Entre attente, discernements diocésain et communautaire, Alexandre Python aura dû attendre six ans avant de commencer la formation de diacre | DR
Suisse

Alexandre Python: le «businessman du Seigneur» sera ordonné diacre

Lorsqu’il a rencontré celle qui allait devenir sa femme, Alexandre Python lui avait annoncé que plus tard, il serait peut-être diacre. C’était en 1995. Il aura fallu du temps et bien des aléas pour que se concrétise l’ordination, le 1er juin 2024 à la basilique Notre-Dame à Genève, du voyagiste chrétien le plus connu de Suisse romande.

La question de l’appel au sacerdoce s’est posée en 1992 après l’école d’évangélisation. Mais l’appel au diaconat trouva déjà un meilleur écho: «Depuis un pèlerinage à Assise, j’ai repensé à saint François qui est resté diacre», confie Alexandre Python. Un appel qui lui convient très bien, «d’autant que pour moi, c’était clairement l’appel de la famille.» Ce père de quatre enfants sait ce qu’est une famille nombreuse.

La foi du charbonnier

Le futur diacre, né en août 1968, est le dernier de sept enfants élevés dans la foi catholique. Tous les dimanches, la famille va à la messe et les garçons servent à l’autel. En semaine, le dîner commence avec le bénédicité et le dimanche midi, le papa commente brièvement l’Évangile entendu le matin, «c’était une belle foi de charbonnier, nous étions pratiquants sans être vraiment convertis.»

Autre valeur cardinale qui guide la famille: le travail. Les frères et sœurs œuvrent à la ferme aux côtés des parents. Ils viennent de reprendre une exploitation agricole à Torny-Le-Grand (FR) comprenant un élevage bovin et la culture de tabac. «Après l’école, j’allais chercher les vaches au champ et je nettoyais l’étable. L’été, nous travaillions à la plantation de tabac.» Il n’était pas question de se poser dans un canapé, «ma grand-mère nous le faisait savoir tout de suite!», se souvient-il

Un absolu

Attablé dans une brasserie genevoise, le gaillard, dont la carrure de rugbyman contraste avec la voix douce, évoque assez vite l’instant fondateur de sa vie spirituelle. «J’avais 7 ans. En ramenant les vaches à la ferme, j’ai été saisi par la beauté de la création. J’ai pris conscience que quelque chose de plus grand me dépassait, d’un absolu.»

La recherche de cet absolu va durer plusieurs années. Elle accompagne le futur diacre tout au long d’un apprentissage en charpente. La soif de découverte, l’envie de voyager et la recherche d’un sens à donner à son existence l’emportent sur le métier. A 18 ans, il passe deux mois dans une léproserie à Madagascar. Il se souvient de cette nuit de Noël 1986: «Je revois ces bouts de main levées vers le ciel pour chanter le Notre Père à la messe de Noël. Je me suis dit ‘Ceux-là, ils ont compris quelque chose que je n’ai pas saisi’». La soif de «comprendre» s’amplifie.

Après un an de stage en vue d’une formation d’éducateur spécialisé à l’institut des «Peupliers» à Praroman, dans la commune de Le Mouret. Il voyage en Inde – «ma phase orientale…» – avec des expériences de Yoga dans le désert qui le laissent aride. Il évoque «l’angoisse d’une chute dans un puits sans fond». Le retour en Suisse est difficile.

«La joie m’a envahi!»

Une amie lui parle d’une chaîne de prière organisée par l’abbé Bernard Bitschnau à Châtel-Saint-Denis. «J’étais impressionné par ce rassemblement de jeunes et cette effervescence. On était à l’époque du renouveau avec le Père Emiliano Tardif, les conversions de Nicolas Buttet et de Jean-Marie Cettou, il y avait un grand enthousiasme.» Il se met à prier quotidiennement.

