Allemagne: Mgr Gallagher interroge le système économique de l'Église
Mgr Paul Richard Gallagher, cheville ouvrière de la diplomatie vaticane, met en question de système économique actuel de l’Église en Allemagne, dans un long entretien accordé au portail officiel de l’Église catholique en Allemagne Katholisch.de, publié le 27 juillet 2022. L’archevêque britannique confirme également la possibilité d’un voyage du pape à Kiev, en Ukraine.
Quelques jours à peine après que le Saint-Siège a fermement recadré le chemin synodal allemand, le secrétaire pour les relations avec les États de la Secrétairerie d’État a répondu à plusieurs questions sur le sujet dans un entretien accordé au portail de l’Eglise en Allemagne, Katholisch.de reconnaissant que les tensions actuelles entre l’Église en Allemagne et le Saint-Siège avaient un effet sur son domaine, les relations diplomatiques, notamment dans ses relations avec la République fédérale d’Allemagne.
Il a cependant réfuté l’idée selon laquelle le poids financier de l’Église en Allemagne – l’une des «plus puissantes financièrement», selon le journaliste qui l’interrogeait – pouvait jouer un rôle dans ces relations. Le prélat est même allé plus loin, semblant remettre en cause le système économique de financement de l’Église catholique en Allemagne.
L’Église, deuxième employeur d’Allemagne
Bénéficiant de l’existence en Allemagne d’un important impôt d’Église – qui représente entre 8 et 9% de l’impôt sur le revenu de toute personne qui se déclare officiellement ›catholique’ – l’Église catholique allemande est particulièrement prospère. Elle est aussi actuellement le premier employeur d’Allemagne après l’État. À titre d’exemple, la seule Caritas allemande, qui joue un rôle essentiel dans le financement de nombreuses organisations catholiques dans le monde entier, emploie 600’000 personnes à temps plein.
Cependant, le nombre de personnes se reconnaissant officiellement comme catholiques en Allemagne connaît une importante baisse ces dernières années et pourrait à terme mettre en péril le fonctionnement économique des structures catholiques allemandes. En 2021, environ 360’000 personnes ont quitté officiellement l’Église catholique en Allemagne.
«C’est une question que l’Église allemande doit peut-être se poser elle-même», affirme Mgr Gallagher. «Est-ce que ce système, qui s’est développé au fil du temps et qui apporte des ressources considérables, a vraiment été si utile à l’Église?», s’interroge-t-il.
Pas de voyage en Allemagne pour l’heure
Dans un rapport de la ›banque centrale du Vatican’ publié récemment, on a aussi appris que l’Allemagne était le 3e donateur le plus important pour le Saint-Siège. Avec 2,3 millions d’euros, soit 5% des dons en 2021, il se place derrière les 13 millions des États-Unis et les 5 millions de l’Italie, mais devant la Corée du Sud (1,4 million) et la France (1,2 million).
Dans l’entretien, Mgr Gallagher explique que l’Allemagne comme la France n’est pas la priorité du pape en termes de destination, malgré les deux crises des abus traversées par ces pays. Il estime cependant que cela pourrait «venir avec le temps», même si le temps restant au pontife est «limité».
Une guerre en Europe?
Outre l’Allemagne, l’entretien porte principalement sur la politique diplomatique du Saint-Siège vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie. Le Britannique a assumé la neutralité diplomatique du Vatican, qui ne condamne pas publiquement l’action de la Russie. Il a cependant affirmé que le Vatican n’était pas «éthiquement indifférent» dans sa «réponse à la souffrance en Ukraine».
«Ce que le Saint-Siège ne fait jamais, c’est de former des alliances», a insisté Mgr Gallagher, parce qu’il s’agirait alors pour eux de s’allier « contre quelqu’un». «Nous ne tolérons rien de ce que fait la Russie», a-t-il affirmé, expliquant vouloir maintenir «un certain degré d’ouverture afin de contribuer à la résolution du conflit».
«Toute alternative à la paix a un prix», a affirmé le diplomate, mettant en garde contre une escalade du conflit à l’échelle du continent européen en comparant la situation actuelle à la situation avant la Première Guerre mondiale. «Il faut agir pour éviter les guerres, les anticiper», a-t-il insisté.
Estimant que l’Europe portait encore les séquelles de la guerre des Balkans, qui aurait dû être «un signal d’alarme», il estime que «la guerre en Ukraine a sonné le glas d’une certaine innocence d’après-guerre». «Pendant trop longtemps, nous avons accepté la paix comme un fait établi et avons cessé d’y travailler», a-t-il affirmé, estimant qu’une fois la guerre en Ukraine terminée, tout ne reviendrait pas «comme avant», et évoquant la possibilité d’«une guerre à part entière en Europe».
Un voyage à Kiev «le plus tôt possible»
Revenant sur le projet d’un voyage du pape à Kiev dès le mois d’août, il a affirmé que la volonté était là mais qu’il n’y avait «pas encore de plans concrets» et qu’il fallait attendre le retour du pape de son voyage au Canada pour savoir s’il est en mesure de faire le déplacement.
«Il n’est pas facile de se rendre à Kiev ou Lviv», a-t-il souligné, évoquant un «long voyage» de deux jours pour le pape qui devrait se faire non en avion mais «en voiture ou en train». «Je pense que le pape veut régler ce problème le plus tôt possible», a-t-il affirmé. (cath.ch/imedia/cd/bh)