700 millions de musulmans vivent en Asie

APIC Dossier

Ils présentent un visage très varié de l’islam

Paris, 30 septembre 2001 (APIC) Sur le milliard de musulmans de la planète, 700 millions vivent en Asie. Quatre pays rassemblent à eux seuls près de 550 millions de musulmans: l’Indonésie, le Pakistan, l’Inde et le Bangladesh. Ces chiffres, que donne «Eglise d’Asie» (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris, témoignent de l’importance de cette religion dans ce continent. Mais, là comme ailleurs, l’Asie n’est pas une et l’islam en Asie présente un visage très varié dont l’analyse est inséparable d’une étude des sociétés dans lequel il est immergé.

Au Pakistan, 97% des 145 millions d’habitants sont musulmans. Depuis la création de cet Etat en 1947, une des questions qui s’y pose est la suivante: créé tout exprès par des musulmans, le Pakistan doit-il pour autant être un Etat islamique? Le père fondateur «de la nation», Mohammed Ali Jinnah (1876-1948), était convaincu de la nécessité de fonder un Etat laïïque où musulmans, hindous et chrétiens auraient leur place, rappelle EDA. Mais, après la prise du pouvoir par le général Zia Ul Haq, les institutions tout comme la société ont connu une radicalisation vers un islam fondamentaliste.

Les groupes ont fleuri

Des groupes extrémistes ont fleuri et les écoles coraniques qu’ils contrôlent ont formé et continuent de former des musulmans non seulement pakistanais mais venus de toute l’Asie. «Très divisés entre eux, ces extrémistes ne sont pas majoritaires et ont toujours réalisé des scores électoraux assez médiocres, écrit EDA. Une intervention de l’armée américaine en Afghanistan à partir du Pakistan pourrait cependant changer les choses tant le sentiment anti-américain est largement partagé au sein de la population».

Dans le reste de sous-continent indien, la situation est tout autre. Au Bangladesh, l’ancien Pakistan oriental, où 87% des 125 millions d’habitants sont musulmans, les mouvements extrémistes sont quasi inexistants. En 1988, l’islam a bien été proclamééreligion d’Etat mais la liberté religieuse est garantie par la Constitution.

L’Inde et la nébuleuse hindouiste

Dans l’Inde voisine, les 120 millions de musulmans sont en situation de minorité: avec 11% de la population, ils représentent le deuxième groupe religieux, derrière les hindous (83 % de la population). Mis à part le problème du Cachemire, seule province à majorité musulmane de la Fédération indienne, les musulmans d’une façon générale sont trop occupés à défendre leurs droits et leur identité face aux extrémistes hindous qui les considèrent comme des étrangers pour songer à organiser une quelconque djihad.

En Inde, souligne EDA, «plus que les extrémistes musulmans, c’est la nébuleuse hindouiste, qui inspire en partie le parti au pouvoir à New Delhi et qui s’attaquer depuis quelques années aux minorités tant musulmane que chrétienne, qui est cause de soucis».

Au Sri Lanka, en Birmanie et en Thaïlande, quelques millions de musulmans sont implantés depuis des siècles et vivent au sein de populations n majorité bouddhiste. Ils y connaissent les problèmes de toutes les minorités religieuses: au Sri Lanka, ils se trouvent coincés, pris entre le feu croisé des affrontements entre les séparatistes tamouls et la majorité cinghalaise; en Birmanie, les Rohingyas, ethnie minoritaire de confession musulmane, sont opprimés par les militaires au pouvoir à Rangoon; en Thaïlande enfin, les quatre provinces méridionales du pays, frontalières avec la Malaisie et majoritairement peuplées de musulmans, connaissent une agitation chronique.

Contrôle

En Malaisie, l’islam est la religion officielle du pays et plus de 50 % de la population y adhèrent. Etat pluriethnique et plurireligieux, la Malaisie a ceci de particulier, qu’il y a une adéquation presque parfaite de sa composante musulmane avec le facteur ethnique: les musulmans sont des Malais et inversement.

