et spirituelle. Le Liban, tout particulièrement, a déjà bien assez de soucis comme cela avec ses affaires (et partis) de Dieu». ORJ/JB

Encadré

Ce n’était pas un discours sur l’islam, affirme le Père Samir Khalil Samir

La plupart des responsables musulmans qui ont critiqué la conférence magistrale de Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne n’ont pas lu le texte, regrette le Père Samir Khalil Samir, le 16 septembre 2006. Le jésuite égyptien expert en islam (*), que le pape avait consulté à Castel Gandolfo en septembre 2005, s’exprimait dans le quotidien italien «Il Giornale». Comme cela s’est passé pour les fameuses caricatures sur Mahomet, il y a quelqu’un qui cherche à provoquer des réactions, a-t-il affirmé.

«Beaucoup de représentants musulmans ont réagi sans connaître le texte, mais seulement quelques phrases extrapolées et relancées par les agences de presse internationales», a ainsi estimé le jésuite qui vit au Liban.

Le discours du pape était la leçon d’un théologien, elle devait être lue et relue, a-t-il souligné. «C’était un discours académique, fait en présence de représentants du monde des sciences, de façon typiquement allemande, avec une abondance de citations et de critiques de textes», a aussi expliqué le spécialiste de l’Islam qui connaît Benoît XVI. Mais il a été «relancé comme slogan» dans le monde entier, a-t-il affirmé, ajoutant que c’était évident qu’ainsi la réaction de ceux qui n’avaient pas lu le texte dans son intégralité serait provoquée.

«J’ai compté les mots en allemand: 3565 en tout et à peine 373 d’entre eux, c’est-à-dire 10%, étaient consacrés à l’islam. Ce n’était donc pas un discours sur l’islam, mais sur foi, raison et université», a renchéri le père jésuite. Pour lui, le pape voulait parler à l’Occident pour affirmer que le rapport entre foi et raison est un problème fondamental, et critiquer une certaine conception réductrice de la raison faite dans l’époque moderne. «Ainsi, il est parti d’un livre récemment lu et de l’épisode du dialogue entre Manuel II Paléologue avec un savant perse, citant deux concepts : la violence est irraisonnable et l’irrationalité est contraire à la nature de Dieu et de l’homme.»

Le pape a dit que la violence est contraire à la raison, et cela concerne une certaine conception musulmane qui utilise la violence pour défendre Dieu, a poursuivi le prêtre. «Benoît XVI propose une voie humaniste à l’Occident sécularisé, l’invitant à ne pas reléguer la dimension religieuse pour justifier la haine, le terrorisme et la violence». «En faisant ainsi, le pape propose un vrai dialogue universel. Il le propose à tous: aux agnostiques et aux sceptiques, aux juifs et aux chrétiens, aux chrétiens sécularisés», a-t-il estimé.

Concernant la citation sur Mahomet présente dans le discours du pape, le jésuite a expliqué que s’il s’était agi d’une homélie ou d’une Encyclique, il n’aurait pas dû le faire. «Mais là, il s’agissait d’un discours académique, avec des citations et des commentaires». Pour comprendre l’authentique esprit de Benoît XVI, il suffit de rappeler que dans le texte, Ratzinger a cité seulement une sourate du Coran, celle toujours rappelé par le monde musulman et qui s’exprime en faveur de la liberté de conscience, a encore déclaré le Père Samir. «Il n’a pas cité d’autres versets coraniques qui justifient au contraire la violence».

De toutes façons, pour Samir Khalil Samir, le dialogue ne se fait pas en cachant la vérité, mais en la disant. «Il faut reconnaître que dans le Coran il y a une ouverture à la tolérance, mais aussi une instigation à la violence. Il faut reconnaître que le terrorisme ne naît pas seulement de motivations sociopolitiques mais aussi d’une interprétation de passages inégalement violents du texte coranique», a-t-il encore souligné. Et de conclure «la solution est celle suggérée par le pape, l’usage de la raison». AR/JB

(*) Docteur en théologie orientale et en islamologie, le Père Samir Khalil Samir, jésuite, est fondateur et directeur du CEDRAC (Centre de documentation et de recherches à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth/USJ), professeur de sciences religieuses à l’USJ et d’études islamo-chrétiennes à l’Institut Pontifical Oriental de Rome, et dans d’autres Universités. Il est connu mondialement comme spécialiste de l’Orient chrétien et des relations entre l’islam et l’Occident.

