Abus sexuels: ce qu'a réalisé le pape François
Dans la lignée de Benoît XVI, François avait voulu une «bataille totale» contre le fléau des abus sexuels dans l’Église. L’agence I.MEDIA revient sur les principaux jalons du pontificat concernant cette problématique.
22 mars 2014: le pape François institue une commission pontificale pour la protection des mineurs
Près d’un an après son élection, le pape François met en place une commission chargée de lui proposer «les initiatives les plus opportunes pour la protection des mineurs et des adultes vulnérables, afin de réaliser tout ce qui est possible pour assurer que des crimes comme ceux qui ont eu lieu ne se répètent plus dans l’Église».
Présidée par le cardinal américain Sean O’Malley, elle se compose de spécialistes – laïcs, clercs ou religieux – sur les questions d’abus sur mineurs qui viennent de divers pays du monde. Marie Collins, victime d’un prêtre pédophile et porte-parole de nombreuses victimes, avait intégré la commission avant de la quitter, faisant valoir sa «frustration compte tenu du manque de coopération d’autres bureaux de la Curie».
11 avril 2014: première demande publique de pardon du pape François
Un peu plus d’un an après son élection sur le trône de Pierre, le pape François prononce pour la première fois publiquement une demande de pardon aux victimes d’abus sexuels dans l’Église. «Devant Dieu et devant son peuple, j’exprime ma douleur pour les péchés et les graves crimes d’abus commis par le clergé contre vous, et je demande humblement pardon.»
Recevant des membres du Bureau catholique international de l’enfance (BICE), il demande des sanctions «très sévères» contre les coupables de viols sur des enfants. Quelques semaines plus tard, le 17 juillet 2014, il reçoit au Vatican un groupe de victimes.
27 septembre 2015: le pape rencontre des victimes aux États-Unis
«Je suis profondément attristé, car votre innocence a été violée par ceux en qui vous aviez confiance», déclare le pape François lors d’une rencontre avec des victimes d’abus sexuels, à Philadelphie, à l’occasion de son voyage aux États-Unis. «Je regrette profondément que certains évêques n’aient pas assumé leur responsabilité de protéger les mineurs», se désole-t-il, leur assurant: «Sachez que le Saint-Père vous écoute et vous croit.»
4 juin 2016: le pape permet la révocation des évêques coupables de négligences
Par une nouvelle loi, le pape François autorise la démission des évêques qui auraient fait preuve de négligences dans la gestion d’affaires d’abus sexuels sur mineurs. Il rappelle que les évêques doivent déployer «une particulière diligence dans la protection de ceux qui sont les plus faibles parmi les personnes confiées à eux». En cas d’indices sérieux, Rome peut ouvrir une enquête et donne la possibilité à l’évêque de se défendre.
8 avril 2018: le pape reconnaît s’être trompé dans l’évaluation de la crise des abus au Chili
«J’ai commis de graves erreurs dans l’évaluation et la perception de la situation», confie le pape dans une lettre aux évêques chiliens – qui présenteront tous leur démission quelques mois plus tard. Au cours de son voyage au Chili, en janvier 2018, le pontife avait défendu Mgr Juan Barros, un évêque soupçonné d’avoir couvert un prêtre pédophile. Le pape l’avait nommé en 2015 à la tête du diocèse d’Osorno, dans le sud du pays, provoquant déjà de vives critiques. Après s’être excusé, il avait demandé un rapport d’enquête. C’est à sa lecture qu’il s’est dit «submergé par la douleur», évoquant des «vies crucifiées».
20 août 2018: publication de la «Lettre du pape François au peuple de Dieu»
Quelques jours après des révélations accablantes dans le diocèse de Pittsburgh (États-Unis), le pontife argentin publie une Lettre au peuple de Dieu consacrée au fléau des abus sexuels dans l’Église. Il y réaffirme l’engagement de l’Église catholique pour garantir la protection des mineurs et des adultes vulnérables. Il désigne le cléricalisme comme une cause majeure de la crise des abus et appelle les catholiques au jeûne et à la prière. Une semaine plus tard, lors d’un voyage en Irlande durant lequel il rencontre huit victimes à la nonciature de Dublin, il demandera pardon aux victimes.
