Allemagne: L’introduction de la pilule abortive Mifegyne RU 486 relance la polémique

Le cardinal Meisner parle de «journée noire pour l’Allemagne»

Berlin/Bonn/Bâle, 7 juillet 1999 (APIC) Après la France, la Suède et la Grande-Bretagne, l’Allemagne vient d’autoriser la Mifegyne RU 486, qui sera probablement mise sur le marché en octobre prochain. L’introduction de la pilule abortive, agréée par l’Institut fédéral pour les médicaments et les produits médicaux à Berlin, fait déjà des vagues. Les féministes se déclarent satisfaites, tandis que l’Eglise catholique monte aux barricades.

Le cardinal Joachim Meisner, archevêque de Cologne, parle d’ores et déjà de «journée noire pour l’Allemagne», tandis que la ministre fédérale de la famille Christine Bergmann (SPD) parle de «décision en faveur des femmes». La ministre social-démocrate espère que l’autorisation de la pilule Mifegyne, saluée par l’ensemble des femmes responsables politiques social-démocrates et vertes, mettra un terme à une querelle qui dure depuis des années.

Le gouvernement allemand, y compris le chancelier Gerhard Schröder, favorable à l’autorisation de la Mifegyne, s’est déclaré satisfait. Tôt ou tard, cette préparation chimique devrait également être introduite dans les autres pays de l’Union Européenne, en raison de la procédure de reconnaissance mutuelle: si un médicament est autorisé dans un Etat membre, chaque autre Etat doit aussi octroyer l’autorisation pour autant qu’il n’y ait pas de raison valable de l’interdire. De l’avis de l’Institut fédéral à Berlin, il n’y a pas d’objections sur le plan de la qualité pharmaceutique, de l’efficacité médicale et des contre-indications de la Mifegyne. L’Institut berlinois répondait à une demande de la firme française Exelgyn déposée en mars dernier.

«Une méthode abortive alternative»

Christine Bergmann qualifie de «fondamentalement faux» le débat pour savoir si oui ou non on facilite ainsi l’avortement. Il ne s’agit pour elle que d’une possibilité supplémentaire – «une méthode alternative» – pour les femmes qui ne peuvent pas supporter physiquement une interruption de grossesse chirurgicale. La méthode utilisée est à son avis «finalement secondaire»: d’abord la femme doit décider si une interruption de grossesse doit être effectuée, et ensuite seulement se pose la question de la méthode à utiliser. La pilule abortive ne pourra être utilisée que dans des cliniques et dans des cabinets médicaux qui pratiquent l’interruption de grossesse, mais ne sera pas disponible librement en pharmacie.

«Un moyen de tuer des êtres humains paré du titre de médicament»

Avis contraire de la vice-présidente de la fraction démocrate-chrétienne au Parlement fédéral, Hannelore Rönsch (CDU), qui met en garde contre la banalisation de l’utilisation de la pilule abortive: «La pression psychique que subit une femme lors d’un avortement par la Mifegyne est extrêmement lourde!». Le cardinal Meisner estime pour sa part que si un Institut fédéral pare un «moyen de tuer des êtres humains» du titre de «médicament» ou de «produit médical», il banalise de façon insupportable l’homicide d’être humains non encore nés. Et d’affirmer que ceux qui ont pris cette décision se sont faits les esclaves de groupes d’intérêts et ont ainsi gravement violé leurs devoirs. L’archevêque de Cologne attend de la ministre en charge du dossier, des hommes politiques, et si nécessaire des tribunaux compétents, qu’ils «empêchent cette injustice».

L’évêque de Dresde-Meissen, Mgr Joachim Reinelt, parlant de «conséquences désastreuses» et de problèmes pour les relations Eglise-Etat, déplore que «la politique a capitulé face aux pressions des multinationales de la chimie». Mgr Reinelt évoque encore le risque d’un dangereux marché noir de la pilule abortive. Le président de la Conférence épiscopale catholique allemande, Mgr Karl Lehmann, estime lui aussi que l’autorisation de la Mifegyne «abaisse le seuil d’inhibition pour tuer un enfant non encore né.» D’autre part, la classification de cette substance dans les médicaments «fait de la grossesse une maladie et de l’enfant à naître un mal à éliminer.»

Premières réactions en Suisse

Parmi les premières réactions en Suisse, on note celle, évidemment très négative, de l’Aide Suisse pour la Mère et l’Enfant (ASME). L’ASME affirme que la situation en Suisse n’est pas comparable à celle qui prévaut en Allemagne. L’association rappelle que pour elle, l’homologation de la pilule abortive «RU 486» est contraire aux dispositions en vigueur du Code pénal suisse. L’ASME a déjà mis en garde le 9 juin dernier l’Office intercantonal du contrôle des médicaments (OICM), en l’appelant à rejeter la demande d’homologation de la RU 486.

Cette association a lancé l’initiative populaire fédérale «Pour la mère et l’enfant», un contre-projet visant l`introduction prévue d’une libéralisation de l’avortement durant les 14 premières semaines, dite «solution des délais». L’initiative, qui court jusqu’au 2 décembre, a déjà recueilli plus de 100’000 signatures. En cas d’autorisation en Suisse de la RU 486, ses opposants annoncent le boycott de tous les produits des firmes participant à cette forme d’avortement, en particulier Hoechst-Marion-Roussel AG, ainsi qu’un combat juridique acharné, en utilisant tous les moyens de recours disponibles, à tous les niveaux.

Le 1er juillet dernier, le collectif d’associations réuni sous le sigle des «3C» – «Création + Communication + Continuation», largement soutenu par «Oui à la Vie», a annoncé publiquement un train de mesures de représailles contre les entreprises impliquées dans la production et la commercialisation de ce produit, qualifié de «pesticide contre l’être humain». (apic/kna/be)

7 juillet 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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