Encadré

Un discours pour académiciens jeté en pâture à l’opinion de la rue

Le discours du pape, qui est «une main tendue à tous, et aux musulmans en particulier», était un discours pour académiciens jeté en pâture à l’opinion de la rue, a déploré le Père Samir Khalil Samir. Le professeur regrette que les foules descendent dans la rue pour exiger des excuses pour ce qui y a été dit. «La honte, c’est que la très grande majorité des manifestants (sinon tous) n’a pas lu cette conférence académique. Et combien même ils l’auraient lue, ils auraient bien du mal à en saisir la portée profonde. C’est à cela que nous en sommes réduits. On a l’impression que le scénario des caricatures sur le prophète de l’islam, rodé en janvier-février dernier, est en train de se répéter. Avec cette différence qu’ici il n’y a pas la moindre caricature ni la moindre offense à qui que ce soit, mais au contraire une réflexion destinée à tout penseur pour l’amener à réfléchir sur le rapport entre foi et raison, réflexion dont nous, chrétiens et musulmans arabes, avons grandement besoin».

Le jésuite estime que dans ce cas, la responsabilité de la presse occidentale est très lourde. «Elle a voulu profiter de ce document pour provoquer le monde musulman. Elle a situé ce texte académique dans le contexte de la confrontation entre l’Occident et le monde musulman, comme si le pape approuvait et appuyait la théorie du ’conflit des civilisations’ prônée par (le professeur américain) Samuel Huntington ! Alors qu’en réalité, l’objet de cette conférence académique est le dialogue interculturel et interreligieux».

Les paragraphes qui traitent tant soit peu de l’islam correspondent à environ 10% du texte global, affirme le Père jésuite originaire d’Egypte. Le pape y cite un verset coranique: «Il n’y a pas de contrainte en matière de religion» (la Vache 2, 256). C’est sans doute le verset le plus fréquemment cité en Occident, dans le but de souligner que le Coran appuie la liberté de conscience, relève-t-il. Si le pape avait voulu attaquer l’islam sur ce point, il lui aurait été facile de citer d’autres versets, poursuit-il, à commencer par les versets 190-193 de la même sourate: «Combattez dans le sentier de Dieu ceux qui vous combattent et ne transgressez pas. Certes, Dieu n’aime pas les transgresseurs ! Tuez-les, où que vous les rencontriez, et chassez-les d’où ils vous ont chassés: la sédition (fitna) est plus grave que le meurtre. (.). Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition (fitna), et que la religion soit entièrement à Dieu seul. S’ils cessent, donc plus d’hostilités, sauf contre les injustes.»

Le pape a cité un texte de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue dans sa controverse avec un docte persan, qui aurait eu lieu en 1391. Le pape le cite d’après l’édition du texte grec du Père Théodore Khoury, bien connu des milieux du dialogue islamo-chrétien. Dans ce texte, on mentionne le «djihad» (guerre sainte) qui a servi à déclencher la polémique.

Le pape, citant Manuel II Paléologue, prend ses distances et dit: «Après avoir tenu des propos si forts». Puis il poursuit: «L’empereur explique ensuite en détail pourquoi il est absurde de diffuser la foi par la violence. La violence est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l’âme: Dieu n’aime pas le sang, et agir de manière déraisonnable est contraire à la nature de Dieu». C’est cette phrase qui est l’objet de toute la conférence, relève le Père Khalil, et c’est pour cette phrase que le pape a utilisé ce texte. En cela, Benoît XVI rejoint tous ceux, musulmans, chrétiens ou juifs, qui luttent contre la violence en eux et autour d’eux, avec cette devise: «Heureux les bâtisseurs de paix !»

