Algériens, Français, musulmans et chrétiens réunis à Tizi Ouzou

Algérie: Hommage oecuménique aux Pères blancs assassinés il y a dix ans

Tizi Ouzou, 10 janvier 2005 (Apic) Algériens, Français, musulmans et chrétiens ont rendu hommage aux quatre Pères blancs assassinés il y a dix ans à Tizi Ouzou, en Kabylie devant une assistance nombreuse.

Ils étaient plus d’une centaine d’invités, jeudi 6 janvier, rassemblés dans le vieux cimetière chrétien de Tizi Ouzou. La plupart musulmans, rapporte le quotidien La Croix du 9 janvier. Venus rendre hommage aux quatre Pères blancs assassinés il y a dix ans dans la cour de leur maison. Ils étaient aussi venus dire ce qui n’avait pu être communiqué à l’époque aux familles et aux proches, dans l’impossibilité de faire un voyage considéré alors trop risqué.

Dans le cimetière, les trois tombes jusque-là distinctes ne faisaient plus qu’une. Sur la pierre blanche, les noms de trois des Pères – Alain Dieulangard, Jean Chevillard, Charles Deckers – sont gravés, ainsi que celui de Christian Chessel, inhumé, selon le voeu de sa famille, à Villebois, dans l’Ain. Avec, inscrite dans la pierre, ce credo ultime : «Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime» (Jn 15,13).

Les quatre Pères avaient été des victimes faciles du GIA (Groupe islamique armé), rappelle La Croix. Ils avaient fait le choix de rester sur place malgré la situation tendue entre la France et l’Algérie, suite à un détournement d’Airbus. «Ils ont payé de leur vie leur fidélité au peuple qu’ils aimaient», a déclaré un participant à cette cérémonie émouvante, en présence, entre autres, des ambassadeurs des deux pays et de l’archevêque d’Alger. Le 26 décembre 1994, le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale française (GIGN) donnait à Marseille l’assaut contre un Airbus d’Air France détourné par un commando du GIA, provoquant la mort de quatre terroristes. Le lendemain à midi, en représailles, les Pères français étaient assassinés.

Pour la mort des frères, les montagnes ont bougé

Le 6 janvier au matin, pour l’hommage aux pères disparus de mort violente, une Algérienne, Yamina, s’exprimant en kabyle, tenait pourtant à affirmer son espérance. «Pour la mort des frères, a-t-elle rappelé, les montagnes ont bougé. Aujourd’hui, ils sont au ciel. Ils veillent sur nous et intercèdent pour que la violence soit vaincue, et que le peuple souffrant d’Algérie retrouve la paix.» Peu de temps avant, Mgr Teissier, archevêque d’Alger, avait lui-même placé la cérémonie sous le signe «du souvenir, du respect, du deuil partagé», mais aussi «de l’amitié».

Après la cérémonie, un repas a été partagé à la nouvelle maison des Pères blancs construite il y a six ans au-dessus de l’ancienne. Y habitent actuellement trois religieux – les Pères Jean Guegnard, responsable de la communauté, René Robert, et un jeune Père congolais, Ghislain Mulumbu – ainsi que le Père Belaïd Ould Aoudia, ancien vicaire général d’Alger, aujourd’hui à la retraite.

Une rencontre, l’après-midi, sur le chantier de la future bibliothèque destinée aux étudiants de Tizi Ouzou fut l’occasion de donner la parole à des témoins, anciens élèves ou amis des Pères, et de permettre ainsi aux familles présentes de sentir les liens qui s’étaient tissés entre les Pères et la population de Tizi Ouzou. «Ça faisait dix ans que j’attendais cela», confiait au reporter de La Croix Marie-Claire Chevillard, soeur de Jean. Marie-Agnès livrait elle aussi son émotion de découvrir que les Pères, et surtout son frère Christian, «étaient toujours là».

Célébration oecuménique d’envergure

Pour la célébration qui a eu lieu le lendemain, la chapelle des Pères blancs étant trop petite, celle-ci s’est déroulée dans ce qui sera, d’ici quelques mois, la bibliothèque. Un autel avait été dressé entre quatre piliers de béton. Dans ce décor de chantier, outre les familles des Pères blancs assassinés, les ambassadeurs de France et de Belgique, plusieurs représentants des autorités locales (le maire de Tizi Ouzou, une représentante du préfet et une conseillère municipale) ont assisté à l’ensemble de la messe ainsi que de nombreux amis musulmans des Pères, rapporte La Croix.

Pour la première fois en Algérie, des Algériens musulmans, des Algériens chrétiens, catholiques, mais aussi évangéliques, se sont rassemblés pour une célébration oecuménique. Présidée par Mgr Teissier, animée par la chorale des étudiants venus d’Afrique subsaharienne et inscrits à l’université de Tizi Ouzou, la messe, chantée tantôt en kabyle, tantôt en lingala, tantôt en français, était celle de l’Épiphanie.

Après la messe, et avant le couscous partagé à la table commune, les participants découvraient la plaque apposée sur le mur de la chapelle qui rappelle qu’en ce lieu, le 27 décembre 1994, quatre Pères blancs : Alain Dieulangard, Charles Deckers, Jean Chevillard et Christian Chessel ont «livré leur vie par amour et fidélité». Ce «cycle de la mémoire» s’est achevé à Notre-Dame-d’Afrique, à Alger, vendredi 7 janvier, avec le Père Miguel Larburu – qui était provincial des Pères Blancs au moment de l’assassinat (apic/lcx/vb)

10 janvier 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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