A Savièse, une chapelle pour confier son désir d’enfant
Toute discrète à Savièse, la Chapelle des Corbelins accueille depuis des siècles la supplique des mères qui ont perdu un enfant. En septembre 2021, un pèlerinage remet ce sanctuaire à l’honneur: couples infertiles, parents endeuillés, chacun est invité à y confier sa peine et sa prière.
Christine Mo Costabella
La légende dit qu’une statue de la Vierge ne cessait de disparaître du village de Chandolin, sur la commune de Savièse. Elle réapparaissait un peu plus loin dans le rocher en dehors du hameau. C’est pour cela que la chapelle Notre-Dame des Corbelins a été construite à flanc de falaise, sur la route qui mène au Col du Sanetsch, alors que son clocher, lui, se trouve au centre du village.
Cette chapelle excentrée, construite au 17e siècle, est pourtant très fréquentée. En témoigne la dizaine de luminions allumés quand on y passe un après-midi en pleine semaine. «C’est qu’il y a ici une longue tradition de pèlerinage», explique Virginie, une Saviésanne qui nous sert de guide. La chapelle des Corbelins était en effet le terminus du pèlerinage «aux trois Marie», tombé en désuétude dans les années 1950. Il reliait trois sanctuaires mariaux: l’ermitage Notre-Dame de Longeborgne à l’entrée du Val d’Hérens, Notre-Dame de Compassion à Plan-Conthey et Notre-Dame des Corbelins à Chandolin.
Des bébés qui ressuscitent
«Il faut s’imaginer à l’époque une foule de mamans, fatiguées par une journée de marche, égrainer ici leur chapelet en demandant la guérison d’un enfant ou suppliant qu’un bébé leur naisse», raconte Virginie.
Tout tourne ici autour de la maternité. La chapelle est depuis des siècles un sanctuaire à répit, c’est-à-dire un lieu où les parents d’enfants morts sans baptême venaient demander un miracle. Pendant la messe, la tradition voulait que certains bébés donnent des signes de vie, ce qui permettait de les baptiser et de leur donner une sépulture. Une grande consolation pour les parents, car avec le baptême s’ouvrait les portes du paradis pour ces petits dont on craignait que, sans le sacrement, ils errent pour toujours dans les limbes.
«Quand la chapelle a été rénovée l’an dernier, le curé, Jean-François Luisier, a voulu lui redonner sa vocation première. Il nous a souvent dit que les plus grandes souffrances qu’il rencontrait dans son ministère étaient liées à la perte d’enfant par fausse-couche ou à l’infertilité», raconte la trentenaire, qui a été confrontée à ces deux épreuves.
Une réelle attente
Avec une amie, Virginie a pris la balle au bond. «On aimait marcher, on aimait Marie et on avait besoin de consolation.» Le 12 septembre 2021, elles ont donc relancé officiellement le pèlerinage aux trois Marie.
«Quand on en a parlé autour de nous, de nombreuses personnes nous ont dit: ›Enfin!’. Il y a une réelle attente autour de ces thématiques. Mais le jour J, nous n’étions pas très nombreux. Ce sont des souffrances très intimes. Notre but était de donner de la visibilité à ce sanctuaire, mais c’est très bien si les gens font le pèlerinage de leur côté, dans l’intimité.» Tous les dépliants présentant l’itinéraire, déposés au fond de la chapelle, ont d’ailleurs été emportés.
Bien des Valaisans vous diront: ‘Je suis un enfant de Longeborgne’.
Le 12 septembre, le départ s’est donc fait de l’ermitage Longeborgne, où les couples venaient traditionnellement demander la grâce d’avoir un enfant. «Bien des Valaisans vous diront: ›Je suis un enfant de Longeborgne’», affirme la Saviésanne. Dans ce sanctuaire creusé dans la falaise, les pèlerins du jour ont écrit les sujets qu’ils étaient venus confier.