Sur la scène politique, le principal parti de l’opposition est un parti d’obédience musulmane, le PAS (Parti Islam SeMalaysia). Au pouvoir dans deux des treize Etats de la Fédération de Malaisie, ce parti fondamentaliste ne fait pas mystère de sa volonté de faire de la Malaisie un Etat islamique. Au pouvoir à Kuala Lumpur depuis vingt ans, Mohamad Mahathir s’est efforcé de contrôler des petits groupes musulmans de fanatiques armés présents dans le pays.

Le cas indonésien

L’Indonésie est le pays qui abrite le plus grand nombre de musulmans au monde: 86% de ces 210 millions d’habitants. Pourtant, dans ce pays dont la devise est, sur le papier, «Unité dans la diversité», la Constitution est laïque et largement acceptée par les musulmans, même si, régulièrement, des groupes politiques ou religieux tentent de faire voter des amendements visant à l’»islamiser». «Dans le contexte politique, social et économique de l’après-Suharto, contexte caractérisé par un certain désordre, observe EDA, de petits groupes islamistes, favorables à la «guerre sainte», ont vu le jour. Manipulés par des militaires, des intérêts politiques ou économiques, ils ont sévi de manière sanglante aux Moluques contre la population chrétienne et ont tissé des liens avec des organisations extrémistes philippines et malaisiennes».

Aux Philippines, les musulmans représentent une minorité de 5% des 70 millions d’habitants de ce pays très majoritairement catholique. Surtout présents dans le sud de l’archipel, à Mindanao, ils s’y sentent marginalisés et défavorisés par rapport aux colons chrétiens venus des régions situées au nord de Mindanao. Depuis 25 ans, divers mouvements ont mené une lutte armée contre le gouvernement dont l’objet était plus de voir reconnus les droits politiques et sociaux de musulmans locaux que de créer un Etat islamique. La Libye a servi à plusieurs reprises de médiateur dans ce conflit. Selon l’agence des Missions étrangères de Paris, «le groupe Abu Sayyaf, que le gouvernement américain a placé sur la liste des 27 organisations terroristes qu’il veut combattre, s’apparente plus à une association de malfaiteurs qu’à un mouvement islamique structuré».

Le cas de la Chine

En Chine enfin, les musulmans seraient 60 millions environ, répartis entre les Huis – musulmans appartenant au grand ensemble chinois Han – et les minorités turcophones du grand ouest chinois, le Xinjiang. Divisés en de nombreux groupes linguistiques et ethniques, ces Ouïgours sont traditionnellement rétifs au pouvoir chinois et à la colonisation de leurs territoires par des Chinois Han. Leur combat s’apparente davantage à un irrédentisme ethnique qu’à un mouvement religieux, mais la répression qu’exerce sur eux Pékin pourrait radicaliser leur lutte. Au Xinjiang comme ailleurs, la Chine, après les décennies du maoïsme triomphant, connaît un certain réveil religieux. (apic/cip/eda/pr)

30 septembre 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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Hong Kong: Un an après, qu’est-ce qui a changé?

APIC – Dossier

Les catholiques s’interrogent

Hong Kong, 6 juillet 1998 (APIC) Un an après la rétrocession de Hong Kong à la Chine, qu’est-ce qui a changé dans ce territoire. En bien ou en mal? Reste que rien n’a vraiment changé aujourd’hui. Si ce n’est la diminution du tourisme, de l’argent en abondance pour une partie de la population, de l’opulence d’alors. Crise financière en Asie oblige. Les catholiques s’interrogent. Avec Fides, l’agence APIC publie ce dossier

Un an après le retour de Hong Kong à la Chine, les méthodes du gouvernement pour limiter les libertés civiles, pour saper les intérêts du travail et refuser une avancée plus rapide de la démocratisation, se sont introduites dans le territoire, même si aucune ingérence directe évidente de Pékin dans les affaires de Hong Kong n’a pu être vraiment ressentie. Cette manière conservatrice de comportement de la nouvelle administration de Hong Kong est préoccupante, estiment les catholiques et les observateurs. Et pourtant, font-ils remarquer, il est trop tôt pour conclure que Hong Kong va mieux ou plus mal après le passage de l’Angleterre à la Chine.