«Malheureusement, il arrive trop souvent aujourd’hui que la foi musulmane soit accaparée par les politiques (et par là passe à la violence) et que le Coran soit accaparé par les doctes, empêchant le musulman moderne de se poser des questions. Par ailleurs, qui pourrait nier que le fait de la violence est aujourd’hui un problème réel dans le monde musulman ?», insiste le professeur jésuite.

Le gros de la conférence cependant ne porte pas là-dessus, poursuit-il: il concerne l’Occident, qui a vidé la notion de raison (»logos») de tout ce qui est spirituel; alors que la notion grecque de «logos», telle qu’elle a été purifiée par la tradition chrétienne, n’oublie jamais que la raison vient de Dieu et qu’elle est le plus grand don que Dieu ait fait à l’homme. Le pape critique longuement la pensée occidentale qui s’est éloignée de tout ce qui est surnaturel.

Il relève la nécessité que la théologie, comme discipline académique de réflexion sur le rapport raison-foi, ait sa place à l’Université et dans le vaste dialogue des sciences. «Alors, et seulement alors, nous devenons capables d’opérer un vrai dialogue des cultures et des religions, un dialogue dont nous avons un besoin urgent». ORJ/JB

Encadré

«Violence et islam ne peuvent pas être liés», demandent des millions de musulmans

Dans son discours à l’Université de Ratisbonne, le 12 septembre, le pape s’est fait «le porte-parole de millions et de millions de personnes dans le monde, aussi musulmanes, qui soutiennent qu’il ne faut absolument pas lier la violence à la religion», a pour sa part commenté sur les ondes de Radio Vatican le Père Justo Lacunza, ancien directeur du Pisai (Institut pontifical des études arabes et d’islamologie).

Le Père Lacunza s’est ainsi fait l’interprète de millions de musulmans qui disent aujourd’hui «la violence et l’islam ne peuvent pas être liés». Selon le spécialiste de l’islam, les protestations de certains responsables musulmans ont deux motifs: celui que «le monde islamique et les musulmans sont très, très sensibles envers tous ceux qui parlent de l’islam, particulièrement quand ils n’appartiennent pas à la foi musulmane», et celui que «le pape a touché un sujet très, très délicat, qui est celui de la violence et de la guerre». AR/JB

Encadré

Mgr Pierre Bürcher, président du Groupe de travail «Islam» de la CES

Des musulmans «blessés»

Face à la polémique suscitée par le discours prononcé par le pape Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne, le président du Groupe de travail «Islam» (GTI) de la Conférence des évêques suisses (CES) en appelle au respect de tous les croyants. Mgr Bürcher relève qu’en Suisse aussi, des musulmans demandent une clarification. «Or, le pape, comme le dit le titre de son discours de Ratisbonne, s’est exprimé librement sur la thématique ’Foi, raison et université’. Comme toute personne, il a le droit à la liberté d’expression».

Et l’évêque auxiliaire à Lausanne rappelle que le respect et la tolérance ne sont pas à voie unique: «Chaque religion doit respecter l’autre. Seule la Règle d’or ’Fais à autrui ce que tu voudrais que l’on te fasse !’ est un chemin libérateur. Dans cet esprit, la nécessité du dialogue interreligieux tel que le veut le pape avec l’Eglise catholique entière demeure pleinement d’actualité. Le Groupe de travail ’Islam’ de la CES continue donc à s’engager sur cette voie».