Puis la petite troupe a marché environ 1h30 jusqu’à la basilique de Valère, à Sion, qui a remplacé pour ce pèlerinage l’ancienne chapelle de Plan-Conthey, qui n’existe plus. Durant la dernière étape, d’environ 2h30, les marcheurs ont grimpé à travers les vignes et les taillis jusqu’à la chapelle des Corbelins. Une ascension rythmée par la prière et les témoignages.
Les nouveaux pèlerins du pèlerinage aux trois Marie | DR
Se mettre en route, ressentir la fatigue du chemin, cela a du sens pour Virginie: «Le pèlerinage nous fait vivre quelque chose dans notre corps, ce corps qui subit bien des souffrances. Notre chair est mise à contribution pour sortir de soi et aller de l’avant».
Les secrets des pèlerins déposés dans l’urne
Les pèlerins du 12 septembre ont été accueillis par l’abbé Jean-François Luisier et une vingtaine de villageois venus pour la bénédiction du nouvel espace dédié à la consolation de la chapelle. Les petits papiers portant les intentions de prière ont été déposés dans une urne transparente spécialement prévue pour recevoir les confidences des visiteurs. «Tous les vendredis matin, un groupe de paroissiens célèbre la messe dans la chapelle et prie pour les petits mots que les gens viennent déposer ici», assure Virginie.
Près du chœur, on trouve aussi différentes prières à emporter. L’une pour les parents qui n’arrivent pas à avoir de bébé, une autre pour ceux qui ont perdu un enfant, une troisième pour confier à Dieu un enfant suite à un avortement. À droite, la statue d’un ange gardien, bras tendus vers le haut, présente au Ciel tous les petits êtres qui manquent ici-bas.
La chapelle est ouverte jour et nuit. Tout le monde y est le bienvenu, quelle que soit sa foi, assure l’abbé Jean-François Luisier. Un pèlerinage collectif devrait désormais avoir lieu chaque année le dimanche qui tombe entre le 8 et le 15 septembre. Des dates symboliques: la première commémore la Nativité de la Vierge. La seconde, la compassion de Marie au pied de la croix. (cath.ch/cmc)
Prochaine édition du pèlerinage le dimanche 11 septembre 2022. Plus d’informations: les3marie@bluewin.ch
Prière pour les couples sans enfant à la chapelle Notre-Dame des Corbelins
«Nous venons vers toi Seigneur dans la souffrance et la tristesse de cet enfant que nous désirons et qui ne vient pas. Nous te supplions, dans ton infinie tendresse, de faire jaillir en nous la vie. À travers des femmes comme Sarah, mère d’Isaac, Rachel, mère de Joseph ou encore Elisabeth, mère de Jean Baptiste, tu as montré que tu es source de toute vie.
Comble notre attente d’espérance et de joie féconde pour le monde. Garde notre couple uni, aide-nous à surmonter ensemble cette épreuve, à ne pas nous laisser gagner par le vent de la révolte, mais plutôt à nous abandonner avec confiance à ta volonté. Eloigne-nous, Seigneur, de la jalousie envers ceux qui connaissent le bonheur d’être parents.
Nous te confions nos amis, nos proches, nos connaissances, qui vivent aussi cette lourde attente. Toi le seul consolateur, nous te prions aujourd’hui pour que notre couple porte du fruit. Sainte Vierge Marie, notre maman du Ciel, prie pour nous et soutiens notre espérance. Amen»
Vous pouvez retrouver les témoignages de cette série dimanche 28 novembre à la radio :
« PMA : la foi mise à l’épreuve » dans Babel, dimanche à 11h sur Espace 2
« Procréation spirituellement assistée » dans Hautes Fréquences, dimanche à 19h sur La Première
Des couples face à l'infertilité
La discussion sur le mariage pour tous a ravivé le débat autour de la parentalité et notamment la question de la procréation médicalement assisté (PMA). L'infertilité des couples reste souvent un sujet tabou. Cath.ch est allé à la rencontre de quelques familles concernées.