Quels seront les points d'accord et de désaccord entre Donald Trump et l'Église catholique, lors de son prochain mandat | © Gage Skidmore
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À quel point Donald Trump sera-t-il un président «catholique»?

Le 6 janvier 2025, le Congrès américain a officialisé l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Mais quels seront les points de convergence et de divergence de sa politique avec l’Église américaine et l’enseignement catholique? Projection de possibles.

Le 6 janvier 2021, les États-Unis d’Amérique vivaient l’un des moments les plus troublés de leur histoire. L’assaut du Capitole par des milliers de partisans du président sortant Donald Trump a fait vaciller la démocratie américaine.

Un épisode retentissant que beaucoup ont perçu comme une tentative de Donald Trump de se maintenir au pouvoir. Résultat qu’il a au final obtenu quatre ans plus tard en remportant l’élection de façon régulière.

La démocratie en danger?

Les craintes d’une dérive autoritaire de Donald Trump sont portées par un certain nombre d’intellectuels et de responsables catholiques de par le monde.

La démocratie est un système politique soutenu par les papes en tout cas depuis les années 1940. Dans son Message de Noël 1944, Pie XII affirmait ainsi que «la démocratie, prise au sens le plus large, admet que le peuple est la source du pouvoir de l’État… La dignité de l’homme exige… qu’il ne soit pas seulement l’objet passif de la vie politique, mais qu’il y prenne une part active autant que possible.»

Gaudium et Spes, de Vatican II, a réaffirmé cette idée en répétant que les citoyens doivent participer activement à la vie publique et que la forme de gouvernement doit être déterminée par la volonté libre des peuples.

«Donald Trump a insisté sur le fait que les immigrés illégaux n’étaient pas des êtres humains mais des ‘animaux’»

Car au-delà des événements du Capitole, la rhétorique générale de Donald Trump pose problème autant sur le plan démocratique que sur celui de l’enseignement chrétien. Sa vision du monde et de l’humanité est foncièrement inégalitaire. «Il divise le monde en ‘nous’ contre ‘eux’ et tente d’utiliser ces divisions pour gagner du pouvoir», note ainsi la professeure Jennifer Mercieca, historienne de la rhétorique politique américaine à l’Université A&M du Texas. Elle assure à l’Associated Press (septembre 2024) que «[par rapport à un politicien traditionnel] le genre de langage utilisé pas Trump ressemble plus à celui d’un leader autoritaire développant un culte de la personnalité.»

Des frères ou des «animaux»

De nombreux textes magistériaux, spécialement ceux du pape François, insistent sur le côté inaliénable de la dignité humaine. «Les différences de couleur, de religion, de capacités, de lieu de naissance, de lieu de résidence, et tant d’autres différences, ne peuvent pas être priorisées ou utilisées pour justifier les privilèges de certains sur les droits de tous», écrit notamment le pontife dans l’encyclique Fratelli tutti (2020)

Or, Donald Trump n’hésite pas à contredire ouvertement ces principes. Lors d’un meeting au printemps 2024, dans le Michigan, le président élu avait par exemple insisté sur le fait que les immigrés illégaux n’étaient pas des êtres humains mais des «animaux». 

Le sujet des migrants pourrait être une pomme de discorde entre Donald Trump et les évêques américains | photo: migrants centraméricains s’apprêtant a» traverser le Mexique vers les USA © Jean-Claude Gerez

L’une des promesses électorales phares du républicain est la déportation forcée de millions de sans-papiers. Une perspective qui inquiète au plus haut point les responsables catholiques, dont les évêques, globalement unanimes quant à la nécessité de défendre les droits des migrants. Un thème qui préoccupe particulièrement le pape François, qui appelle régulièrement au respect de leur dignité.

«Le catholique Joe Biden  a commué, le 23 décembre 2024, les condamnations à mort de plus 37 prisonniers fédéraux»

Nommé évêque de Washington le 6 janvier 2025, le cardinal Robert McElroy a déclaré que les déportations de masse étaient «incompatibles avec la doctrine catholique». Le prélat de la capitale sera un témoin privilégié des actions de l’administration fédérale. Les paroles prononcées dès le premier jour de sa nomination augurent certainement de l’importance que prendra le sujet des migrants entre l’Église et la Maison Blanche au cours des prochaines années.

Désaccord ardent sur la peine capitale

La peine de mort est un autre domaine où le président élu et l’Église catholique sont en profond désaccord. Donald Trump a toujours été un ardent défenseur de la sentence capitale, arguant de son rôle dissuasif à l’égard des crimes violents, du trafic de stupéfiants et du terrorisme. Les mesures prises par son administration, notamment la reprise des exécutions au niveau fédéral après un moratoire de 17 ans, témoignent de son attachement à cette solution radicale.