En tant que président du GTI, Mgr Bürcher estime que tous les habitants de la Suisse, quelle que soit leur croyance, sont appelés à un renouveau du respect d’autrui. Le GTI, créé en 2001 par la CES, a pour but de promouvoir le dialogue interreligieux dans l’esprit du Concile Vatican II. JB

Encadré

Selon «ministre des Affaires étrangères» du Saint-Siège, le dialogue avec l’islam, une priorité

Le nouveau secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats, Mgr Dominique Mamberti, a affirmé que la question du dialogue avec l’islam est une priorité. Le «ministre des Affaires étrangères» du Saint-Siège a invité à lire avec attention le texte de l’intervention de Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne. Dans ce texte, a expliqué Mgr Mamberti, «le Saint-Père a voulu séparer la violence de la religion et, d’autre part, établir les fondements du dialogue en insistant sur la raison». Ce dialogue entre chrétiens et musulmans est «une priorité», a encore estimé le diplomate joint à Khartoum (Soudan) par l’agence I.Media.

«Il faudrait que l’on lise le texte complet du pape et que l’on se rende compte que la question sur l’islam était un élément qui n’était pas essentiel et qu’il s’agissait d’une citation, qui plus est, une citation historique», a souhaité le diplomate. Ce texte, a-t-il commenté, «est bien plus complexe que l’extrait que certains en ont tiré, juste pour faire cette polémique». AMI/JB

(apic/be)

17 septembre 2006 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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Le Jubilé pour les prisons célébré un peu partout dans le monde

APIC – Dossier

L’Eglise d’Afrique aux côtés des prisonniers

Rome/Yaoundé, 5 juillet 2000 Risquer de mourir de faim à la prison centrale de Konakry, en Guinée, ou encore attendre l’exécution dans les couloirs de la mort au Cameroun: le Jubilé des prisons, qui se fêtera le 9 juillet un peu partout dans le monde, vient à point nommé pour rappeler les terribles conditions de détention, en Afrique comme dans le reste du monde. Des gestes concrets ont été demandés pour venir en aide aux prisonniers. A Madagascar, le président Didier Ratsiraka a répondu favorablement à l’appel du pape en libérant 3000 prisonniers, alors qu’à Rome…… Notre dossier

«On risque souvent de mourir de faim à la Maison Centrale. Et les détenus étrangers n’ont personne pour leur venir en aide», dénonce Kpakilé Felemou, responsable de la Communauté de Sant’Egidio à Konakry, en Guinée. Deux fois par semaine, avec d’autrres membres de la communauté, il se rend au pénitencier et apporte à manger aux sans-famille. Son action ne s’arrête pas là. Ses interventions ont en effet permis à une dizaine de prisonniers d’être libérés.

La Maison centrale de Konakry héberge 300 prisonniers. Nourriture et médicaments sont à la charge des familles des détenus. Ceux qui sont sans famille meurent de faim et ne peuvent pas bénéficier de soins. Selon Kpakilé, les plus pauvres risquent de ne sortir de prison qu’une fois morts: «Pour obtenir un procès, il faut de l’argent et payer les avocats. La plupart des détenus, témoigne-t-il, sont en attente de jugement, mais s’ils n’ont pas d’argent ou une famille qui plaide leur cause, ils risquent de ne jamais être jugés».

«Dans certains cas, raconte-t-il, «nous sommes parvenus à faire libérer un prisonnier: Il faut savoir que des gens sont en prison pour avoir volé une chemise ou un paquet de journaux». Sans l’intervention de la communauté de Sant’Egidio, ces détenus n’auraient jamais obtenu de procès.

Selon le responsable de la communauté, une vingtaine de prisonniers à Conakry ont ainsi été libérés. «Nos amis de Sant’Egidio du Mozambique en ont fait libérer beaucoup plus. Mourir en prison pour une chemise, c’est vraiment impensable».

Cameroun: Une lutte efficace contre la peine de mort

Au Cameroun, l’action d’une autre institution semble porter ses fruits. Une quarantaine de condamnés à mort ont adhéré à la Fraternité Maximilien Kolbe, fondée au Cameroun par un Père Carme, Gabriele Mattavelli. Ce dernier lutte dans une prison de Yaoundé, y compris en faveur de condamnés musulmans ou appartenant aux religions traditionnelles. Son combat contre la peine de mort ont amené des magistrats à commuer les peines.