21 février 2019: ouverture du sommet sur les abus sur mineurs
À l’initiative du pape, 190 participants venus de tous les continents – présidents de conférences épiscopales, chefs des Églises catholiques orientales, supérieurs de congrégations religieuses et prélats de la Curie romaine – se réunissent au Vatican pour mener une «bataille totale» contre les abus sexuels dans l’Église. Ce sommet historique – où des victimes ont pu livrer des témoignages glaçants – ne débouche pas immédiatement sur des annonces concrètes mais dresse des perspectives à mettre en œuvre.
9 mai 2019 – le pape rend obligatoire la dénonciation des abus et responsabilise les évêques
Par le motu proprio Vos estis lux mundi, tous les clercs et religieux sont obligés de dénoncer à l’autorité supérieure les abus dont ils auraient connaissance, et ce sans délai. Parmi les autres mesures figure l’obligation pour chaque diocèse du monde de mettre en place un ou des «dispositifs stables et facilement accessibles», afin de permettre le signalement d’abus sexuels sur mineurs.
Dans le sillage de la loi du 4 juin 2016, le Vatican met sur pied une procédure pour enquêter sur des évêques ou supérieurs soupçonnés de crimes ou de couverture de crimes. Elle prévoit que l’archevêque métropolite – qui coordonne les évêques d’une même province – puisse enquêter en 90 jours, en lien avec Rome. Si le métropolite est lui-même impliqué, c’est à l’évêque le plus ancien de la province de s’en charger.
Un an après la publication du motu proprio, un évêque américain, accusé d’avoir couvert des abus entre 2013 et 2015, démissionne, après une enquête régie par Vos estis lux mundi.
17 décembre 2019: le pape abolit le secret pontifical couvrant les procédures en matière de pédo-criminalité
Dans un rescrit, le pape François abolit le secret pontifical en matière de violences sexuelles commises par des clercs sur des mineurs, des personnes vulnérables ou placées sous leur autorité. Les procès canoniques étaient jusqu’alors couverts par le secret absolu, y compris vis-à-vis des victimes qui ne sont entendues que comme témoins. Ce degré très haut de confidentialité a été critiqué à plusieurs reprises lors du sommet sur la protection des mineurs, réuni fin février au Vatican. Le pape demande par ailleurs une collaboration renforcée avec les tribunaux civils.
28 février 2020: mise en place d’une task-force contre les abus
Un an après le sommet sur les abus, le Vatican met en place un groupe de travail formé d’experts pour aider les conférences épiscopales et instituts religieux à élaborer ou mettre à jour des lignes directrices en matière de protection des mineurs.
16 juillet 2020: publication d’un manuel pour lutter contre les abus
Autre fruit du sommet sur les abus: la congrégation pour la Doctrine de la foi publie un vademecum ayant pour objectif «d’accompagner et de guider pas à pas quiconque doit chercher la vérité» face à un cas d’abus sur mineur. Non normatif, le texte de 17 pages est à la disposition des évêques, des supérieurs religieux, des tribunaux ecclésiastiques, des juristes et des responsables des centres d’écoute mis en place par les conférences épiscopales. Il vise à clarifier la législation du Saint-Siège afin de permettre aux différents responsables de réagir adéquatement s’ils viennent à devoir gérer une situation d’abus.
10 novembre 2020: publication du rapport McCarrick
Le pape François avait demandé en 2018 de faire la lumière sur la manière dont l’ex-cardinal McCarrick avait pu gravir les échelons dans l’Église catholique sans jamais être inquiété malgré ses nombreux abus commis. Deux ans plus tard, le Rapport sur la connaissance institutionnelle et le processus décisionnaire du Saint-Siège concernant l’ex-cardinal Theodore Edgar McCarrick (1930-2017) est rendu public.