Le fait que de nombreuses personnes ont éprouvé le besoin d’élever la voix ou de participer à des manifestations pour défendre leurs droits et leurs intérêts, indique le deuxième aspect de la dynamique du territoire pendant la première année passée sous le régime chinois, qui a aussi été assombrie par la crise financière asiatique.

Beaucoup de gens à Hong Kong sont descendus dans la rue durant l’année écoulée pour faire entendre leur mécontentement et leurs griefs sur les questions qui vont de la régression du développement politique et des droits de l’homme, à la croissance du chômage, en passant par les faillites d’entreprises en raison du poids financier trop lourd, mais aussi à cause des taux élevés des banques.

Les protestataires du lieu sont aujourd’hui davantage soumis aux poursuites de la police que lorsque le territoire était sous domination britannique. Les catholiques relèvent que la nouvelle administration tend à faire passer les manifestants en justice dans le but de supprimer les libertés civiles.

Pas plus de condamnations

Ils citent les poursuites et la condamnation de quatre protestataires, dont un fonctionnaire de la Commission «Justice et Paix» du diocèse de Hong Kong, pour une manifestation contre la Banque Mondiale, en septembre dernier. Pendant ce temps, un syndicaliste a été accusé d’avoir troublé l’ordre public en utilisant un haut parleur pour diffuser des slogans en dehors d’un hôtel, pour protester contre le traitement injuste du personnel de l’hôtel, licencié. Mais il a été acquitté. Dans un autre cas, deux protestataires pro-démocrates ont été jugés coupables d’avoir profané le drapeau chinois pendant une manifestation du 1er janvier, alors que, auparavant, il n’y avait pas de peines contre ceux qui profanaient le drapeau britannique avant le «passage» (handover).

Apparemment, il n’y a pas eu plus de poursuites judiciaires contre ceux qui protestent en faveur des droits de l’homme, après le «passage» qu’auparavant relève cependant An Chung-yuk, secrétaire général de la Commission catholique de Hong Kong pour le Monde du travail. «La police ou le gouvernement sont intervenus plus pour des luttes de civils en faveur des droits des employés…»

La liberté de parole des gens a été sapée, estime pour sa part Mary Yuen, secrétaire d’une Commission sociale de l’Eglise catholique. Elle affirme que la police a abusé de ses pouvoirs en recourant à la violence contre les protestataires.

Selon Yuen, la police ne se sert pas nécessairement de l’Ordonnance sur l’Ordre Public controversée et amendée, approuvée en hâte dans la législation en juin de l’an dernier pour donner pouvoir à la police de présenter des objections au nom de la sécurité, en vue de contrôler la liberté de parole des gens. La réalité a montré que la police peut utiliser d’autres lois pour bâillonner l’opposition des gens, comme ce fut le cas pour les protestataires de la Banque Mondiale, accusés de faire obstruction à la police et de l’avoir attaquée.

Yuen note en outre que même si le problème des abus de pouvoir de la part de la police existait déjà avant le «passage», et si les victimes, à l’époque, étaient habituellement suspectes de menées criminelles, «à présent, ils (la police) ont pour but d’intervenir contre les protestataires et contre les participants à des manifestations».

Les catholiques et même quelques observateurs considèrent que le problème se rattache plus au contrôle fait par la nouvelle administration de Hong Kong qu’à une intervention de Pékin.