«Jusqu’il y a 12 ans, les couloirs de la mort à la prison centrale de Yaoundé étaient un lieu de violence: les prisonniers étaient enchaînés et les gardiens n’y entraient qu’armés. Puis, le père Gabriele Mattavelli, un carme italien appelé à être aumônier, a tout changé. Le père Gabriele a introduit dans les couloirs de la mort la Fraternité Universelle -Maximilien Kolbe (1894-1941). Le saint polonais mort à Auschwitz le 14 août 1941 dans le «bunker de la faim», pour avoir offert sa vie en échange de celle d’un père de famille est en effet devenu le protecteur des condamnés à mort.

Plus de chaînes, et des commutations de peines

Les comportements des détenus ont changé profondément dans la prison de Yaoundé, explique Le Père Mattavelli, si bien qu’on leur a enlevé leurs chaînes et que les gardes pénètrent à présent désarmés dans les bâtiments, comme l’ont toujours fait les missionnaires. Le changement a été reconnu aussi par les tribunaux, qui, dans certains cas, en rouvrant les dossiers, ont commué la peine de mort en peine de prison à vie ou en peines mineures.

De fait, cette fraternité a transformé des couloirs de la mort en un lieu d’espérance: un des condamnés s’est mis à enseigner; un autre a commencé le catéchisme, organisant aussi un groupe de prière. Ils participent à la messe et à un atelier de broderie. Ces dernières années, il a aussi été décidé de mettre fin à l’isolement: les condamnés à mort peuvent participer à la messe avec les autres détenus de la prison, qui sont au nombre de 3’000. Un des condamnés à mort a même rejoint la chorale. Une religieuse a enseigné la broderie aux condamnés. Une étoffe réalisée dans «les couloirs de la mort» a été revêtue par le pape durant les célébrations lors de son dernier voyage à Yaoundé, en septembre 1995.

Madagascar: détenus libérés

A Madagascar, le geste du président, Didier Ratsiraka, de libérer 3’000 prisonniers n’est pas passé inaperçu. Un acte posé à la suite des demandes insistantes de l’Eglise pour qu’un geste soit posé dans le cadre du Jubilé des prisonniers. Le père Angelo Buccarello, religieux trinitaire, chargé par la Conférence épiscopale malgache de l’assistance spirituelle aux détenus, se déclare satisfait de cette décision. «C’est un résultat important, mais nous aurions pu obtenir plus encore. Le drame des prisons de Madagascar, c’est que deux prisonniers sur trois sont en attente de jugement. Dans certains cas, les prisonniers vivent depuis 12 ans derrière les barreaux en attendant d’être convoqués devant le juge».

Exposition à Rome

A Rome enfin, c’est par une exposition à «Regina Coeli» que s’ouvre le 9 juillet ce Jubilé, avec 557 œuvres de prisonniers de 9 pays sur trois continents.

557 détenus ont en effet répondu à l’initiative des aumôniers de prison de Rome d’envoyer une carte postale à Jean Paul II, portant une réalisation artistique, en vue de cette exposition pour le Jubilé des prisons. Un catalogue vient d’être publié. L’exposition sera ensuite transférée du 10 au 16 juillet à l’église S. Giacomo, près de la prison du Transtévère.

Sur 557 cartes, 423 viennent des prisons des Etats-Unis! Visiblement, le «message» est bien passé. Vient ensuite l’Italie, avec 105 oeuvres. Les autres réponses viennent, pour l’Amérique, des prisons du Canada, d’Argentine, du Pérou, de Guyane; pour l’Asie, des prisons de Corée du Sud, de Hong Kong et de Singapour. Le seul autre pays d’Europe, à part l’Italie, est le Danemark. On ne compte en revanche aucune œuvre en provenance de l’Afrique. (apic/zn/mm/pr)

5 juillet 2000 | 00:00
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