Les finances du Saint-Siège sont encore en voie de restructuration | © Image Money/Flickr/CC BY 2.0)
Vatican

A quoi sert le denier de Saint-Pierre?

Le 27 juin aura lieu la traditionnelle collecte dite du denier de Saint-Pierre, par laquelle l’Église universelle soutient le pape. Après les scandales financiers au Vatican, certains émettent des doutes: mon don servira-t-il vraiment à l’Eglise? La réponse est oui … mais.

Roland Juchem CIC /traduction adaptation Maurice Page

Le Vatican a-t-il englouti les dons des fidèles dans des spéculations immobilières à Londres ? Les déficits doivent-ils être bouchés avec le denier de Saint-Pierre pour éviter que le Vatican ne tombe en faillite? De tels titres interrogateurs ont mis à l’épreuve la générosité des bons catholiques ces dernières années.

Le 27 juin, les évêques du monde entier demanderont une nouvelle fois le denier de Saint-Pierre, comme on appelle la collecte mondiale en faveur des tâches du pape. Pour cette année 2021, le Vatican en attend environ 47 millions d’euros, soit six millions de moins qu’en 2019. Pour la première fois, une rubrique denier de Saint-Pierre est apparue dans le budget de la Curie romaine, a expliqué Juan Guerrero, chef du Secrétariat à l’économie du Saint Siège.

En raison de la pandémie, les revenus provenant des dons, des loyers et des droits d’entrée aux Musées du Vatican ont considérablement diminué. Le budget a dû être réduit en conséquence. C’est le plus bas depuis la création du Secrétariat à l’économie en 2014.

Deux tiers vont à la Curie

Sur les 47 millions d’euros du denier de Saint-Pierre, 15,5 millions iront directement à des projets caritatifs, 1,5 million constituent des frais administratifs. Les 30 millions restants, soit près des deux tiers, entreront dans le budget général de la Curie. Le denier n’est pas seulement destiné à la charité du pape, mais doit cofinancer toutes ses tâches, explique le Père Guerrero. Le chef de l’Église les remplit notamment à travers les services de la Curie et les nonciatures à l’étranger. Comme la Curie n’a pratiquement pas de revenus propres, elle a besoin de ce soutien de l’Église universelle. En ce sens, le Père Guerrero refuse de considérer le denier de Saint-Pierre comme une simple mesure de couverture du déficit.

À quelles fins caritatives?

A quelles fins caritatives et sociales l’argent est-il utilisé? Le site internet du denier de Saint Pierre présente une réponse assez très élaborée. Il liste de nombreux projets d’aide: de la nourriture et des vaccins pour les nécessiteux de Rome à l’aide aux victimes de tremblements de terre, en passant par des projets de santé et de migration sur les cinq continents.

Les projets des années passées sont répertoriés par montants: 10’000 euros, 25’000 euros, 100’000 euros … Un bilan annuel précis manque cependant. Interrogés les responsables du site indiquent ne pas être autorisés à donner d’autres informations.

Le Vatican gère-t-il l’argent de manière raisonnable?

Une deuxième question demeure: le Saint-Siège gère-t-il l’argent de manière raisonnable? Le Cardinal George Pell, prédécesseur du Père Guerrero à la tête du Secrétariat à l’économie, impliqué à l’époque dans des luttes de pouvoir avec la Secrétairerie d’État, reste sceptique. Selon lui, la Secrétairerie d’État, en tant que dicastère le plus influent de la Curie, qui disposait jusqu’à récemment de ses propres coffres, autrefois bien garnis, a connu un «échec spectaculaire».

À l’automne 2019, quatre employés y avaient été suspendus, ainsi que le responsable de l’organe de supervision financière AIF. Le pape lui-même a parlé d’un scandale au sein de la Secrétairerie d’Etat, sans le nommer plus précisément.

Créer un organe d’experts financiers

Le pape François a défendu le principe que les dons – y compris ceux du denier de Saint-Pierre – soient investis dans des placements financiers, diversifiés, sûrs et éthiquement solides. Après tout, ils ne peuvent pas être conservés dans une tirelire. Compte tenu de la baisse continue des taux d’intérêt dans le monde, le Vatican n’est pas le seul à être confronté à de faibles rendements.

Pour le cardinal Pell, une décision importante serait de mettre en place un organe d’experts financiers chargé d’étudier les investissements efficaces et responsables. Jusqu’à présent, les employés de la curie ont trop coopéré avec des courtiers parfois foireux, estime-t-il.

Le désastre d’un investissement immobilier à Londres avec des pertes considérables a été le déclencheur du dernier scandale. Le Vatican y aurait investi un total de plus de 300 millions d’euros, dont une partie proviendrait des réserves du denier de Saint-Pierre.

Entre-temps, le pape a retiré presque tous les fonds de la Secrétairerie d’État et les a fait transférer à l’Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA).

Plus de 330000 francs de la Suisse

L’an dernier, la date de collecte du denier de Saint-Pierre avait été déplacée à l’automne en raison de la pandémie. Certains dons ne représentaient que 50 à 70% de ceux de l’année précédente. Comme de nombreux diocèses allemands et autrichiens ont augmenté leurs contributions, la fluctuation a cependant été limitée.

330’000 à 360 000 francs sont venus de Suisse ces dernières années. L’Autriche a offert 872’000 euros. Les diocèses allemands restent de bons contributeurs en transférant entre 10’000 et 150’000 euros par an chacun. Les diocèses sont responsables de l’appel et de la collecte. Ils transfèrent ensuite l’argent aux nonciatures, qui le remettent à l’APSA qui vérifiera si l’objectif de 47 millions d’euros est atteint. Les réserves du denier de Saint-Pierre sont aujourd’hui largement épuisées, a admis en mars le Père Guerrero en mars. (cath.ch/cic/rj/mp)

Les finances du Saint-Siège sont encore en voie de restructuration | © Image Money/Flickr/CC BY 2.0)
22 juin 2021 | 16:48
par Rédaction
Temps de lecture : env. 4  min.
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