«Donald Trump a insisté sur la nécessité d’exécuter les personnes coupables de crimes violents»

Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne, de son côté, que «la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne et elle [l’Église, ndlr] s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde.» Une position qui s’est affirmée au cours des dernières décennies, en particulier avec le pape François. Ce dernier a répété en août 2024 que la peine de mort était «un poison pour la société» et qu’elle n’était en aucun cas la solution à la violence qui peut s’abattre sur des innocents.

A noter que le catholique Joe Biden a commué, le 23 décembre 2024, les condamnations à mort de plus 37 prisonniers fédéraux, ordonnant que ces condamnés purgent leur peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

Contrôle des armes

Donald Trump a notamment insisté sur la nécessité d’exécuter les personnes coupables de crimes violents, de trafic de drogue, de terrorisme et de tueries de masse.

Pour autant, le président sortant s’est, tout au long de son premier mandat, aligné sur le lobby des armes. Il s’est généralement opposé au renforcement en matière de contrôle des armes à feu, tout en insistant sur la nécessité de contrôler les antécédents mentaux des acquéreurs. Cela alors que les évêques américains appellent régulièrement à une législation plus stricte en la matière.

Convergence sur l’avortement

Outre ces points de divergence, les responsables catholiques pourraient tout de même s’entendre davantage avec Donald Trump sur certains points. L’un de ceux-ci étant l’avortement. Une pratique clairement condamnée par le Catéchisme, selon lequel «la vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue dès le moment de la conception» (2270). L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est également constamment fustigée par le pape François, qui la compare souvent à «l’engagement d’un tueur à gages».

«Donald Trump a constamment souligné l’importance de protéger les libertés religieuses»

Contrairement à d’autres sujets, Donald Trump n’a pas été toujours ‘pro-life’. Avant d’entreprendre une carrière politique, il se déclarait même ouvertement ‘pro-choice’. Sa position est globalement sur la ligne du Parti républicain, c’est-à-dire d’une interdiction de l’IVG, sauf en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la mère. Vers la fin de la campagne électorale 2024, il a mis de l’eau dans son vin, suggérant que cette question devait être tranchée au niveau des États.

Malgré ces bémols, les politiques et les nominations judiciaires de son administration ont fait progresser de manière significative l’agenda ‘pro-vie’, aboutissant notamment à la fin des protections fédérales pour l’avortement en vertu de l’arrêt Roe v. Wade.

Exemptions religieuses bien accueillies

L’IVG ne devrait donc pas être un sujet de dispute avec les évêques pour les prochaines années. Tout comme celui de la liberté religieuse. Donald Trump semble en effet dans la ligne des autorités catholiques en la matière.

Le cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York, prononcera la prière d’investiture de Donald Trump | © flickr Hudson Institute CC BY 2.0

Le New-Yorkais a constamment souligné l’importance de protéger les libertés religieuses pour les individus et les groupes aux États-Unis, se positionnant souvent comme un défenseur de la libre expression des religions.

L’administration Trump s’est notamment efforcée de faire reculer le mandat de la loi sur les soins abordables (Affordable Care Act, communément appelé Obamacare) qui obligeait les employeurs à fournir une couverture sur la contraception dans les régimes d’assurance maladie. Les groupes religieux et les employeurs, en particulier catholiques, se sont pendant longtemps opposés à ce mandat pour des raisons morales et religieuses. Ils ont donc été satisfaits par les mesures de l’administration Trump leur accordant des exemptions.

Un cardinal catholique priera à l’investiture

Le 20 janvier 2025, le 47e président des États-Unis sera officiellement investi et prendra ses fonctions. La prière d’ouverture sera prononcée par le cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York. Le prélat, qui semble avoir la confiance de Donald Trump, l’avait déjà fait lors de son premier mandat.

Le cardinal Dolan a indiqué dans une interview avoir parlé de questions de foi avec Donald Trump, qui se considère comme un chrétien hors dénomination. Le prélat avait déclaré par le passé que le président entrant prenait sa foi chrétienne «au sérieux». Lors de la première investiture, en 2017, le cardinal avait lu la prière du roi Salomon dans le Livre de la Sagesse. «Donne-moi la Sagesse […] je suis Ton serviteur, le fils de Ta servante, un homme frêle et qui dure peu, trop faible pour comprendre les préceptes et les lois. Le plus accompli des enfants des hommes, s’il lui manque la Sagesse que Tu donnes, sera compté pour rien.»

Le sujet de la prière du 20 janvier 2025 n’est pas encore connu. Mais sans doute que le cardinal trouvera un texte suggérant au prochain président de mettre sa foi affichée avant ses intérêts politiques. (cath.ch/rz)

Quels seront les points d'accord et de désaccord entre Donald Trump et l'Église catholique, lors de son prochain mandat | © Gage Skidmore
7 janvier 2025 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 7  min.
Avortement (196), Donald Trump (137), Etats-Unis (549), Migrants (361), Peine de mort (73), politique (166)
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