Les Suisses devront une nouvelle fois voter sur les Multinationales responsables | © responsabilite-multinationales.ch
Suisse

Action de Carême et Caritas pour l’initiative «Multinationales responsables»

Une coalition de plus de 90 organisations, dont les œuvres d’entraide catholiques Action de Carême et Caritas Suisse, a relancé, le 7 janvier 2025, l’initiative «Pour des multinationales responsables». Une démarche qui s’explique principalement par un changement du contexte international.

Des règles contraignantes pour obliger les multinationales suisses à respecter les droits humains et les normes environnementales. Telle est l’option qui sera (re)proposée au peuple suisse à une date encore indéterminée.

Une première initiative en ce sens avait échoué en votation populaire en novembre 2020. Elle avait en fait été acceptée par une majorité de Suisses (50,7%), mais n’avait pas obtenu la majorité obligatoire des cantons.

Contre-projet pas convaincant

Un contre-projet indirect à l’initiative est alors entré en vigueur en 2022. Il contraint les multinationales à publier un rapport annuel sur leur politique dans le domaine des droits de l’homme et de l’environnement. Le problème est que ce système n’a rien de particulièrement contraignant, un «laxisme» dénoncé notamment par les partisans de la nouvelle initiative, qui critiquent son inefficacité.

Un autre argument avancé par les initiants est le changement de contexte international. Lors de la campagne 2020, les opposants à l’initiative, dont la ministre de la Justice de l’époque Karin Keller-Sutter, avaient affirmé que la Suisse ne devait pas faire cavalier seul, mais agir de manière coordonnée avec l’Europe, note la RTS. Depuis lors, plusieurs pays européens ont légiféré sur la responsabilité des multinationales. L’Union européenne a adopté une directive sur le devoir de diligence au printemps.

Quelques concessions aux opposants

Le comité, composé de représentants «d’un vaste spectre politique», de l’économie et de la société civile, insiste ainsi sur le fait que de nombreuses violations des droits humains et des normes environnementales sont toujours commises par des multinationales basées en Suisse.

La nouvelle initiative s’inspire donc des normes internationales et des règles adoptées par l’Union européenne. Elles s’appliquent aux multinationales à partir de 1000 employés et 450 millions de francs de chiffre d’affaires. Elle prévoit notamment que les personnes concernées par des violations des droits humains doivent pouvoir demander réparation auprès d’un tribunal suisse. De plus, des contrôles aléatoires doivent pouvoir être effectués pour s’assurer du respect des obligations.

Le comité indique avoir fait quelques concessions aux opposants de la première initiative de 2020. La responsabilité civile ne s’appliquera pas aux fournisseurs, contrairement à la directive européenne. De plus, la majorité des PME ne sont pas concernées par l’initiative.

«Cette initiative est nécessaire. Les personnes les plus vulnérables dans les pays pauvres ont particulièrement besoin d’être mieux protégées », note Caritas Suisse dans un communiqué. Pour l’œuvre d’entraide catholique, les entreprises peuvent grandement contribuer à réduire la pauvreté dans le monde. «Mais pour garantir un développement durable, il faut que tous les acteurs, y compris les entreprises puissantes et actives au niveau mondial, appliquent des règles juridiquement contraignantes.»

La Suisse abrite de très nombreuses entreprises actives au niveau transnational, souligne Caritas. «Elle a donc un devoir particulier et doit s’attaquer à ce problème.»

Quel rôle pour l’Église en politique?

Lors de la première initiative, les opposants avaient pointé le risque économique: les entreprises auraient pu être découragées de maintenir leur siège en Suisse en raison de la responsabilité accrue. Appliquer ces règles à des chaînes d’approvisionnement mondiales aurait été également, selon eux, très complexe sur le plan juridique.

A noter que la campagne de 2020 avait soulevé une polémique concernant le rôle des Églises en politique. Autant l’Église catholique romaine que l’Église évangélique réformée avaient pris fait et cause pour l’initiative Multinationales responsables, estimant que la défense des plus démunis et de la création était un devoir évangélique. Un engagement qui n’avait pas plu à certaines formations politiques jugeant que les Églises, en tant qu’entités reconnues de droit public, ne devraient pas être autorisées à donner leurs avis sur des questions de politique. On ignore encore si la nouvelle campagne suscitera les mêmes débats. (cath.ch/rts/com/rz)

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8 janvier 2025 | 17:56
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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