Épais de 445 pages, ce document inédit retrace depuis le pontificat de Paul VI la façon dont l’ancien haut prélat américain a brillamment évolué dans la hiérarchie de l’Église malgré les allégations d’abus sexuels qui pesaient sur lui. On y apprend notamment que Jean Paul II avait bien été informé officiellement de soupçons importants à l’encontre de McCarrick par une lettre du cardinal O’Connor, archevêque de New York, en 1999. Pourtant, un an plus tard, celui qui s’appelait encore Mgr McCarrick était nommé archevêque de Washington puis élevé au rang de cardinal.
23 mai 2021: le pape durcit le droit canon
Le pape François opère une révision majeure d’un chapitre du code de droit canon portant sur les sanctions graves. Elle vise à adapter le droit de l’Église au monde contemporain et à rééquilibrer le rapport entre justice et miséricorde «qui a parfois été mal interprété», entraînant un climat de «laxisme». Les abus sur une personne mineure sont désormais clairement inscrits dans le code.
10 juin 2021: le pape refuse la démission du cardinal Marx
«Toute l’Église est en crise à cause du problème des abus», affirme le pape François dans une lettre de trois pages adressée au cardinal Reinhard Marx, le 10 juin 2021. Au-delà du cas personnel de l’archevêque de Munich-Freising – dont le pape refuse la démission -, l’évêque de Rome invite toute l’Église à reconnaître ses erreurs et son péché. «En tant qu’Église, nous devons demander la grâce de la honte», confie-t-il, estimant notamment que «chaque évêque» doit assumer la crise «et se demander: «Que dois-je faire face à cette catastrophe?»
5 octobre 2021: le pape réagit au rapport Sauvé sur les abus en France
C’est «avec douleur» que le pape François a pris connaissance du contenu du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) en France, annonce le Vatican, alors que le pays découvre que, selon une méthode de calcul par sondage, près de 216’000 personnes auraient été abusées par des clercs ou des religieux depuis 1950. «C’est le moment de la honte», dira-t-il publiquement le lendemain lors de l’audience générale.
9 décembre 2021: la rencontre du pape avec la CIASE annulée
Alors qu’il était convenu depuis l’été 2021 que le pape recevrait les membres de la CIASE après la parution du rapport, la rencontre est ajournée sine die. Le Vatican, qui n’avait pas officialisé cette audience, ne fait aucun commentaire. Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France, et favorable à cette rencontre, explique qu’il s’agit d’une affaire d’agenda. Mais l’audience n’a depuis jamais été re-programmée. Certains arguent que le Vatican aurait été mal à l’aise à l’idée de recevoir les membres d’une commission dont les investigations et les préconisations seraient allées trop loin.
16 juin 2022: le pape accepte la non-élévation au rang de cardinal d’un évêque belge
Il devait faire partie des 21 nouveaux cardinaux créés par le pape François en août 2022. Mais quelques jours après l’annonce de sa nomination, Mgr Luc Van Looy, évêque émérite de Gand (Belgique), demande au pape argentin de le dispenser de son cardinalat. Des victimes ont en effet réagi à la nouvelle de cette distinction et accusent l’évêque d’avoir couvert des abus. Le pape accepte la requête de l’évêque.
25 mars 2023: le pape confirme et renforce Vos estis lux mundi
Trois ans après la publication du Motu proprio Vos estis lux mundi pour traiter les cas d’abus commis au sein de l’Église, le pape promulgue une «mise à jour» de ces normes. Parmi les nouveautés, la place des laïcs dans les procédures de signalement est renforcée. Les modérateurs des associations de fidèles reconnues par le Saint-Siège sont désormais eux aussi tenus d’appliquer les normes.
