Alain de Raemy: «On peut vraiment bâtir de grandes choses autour des JMJ»
Au-delà des préjugés, les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) sont un élément central de la pastorale jeunesse. Pour Mgr Alain de Raemy, évêque des jeunes pour la Suisse romande, elles sont la source d’une découverte spirituelle à accompagner avec soin de retour en Suisse.
Trois mois après les JMJ, peut-on mesurer ses fruits?
Oui, ils sont là. L’augmentation du nombre de messes voulue par les jeunes en est un signe. Avant Cracovie, il y en avait une par mois à Genève par exemple; il y en a désormais chaque dimanche soir, Noël et Pâques y compris. On peut penser que les JMJ sont un événement sans lendemain, c’est d’ailleurs un des deux préjugés tenaces autour de ces rencontres. Mais c’est faux. Je ne cesse de rencontrer des gens qui ont découvert le Christ aux JMJ.
Quel est le second préjugé?
Imaginer que les JMJ, c’est une affaire d’initiés. Ces rencontres concerneraient donc avant tout des jeunes cathos convaincus, qui vont être caressés dans le sens du poil. En réalité, c’est une occasion de découverte, souvent fondamentale, de la foi catholique. Certains jeunes sont attirés par l’aspect sensationnel de l’événement ou intrigués par l’enthousiasme d’un ami ou poussés par une grand-maman qui leur offre le voyage. Au final, ils sont souvent surpris et touchés. Une JMJ, ce n’est pas seulement le ronronnement de cathos déjà bien formatés.
Une JMJ, ce n’est pas seulement le ronronnement de cathos déjà bien formatés.
Comment s’opère cette découverte?
De plusieurs façons. Par la vie partagée dans les bus, dans les halles de gymnastique transformées en dortoirs ou chez l’habitant, par les catéchèses, la fête, la danse, les discussions et débats entre jeunes de tout pays et de tout horizon et les témoignages, etc. Mais particulièrement lors des moments de prière silencieuse ou d’adoration avec l’offre permanente de la confession. Au cœur de ces foules, ces temps de recueillement sont l’occasion d’une rencontre personnelle avec le Christ. En même temps que la dernière JMJ suisse, à Fribourg en 2015, il y avait un grand rassemblement pentecôtiste à Bulle. Un jeune avait participé aux deux. A Bulle, il a vécu une incessante sollicitation verbale et musicale du sentiment d’appartenance au Christ. De retour à Fribourg, il a été profondément frappé par l’intensité palpable du silence et du recueillement dans la cathédrale pourtant bondée. C’est là, dans un cœur à cœur soutenu par la foi commune et la présence sacramentelle du Christ, que les grandes choses se passent. Le chemin de croix des dernières JMJ est un bon exemple. Il y avait de la belle musique qui berçait la foule, mais aussi la confrontation visuelle avec le drame des scènes actualisées en plein milieu de cette foule. Elles étaient l’occasion d’une contemplation silencieuse et partagée de cette incroyable passion d’Amour.
Les JMJ sont donc centrales dans l’ensemble des offres que l’Eglise propose aux jeunes?
Ah oui! On peut vraiment bâtir de grandes choses autour des JMJ. Le risque c’est le contrecoup possible du retour, si les communautés ou les paroisses ne saisissent pas le «kairos», le moment de grâce, que sont les JMJ. Si l’enthousiasme se heurte à une certaine léthargie, ou même à des préjugés, le jeune risque de ne plus comprendre cette Eglise qui lui avait pourtant fait toucher du doigt la merveille de la foi. Quelle responsabilité! Et elle ne concerne pas que le jeune qui rentre des JMJ.
Vous évoquiez une augmentation des messes «pour les jeunes». Avec cette difficulté d’intégration dans les paroisses, n’y a-t-il pas un risque de rupture?
Elle est à éviter. La présence du prêtre et des paroissiens à ces messes est ainsi essentielle. Les jeunes en sont ravis, ils ne souhaitent pas se constituer en ghettos. La multiculturalité des JMJ favorise d’ailleurs cette ouverture. Ce serait formidable si chaque paroissien saisissait l’occasion de rejoindre les jeunes là où ils sont, au lieu de les attendre passivement. Les jeunes ont besoin des aînés, et les aînés ont besoin des jeunes.
Vous êtes l’évêque des jeunes pour la Suisse romande. D’après-vous, que faut-il mettre en place pour accompagner ces jeunes et leurs découvertes spirituelles?
Pour prolonger l’expérience vécue à Cracovie, il faut des lieux, des occasions où les jeunes qui ont fait des pas dans la foi – ou sont en train de les faire – peuvent se retrouver et continuer d’avancer; des lieux où leur quête spirituelle puisse être prise en considération, aussi dans le cadre d’une liturgie soignée et participative. Nous devons leur permettre de se ressourcer. C’est ainsi qu’ils pourront rejoindre leurs contemporains. Ce n’est pas nous qui les rejoindront, mais justement ces jeunes de leur âge dont la foi se construit et rayonne. Ils seront plus convaincants que bien des spécialistes ou des professionnels. (cath.ch/pp)