Alice Drisch: la foi pour dépasser et accepter le handicap
«Jusqu’au départ de la maternité, je ne voulais pas prendre mon fils dans mes bras. Lorsque le diagnostic de la trisomie 21 d’Isaac est tombé deux jours après la naissance, j’ai ressenti une sensation de malédiction. J’avais besoin d’être seule dans ma chambre. J’ai prié Dieu, j’ai crié vers lui: ‘Pourquoi ?’». Alice Drisch, agente pastorale dans le diocèse de Lyon, a livré un témoignage fort lors du premier atelier des JMJ de Lausanne.
Micro en main, Alice Drisch, agente pastorale pour les jeunes dans le diocèse de Lyon, témoigne, le 7 mai, de la trisomie de son fils Isaac, âgé de deux ans. Presque perdue sous les voûtes de l’immense cathédrale de Lausanne, d’une voix douce, mais avec ferveur, elle répond sans détour au feu roulant de questions que lui adresse la centaine de jeunes présents au premier atelier de ces JMJ 2022. La peur de ne pas aimer son enfant, l’impact sur la vie du couple, l’acceptation de son fils par la famille, le regard des autres, l’avortement, la perspective d’un deuxième enfant.
Elle raconte. Il y a bien eu une suspicion de trisomie 21 au cinquième mois de la grossesse, les médecins ayant détecté un développement anormalement lent du fœtus. Mais la croissance a repris, éloignant les doutes. «Avec mon mari, nous n’avons pas voulu savoir avant, désirant cet enfant de toute façon».
Est-ce qu’elle a eu peur de ne pas aimer son fils? «Oui, surtout une fois que le diagnostic a été posé. J’ai pleuré, je ne voulais pas le prendre dans mes bras». Une situation d’autant plus difficile à vivre qu’Alice se trouve en décalage avec son mari, qui a accepte plus facilement la situation. «Il a aussi fallu vaincre cette tempête du décalage entre nous».
Alice déplore que les personnes handicapées soient définies d’abord par ce qu’elles «ne font pas» ou ce qu’elles «ne sont pas».
Une punition de Dieu
Elle refuse de voir son fils et demande à rester seule dans sa chambre pour prier. «Avec le sentiment d’une punition et la sensation d’une malédiction, j’ai prié Dieu, j’ai crié vers lui: ‘Pourquoi?!’ Je me suis sentie alors remplie de la présence du Saint-Esprit». Elle s’apaise. «Je suis allée prendre mon fils, nous sommes rentrés à la maison et je n’ai plus eu de préjugés sur lui». Elle reconnaît qu’elle était terrorisée par le manque de connaissances sur la maladie.
La vie se poursuit avec son lot de soucis. Il faut s’adapter, le rythme de vie est bouleversé. «On ne se projette pas, on vit jour après jour en accompagnant Isaac au fil de son développement, forcément plus délicat que celui des autres enfants. La trisomie est un handicap doux et tout prend du temps». Isaac parle peu, il signe. Le couple doit apprendre à vivre le moment présent. «Finies les «to do lists», les grands projets et l’anticipation. Mais c’est une vie pleine de joie, Isaac est un don de la vie, il a développé une grande sensibilité et génère beaucoup de bonheur autour de lui». Alice Drisch déplore que les personnes handicapées soient définies d’abord par ce qu’elles «ne font pas» ou ce qu’elles «ne sont pas».
«C’est dur. Le regard de la société est dur sur le handicap».
Alice Drisch
Le regard des autres
Les parents doivent affronter la société. La première tentative de placement dans la crèche du village est un échec. L’enfant est mis de côté, faute d’une prise en charge adéquate. Un message posté sur Facebook permet de trouver une structure où l’enfant s’épanouit. «C’est dur. Le regard de la société est dur sur le handicap». Les regards sur l’enfant se font souvent insistants au supermarché ou dans la rue, avant de se dérober lorsqu’ils croisent celui de sa maman. «Là-dessus, j’essaye de développer de la douceur. Moi-même, j’ai eu parfois ce genre de regard», reconnaît-elle.
La foi face au découragement
Pas toujours facile non plus avec l’entourage. Une partie de la famille a mis du temps à faire le pas pour accepter Isaac. Il a fallu de la patience. «Avec mon mari, nous sommes une équipe. Dès que l’un de nous est fatigué, l’autre prend le relais. Nous dialoguons beaucoup». La prière, parfois en couple, aide à surmonter la fatigue et le découragement. Alice est issue d’une famille pratiquante. «La foi était très vivante à la maison». Un temps éloignée de la foi, en révolte, elle y est revenue avant de se lancer à 20 ans dans des études de théologie à l’université catholique de Lyon.
Un jeune pose la question du baptême. Le couple n’avait pas prévu de faire baptiser leur fils, préférant lui donner une éducation religieuse et lui laisser le choix d’un baptême à l’âge adulte. «Etant donné la situation, nous l’avons fait baptiser à six mois». La question de l’avortement est soulevée. «Je ne juge pas. C’est une question tellement sensible! Nous sommes là pour ceux qui font ce choix».
Une association
Alice Drisch a créé en octobre 2021 avec son mari «M21» (M pour Merveille), une association qui vient en aide et apporte du soutien aux parents qui apprennent le diagnostic de la trisomie pendant la grossesse ou à la naissance. Une équipe de personnes répond au téléphone pour prodiguer conseils et accompagnement. La plateforme propose également des témoignages de parents d’enfants atteints de trisomie 21.
Elle répond enfin qu’elle n’a pas peur d’une deuxième grossesse. «Maintenant, on sait ce que c’est. Je ne qualifie pas ma vie de difficile. Notre fils est rayonnant et le Seigneur m’a donné cette capacité d’acceptation». «C’est de l’ordre du miracle». (cath.ch/bh)
Alice Drisch
Originaire de Valence, dans le sud de la France, Alice Drisch, dernière d›une fratrie de six enfants, a 28 ans. Elle est titulaire d’un Diplôme universitaire de formation pastorale (DUFP) obtenu en 2016 à l’Université catholique de Lyon. Elle est agente pastorale et a lancé, avec son mari, le mouvement FOCUS avec les jeunes lycéens de leur paroisse Lyon Centre église Sainte Blandine en septembre 2016. Elle a créé l’association M21 en octobre 2021. BH