Après un séjour à Londres, à 20 ans, il entreprend des études sociales à Genève. «Je me suis retrouvé à prier dans ma chambre du foyer Saint-Boniface et là, un soir, la joie m’a envahi! C’était incroyable! Dieu m’a comblé d’un amour infini.» Le jeune homme doit aller dehors pour se rasséréner, un peu incrédule et secoué par ce qu’il vient de vivre. L’expérience se renouvelle les deux soirs suivants. Depuis, confie-t-il, les grâces ont afflué en permanence et le puits sans fin dans lequel il tombait s’est rempli. «Une conversion!»

Alexandre Python et sa femme Solly, rencontrée en Grèce en 1995 | DR

Le futur diacre fait une pause dans son récit de vie, en fait un flot d’anecdotes et de souvenirs que même le menu du jour n’a pas ralenti. Un récit de vie touchant qui confine au témoignage. Il reconnaît à mi-mot une ‘fibre évangélisatrice’: «J’aime parler de Jésus».

Il part un mois en Inde avec Nicolas Buttet au mouroir de Mère Teresa, puis un an à Paray-Le-Monial à l’école internationale de formation à l’évangélisation. Au programme: prière, formation, vie fraternelle et évangélisation. «Le premier jour de louange, j’ai cru être tombé dans une secte», sourit-il. Pas du tout familier des pratiques expansives du renouveau charismatique. Les mains restaient plaquées sur ses cuisses durant la louange. Il concède avoir tout au plus levé quelques doigts après des mois

Un long chemin vers l’ordination

Comme dans sa recherche spirituelle, il aura fallu à Alexandre Python beaucoup de patience jusqu’à ce mois de juin 2024. En avril 2015, «le premier à m’avoir encouragé, fut Mgr Pierre Farine, alors évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg». Pour cela, Alexandre Python doit avoir le feu vert de la communauté de l’Emmanuel dont il faisait partie. Entre attente, discernements diocésain et communautaire, il lui aura fallu 6 ans avant de commencer la formation de trois ans. Prêt, il l’est!

Il n’est pas engagé en Église, mais il a déjà été sollicité pour des baptêmes et des funérailles. «Ce sera selon les possibilités. Je vois le diaconat surtout dans ‘l’être’ plus que dans le ‘faire’». D’autant qu’Alexandre Python vit déjà pleinement ses vocations de voyagiste, libraire et d’un magasin de souvenirs.

Il a ressenti l’appel à organiser des voyages sur les traces des martyrs d’aujourd’hui, et pas seulement sur ceux de l’époque. «Saviez-vous qu’en 2023, 15 chrétiens ont donné leurs vies au Nom de Jésus chaque jour de part le monde?», interroge-t-il.

ad gentes

Un passage à l’École Club Migros et une formation sur le terrain pour différentes enseignes de voyage l’amènent à fonder son agence en 1999: ad gentes («Vers les peuples» en latin). Le nom est dû à une inspiration durant un temps d’adoration. Alexandre Python est bien connu en Romandie pour cette activité. «Certains me surnomment le ‘business man du Seigneur’», sourit-il.

Entre les JMJ, les pèlerinages un peu partout dans le monde, les voyages à thème, on ne compte plus les Romands passés par ad gentes. Il y a des hauts et des bas. L’activité n’est pas de tout repos, particulièrement lors des catastrophes telles que le 11 septembre 2001, le tsunami, la grippe aviaire, le Covid et dernièrement la guerre en Ukraine et en Terre Sainte. Mais il vit l’instant présent, confiant. «Le patron c’est Lui, et c’est son œuvre!»

«Après l’ordination, ma vie restera normale. Je ne me fais pas de soucis. On est béni! Je laisse faire le Seigneur et j’ai en Lui une confiance absolue. A chaque fois, nous avons reçu ce dont nous avions besoin, grâce à tant de personnes bienveillantes qui nous entourent. Dieu, en nous créant, met une chiquenaude de lui en nous: un amour infini!» (cath.ch/bh)

Entre attente, discernements diocésain et communautaire, Alexandre Python aura dû attendre six ans avant de commencer la formation de diacre | DR
26 mai 2024 | 17:15
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 5 min.
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