Anne-Dauphine Julliand, lors de son passage à Lausanne pour l'avant-première de son documentaire "Et les mistrals gagnants" | © Pierre Pistoletti
Suisse

Anne-Dauphine Julliand: «Et les mistrals gagnants est un appel à retrouver son âme d'enfant»

Anne-Dauphine Julliand est en Suisse pour présenter son premier documentaire, Et les mistrals gagnants. Un film à hauteur d’enfant qui nous entraîne dans le monde d’Ambre, Camille, Charles, Imad et Tugdual. Cinq bambins malades. Cinq maîtres de sagesse, surtout, qui nous invitent à retrouver notre insouciance enfantine.

Après la France, la Suisse. Vous vous dépensez sans compter pour présenter Et les mistrals gagnants. Quel est l’accueil du public?
Très positif. Loin de toutes nos peurs et nos appréhensions, le film a tout de suite rencontré son public. Si l’on s’en tenait à un film qui parle de la maladie de cinq enfants, personne n’irait le voir. Moi non plus, d’ailleurs. L’enjeu était de dépasser cet aspect pour percevoir que c’est avant tout un film sur la vie, envisagée à travers le regard de cinq enfants, de cinq enfants malades.

Ce film est le vecteur d’une leçon de vie, portée par ces enfants. Comment la résumeriez-vous?
On peut aimer la vie «et l’aimer même si…». Je fais référence aux Mistrals gagnants de Renaud pour cela. On peut aimer la vie en toutes circonstances.

«J’ai découvert des choses qui me permettent d’être plus heureuse et de mieux aimer la vie».

Dans ce domaine, en quoi les enfants sont-ils nos maîtres?
Ils sont nos maîtres parce que chez eux cette conception est totalement instinctive. Les enfants n’ont pas de tabou par rapport à la vie. Ils parlent de la maladie, de la souffrance et de la mort avec un naturel déconcertant. Un enfant malade sait que la vie est difficile. Sa maladie est une souffrance, mais elle ne l’empêche pas d’avancer.

Les enfants nous rappellent que ce ne sont pas les circonstances qui déterminent la valeur de la vie. Et qu’il faut la vivre maintenant, dans l’instant. Récemment, un journaliste posait la question au petit Imad, que l’on voit dans le film: «Imad, qu’est-ce que tu fais quand tu es triste?» «Je pleure», lui a-t-il répondu. Il ne comprenait même pas l’intérêt d’une telle question. Un enfant est capable de pleurer intensément et, quand c’est terminé, il va jouer. C’est une capacité que l’on a tendance à perdre une fois adulte.

Quel message avez-vous cherché à transmettre à travers ce documentaire?
Je souhaitais inviter le spectateur, pendant une heure vingt – et pendant plus longtemps – à retrouver son âme d’enfant. A renouer avec elle. On peut tirer beaucoup de choses de ce film: un regard sur la vie, de la tolérance, de l’empathie. Mais ce film est avant tout un appel à retrouver l’enfant qui vit en nous.

La souffrance affleure parfois. Elle reste suggérée. Dans vos livres, en revanche, lorsque vous témoigniez de la maladie de vos propres enfants, vous évoquiez plus directement votre désarroi, vos doutes. Pourquoi ce choix?
Par pudeur. Je peux légitimement parler de mon vécu, mais je ne peux pas approcher la souffrance d’un autre de la même manière. Il n’y a pas besoin d’en dire beaucoup pour comprendre la souffrance et pour mettre en lumière la capacité à être heureux ensuite. C’est une question de juste proximité. Quand d’autres nous ouvrent la porte de leur confiance, il faut s’en montrer digne.

Après ces mois de proximité, quels sont aujourd’hui vos liens avec les cinq enfants et leur famille?
Ils sont indestructibles. Chacun a repris sa vie et là aussi il faut une juste proximité. Mais je suis leur petites et leurs grandes joies, leurs petites et leurs grandes peines. Et tout ce qui leur arrive.

Dans votre vie, la souffrance et le deuil ont fait naître un message qui aujourd’hui touche beaucoup de gens. Comment définiriez-vous votre mission ou votre appel?
Je ne sais pas si j’ai une mission ou un appel. Je ne définirais pas les choses de cette manière. Je dirais plutôt que j’ai fait un long voyage, qui s’est avéré compliqué et difficile. Et, tout au long de ce voyage, j’ai découvert des choses qui me permettent d’être plus heureuse et d’aimer mieux et différemment la vie. J’ai simplement envie de le partager. Je n’ai rien découvert, j’ai juste retrouvé ce que j’ai été. Il ne s’agit pas de perdre sa maturité, mais de retrouver cet esprit d’enfance, cette insouciance dans la vie. L’insouciance n’est pas de ne pas savoir. C’est au contraire de savoir, mais de ne se soucier que de ce qui se passe dans l’instant. Et quand on a trouvé un chemin pour y accéder, on a envie de le partager aux autres. (cath.ch/pp)



Et les mistrals gagnants en Suisse romande

Et les mistrals gagnants sort dans les salles romandes le 3 mai 2017. Quatre avant-premières sont programmées à Genèves, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg, en présence de sa réalisatrice, Anne-Dauphine Julliand. La réalisation du film a duré quatre ans. Il raconte, «caméra sous l’épaule», le quotidien d’Ambre, Camille, Charles, Imad et Tugdual – de cinq ans et demi à neuf ans – malades depuis longtemps. En portraits croisés, leur quotidien se découvre, avec leurs jeux, leurs joies, leurs rêves, les soins nécessités par leur pathologie. Faisant preuve d’une grande maturité et de lucidité face à leur maladie, ils vivent dans l’instant présent avec intensité, capables de passer sans transition des larmes au rire, montrant que la maladie n’empêche pas d’être heureux.

Anne-Dauphine Julliand, lors de son passage à Lausanne pour l'avant-première de son documentaire «Et les mistrals gagnants» | © Pierre Pistoletti
27 avril 2017 | 07:26
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 4  min.
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