La loi précise que les adultes peuvent être considérés comme vulnérables aux abus en fonction de la situation dans laquelle l’abus a été perpétré – prenant en compte les liens de hiérarchie et d’autorité. La Curie romaine est aussi plus impliquée dans le traitement des signalements. Enfin, de véritables bureaux «accessibles» sont exigés afin de recevoir les signalements dans les diocèses.
29 mars 2023: démission du Père Zollner de la Commission pour la protection des mineurs
Le jésuite Hans Zollner démissionne à grand fracas de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, critiquant le manque de transparence au sein de cette instance et des dysfonctionnements structurels. Un départ qui ne manque pas de faire couler de l’encre, puisque le prêtre allemand de 56 ans est un expert reconnu sur les questions de pédocriminalité.
Dans un communiqué diffusé le lendemain, le cardinal Sean O’Malley, président de la commission, se dit «surpris, déçu, et en profond désaccord» avec lui. Cette passe d’arme soulève des questions sur la mission confiée par le pape à cette commission «anti-abus», dont le périmètre n’a cessé de s’élargir au fil des ans. Devant l’ampleur du dossier, certaines voix jugent que la structure ne possède pas suffisamment de moyens.
27 octobre 2023: le pape François lève la prescription dans le «cas Rupnik»
Depuis décembre 2022, le jésuite slovène est accusé d’avoir commis des abus psychologiques et sexuels sur plusieurs femmes, dont des religieuses, principalement dans les années 1990. Les cas étant prescrits, aucune procédure canonique ne peut être lancée contre le mosaïste, le droit canon ne mentionnant une possibilité de lever la prescription qu’en cas d’abus sur mineur. Le 27 octobre, le pape François décide de procéder à cette mesure d’exception, permettant un procès contre Marko Rupnik, qui encore à ce jour doit être agendé.
Des voix ont accusé le pape François de protéger l’artiste slovène, dont il avait été proche à un certain moment. Certains ont également critiqué la lenteur des procédures ayant caractérisé la prise en charge de l’affaire par le Vatican.
26 juin 2024: le cardinal O’Malley met en garde le Vatican contre l’utilisation des œuvres de Rupnik
À l’approche de ses 80 ans, le président de la commission pontificale pour la Protection des mineurs, le cardinal Sean O’Malley, écrit aux responsables de la Curie romaine pour leur demander d’exercer une «prudence pastorale» concernant l’utilisation des œuvres du Père Marko Rupnik. «Nous devons éviter d’envoyer un message selon lequel le Saint-Siège serait indifférent à la détresse psychologique dont souffrent tant de personnes», écrit le cardinal américain dans un communiqué, alors que des dicastères de la Curie romaine utilisent encore dans leur communication des œuvres de ce prêtre autrefois très influent à Rome et proche du pape François.
29 octobre 2024: premier rapport du Vatican sur les abus sexuels
Après deux ans de travail, la Commission pontificale pour la Protection des mineurs publie son premier rapport sur l’état de la lutte contre les abus dans l’Église catholique. Ce document de 95 pages, qui ne donne pas de chiffres sur le nombre de victimes ou de clercs pédocriminels, dénonce la lenteur dans la mise en place des procédures par les Églises locales et l’opacité dans le traitement des cas, notamment à Rome.
«L’Église a échoué» à protéger les plus vulnérables et «rien ne sera jamais assez pour réparer totalement» le mal infligé, admet, face aux victimes d’abus, le cardinal Seán Patrick O’Malley lors de la conférence de présentation du rapport. (cath.ch/imedia/cv/hl/rz)
La nouvelle de la mort du pape François a été annoncée à 9h45, par le cardinal Kevin Farrell, Camerlingue de la Chambre apostolique, depuis la Maison Ste Marthe. Le pape François est décédé en ce lundi de Pâques, 21 avril 2025.