Amoris Laetitia lue pour vous
Vendredi, début d’après-midi. Monique Dorsaz monte dans le train, trouve un compartiment «tranquille», et entame la lecture d’Amoris Laetitia, juste après sa publication par le pape François. C’est un document que la responsable de la pastorale familiale de l’Eglise dans le canton de Vaud attendait depuis longtemps: il influencera directement sa mission. Synthèse commentée après une première lecture.
Avant toutes choses, c’est l’invitation du pape à un «approfondissement patient» (7) du texte qui retient l’attention de Monique Dorsaz. «Le pape nous dit d’emblée qu’il ne recommande pas une lecture générale et hâtive. Il nous invite à élargir notre regard, explique-t-elle, à raviver notre conscience, à continuer d’approfondir, à ‘inculturer’ son message». Ce qu’elle s’engage à faire.
La Parole de Dieu au cœur de l’exhortation
La Parole de Dieu occupe une place de choix dans l’exhortation apostolique de François. «Elle sous-tend toute l’exhortation et le pape y revient sans cesse». Un aspect qui «séduit» la responsable de la pastorale familiale de l’Eglise vaudoise.
Amoris Laetitia: texte intégral.
«François nous met en contact avec des textes nombreux, habituels ou inattendus, explique-t-elle. La Parole se révèle comme une compagne de voyage, y compris pour les familles qui sont en crise ou confrontées à une souffrance ou à une autre» (22).
Un regard lucide sur l’Eglise et sur le monde
Autre thème important de l’exhortation: le «discernement». ” François nous invite à poser un regard lucide sur l’Eglise (36-38) et sur le monde (39ss). Dans l’amour, la sexualité, l’ouverture à la vie, le début et la fin de la vie, l’éducation, il faut sans cesse discerner, tenir compte de la réalité et du dessein de Dieu, oser aller à l’encontre de l’esprit du monde».
A travers Amoris Laetitia, le pape se révèle excellent conseiller conjugal, selon Monique Dorsaz. «Et il n’oublie aucune situation (chapitre 5). Chacun peut s’y retrouver: les jeunes, la femme enceinte, les pères, les couples en difficulté d’avoir un enfant, les enfants, les personnes âgées, les personnes qui vivent ensemble dans les différentes situations possibles ou celles qui ont été blessées par la séparation ou la mort».
«La pastorale familiale doit être fondamentalement missionnaire»
Pour la spécialiste de la pastorale familiale, «l’exhortation est une grande invitation à aimer». «Le mariage y est situé comme icône de l’amour de Dieu et s’inscrit dans un dessein qui le dépasse (121; 124)».
Cela dit, «le pape refuse toute idéalisation, n’hésitant pas à aborder la question de la croissance de l’amour et de ses étapes. Il insiste sur la nécessité du dialogue (136-141), aborde le monde des émotions (143-146), de l’érotisme (150-152), les risques de la violence et de la manipulation (153ss), les crises (231-238), ou encore les vieilles blessures (239-40).»
Insistant sur l’importance des périphéries, «le pape invite à sortir, explique Monique Dorsaz. Pour François, la pastorale familiale doit être fondamentalement missionnaire, en sortie, de proximité. (230)».
Dans cette perspective, il revient à la paroisse d’être la «famille des familles». «Les communautés qui ont comme rôle d’accompagner les familles (202). Elles sont également le sujet de l’évangélisation (290), précise-t-elle. Il faut que tout le monde se mette en mouvement!»
Divorcés remariés et autres situations «complexes»
«Exclure ou réintégrer: ce sont les deux logiques qu’évoque le pape face aux ‘situations complexes’. Ici, la route de l’Eglise est celle de Jésus: celle de la miséricorde et de l’intégration (296). Il s’agit de discerner attentivement entre les situations (298), tenir compte des circonstances, accompagner la conscience personnelle», rappelle Monique Dorsaz.
«Par rapport aux personnes divorcées remariées, il ne faut pas s’attendre à ‘une nouvelle législation générale de genre canonique… Il faut seulement un nouvel encouragement au discernement responsable’ (300)».
«C’est aux prêtres que le pape confie ‘la mission de discerner selon l’enseignement de l’Eglise et les orientations de l’Evêque’, précise-t-elle. Et dans ce processus, il sera utile de faire un examen de conscience, grâce à des moments de réflexion et de repentir (300)». Au final, «il s’agit de trouver des chemins possibles en repérant ‘ces petits pas au milieu de grandes difficultés’, si appréciés de Dieu (305)».
Fidèle à ses formules très imagées ainsi qu’à son attachement à la miséricorde, le pape rappelle que «L’Eglise n’est pas une douane, mais la maison du Père (310). Alors que chacun ose s’approcher avec confiance (312)!»
Un livre de chevet
L’Esprit-Saint se retrouve en filigrane de toute l’exhortation. «Le pape nous invite à reconnaître ses signe, poursuit Monique Dorsaz, mais aussi à l’invoquer car c’est lui qui consacre l’union de l’homme et de la femme (74). Il vient à notre secours pour nous aider à nous construire sur la durée (175), il est à l’œuvre au milieu de la fragilité (297; 308), conduit à la liberté intérieure (320), pousse la famille à s’ouvrir et à sortir de soi pour répandre son bien sur d’autres (324)».
Pour Monique Dorsaz, «le texte, formulé dans un langage en «je», est accessible. On y retrouve la riche réflexion des pères synodaux». Amoris Laetitia sera son «livre de chevet», confie-t-elle, mais aussi «un précieux document de travail pour la pastorale des familles» qu’elle n’hésitera pas à partager autour d’elle. (cath.ch-apic/pp)