Interférences de Pékin et craintes de Hongkong

«Nous ne voyons aucune interférence directe du gouvernement central jusqu’à présent, fait de son côté observer le Père franciscain Stephen Chan. Mais Tung Chee-hwa (Chef de l’Exécutif), ses collaborateurs et la législature provisoire (à présent morte) ont pris apparemment la Chine en considération et essayé de voir ce qu’il y a dans l’esprit de Pékin. Ils ne veulent pas offenser la Chine», relève le Père Chan, professeur au séminaire de philosophie et de théologie du Saint-Esprit.

«Si cette pratique continue, les conséquences s’accumuleront et l’élément chinois deviendra plus évident». Cette coutume a déjà eu ses conséquences dans l’attitude quotidienne du gouvernement. Le refus d’entrée à un dissident chinois éminent, Yan Jiaqi, est un exemple pour Hong Kong. Yan, qui vit en exil aux Etats-Unis après avoir fui la répression du mouvement pro-démocratique de Tienanmen, a essayé d’entrer à Hong Kong depuis Macao où il se trouvait à l’occasion d’une visite récente. Il est évident que le gouvernement de Hong Kong ne voulait pas mettre dans l’embarras la Chine et a refusé l’entrée du dissident. Avant le «passage», les dissidents du continent en exil étaient rarement empêchés de rendre visite à Hong Kong.

Même si l’on ne sait pas si certaines décisions sont prises sur des interférences de Pékin ou simplement sur l’intention du gouvernement de Hong Kong de ne pas offenser la Chine, un membre haut placé du gouvernement à Hong Kong a déclaré à la presse que les personnalités officielles chinoises devaient avoir donné des consignes sur la manière de mettre en pratique les décisions politiques depuis le passage.

Une Eglise timide mais engagée

Côté Eglise, on n’a constaté aucun changement évident sur la liberté de religion à Hong Kong. Les habitants continuent à pouvoir jouir du droit de pratiquer leur foi. Toutefois, on a imposé aux religions la coopération avec le gouvernement pour le choix de leurs représentants au Comité d’Election, composé de 800 membres. Le Diocèse catholique a coopéré «passivement» même s’il s’est opposé au mode non démocratique d’élection qui passait par le Comité d’Election. La décision, cependant, fait craindre que cette concession politique ne place l’Eglise elle-même dans une situation difficile si, à l’avenir, le gouvernement continue à exiger de l’Eglise une coopération du même genre.

Pour le Père Chan, la coopération diocésaine passive avec le gouvernement aux élections, a été un incident isolé. L’Eglise a continué sa participation sociale après le «passage». L’Eglise, par ses commissions diocésaines, comme la JPC, la Commission pour les Affaires du Travail et d’autres, a lutté contre la législation et les politiques injustes comme l’Ordonnance sur l’Ordre Public, l’Ordonnance sur les Sociétés, la non-observation des lois du travail qui garantissaient les contrats collectifs et la loi anti-discrimination contre les syndicats, et le refus du droit de rapatrier les enfants de Chine continentale qui étaient arrivés illégalement à Hong Kong avant le «passage», même s’ils possédaient les droits de résidence sous la Loi fondamentale, ajoute le prêtre.

Le Père Chan fait aussi observer que l’Eglise a été plus active dans la propagation de la foi sous le gouvernement chinois «parce qu’il y avait un sentiment d’insécurité».

Sur les relations avec l’Eglise en Chine, le Père Chan constate que, après le passage, il a été plus difficile pour les prêtres chinois de se rendre à Hong Kong pour participer à des rencontres. Les autorités locales de Chine, dit-il, ont réduit le nombre des permissions de sortir de Chine pour les prêtres du continent. Il ajoute que ce problème relève du domaine de la politique de la Chine continentale plutôt que de celle pratiquée à Hong Kong. Le Père Chan insiste enfin pour dire que l’Eglise doit être plus ferme pour s’opposer à des choses déraisonnables… (apic/fides/pr)

20 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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