A l'occasion de «l'année Zwingli», les Eglises appelées à s'engager dans le monde
Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, et Christoph Sigrist, pasteur réformé du Grossmünster de Zurich, ont débattu, le 8 janvier 2019, au Musée national suisse de la ville, des tâches et des défis auxquels font face des Eglises en pleine évolution. La rencontre se déroulait dans le cadre de «l’année Zwingli», commémorant les 500 ans des débuts de l’action du réformateur de Zurich.
L’invitation à l’événement soulignait qu’au tournant de l’année, les personnes regardent traditionnellement vers le passé et l’avenir, en examinant les espoirs et les craintes. Hannes Nussbaumer, le modérateur du débat, a directement engagé les deux invités sur ce point: «Les Eglises sont des centres de compétences dans les domaines de l’espoir et de la crainte». Le rédacteur en chef du quotidien zurichois Tages Anzeiger voulait entendre ce que les Eglises représentées ici pouvaient encore offrir aux personnes aujourd’hui.
Les Eglises, pas responsables de tout
Felix Gmür a immédiatement relevé que tout n’était pas du ressort des Eglises, ni du bon Dieu». Il a observé une bien plus grande attention que par le passé autour du religieux durant la période de Noël. Pour l’évêque de Bâle, il serait ainsi malvenu de mesurer le poids des Eglises uniquement à l’aune du nombre de sorties ou de l’âge moyen des fidèles.
Christoph Sigrist refuse également de voir les choses en noir. Il admet toutefois, à l’instar de Mgr Gmür, que les Eglises ne constituent plus les autorités uniques en matière d’interprétation de la foi et de la religion dans la société. Les deux responsables chrétiens ne voient cependant pas cela comme une perte, mais – au regard des autres évolutions sociales – comme un défi à relever.
Prendre en compte la diversité
«Pendant longtemps, l’Église catholique a donné des réponses à des questions que personne n’avait posées», a relevé Mgr Félix Gmür avec une pointe d’ironie et d’autocritique. Il a également admis que l’Église était souvent éloignée des préoccupations des personnes d’aujourd’hui. Face à cela, il est important que les Eglises prennent en compte la diversité religieuse, a ajouté Christoph Sigrist.
Tous deux ont réaffirmé la nécessité pour les Eglises traditionnelles d’offrir des espaces de rencontre. Cela au-delà de l’office du dimanche. Des espaces qui, pour le pasteur zurichois, incluent même les personnes qui visitent en touristes le Grossmünster.
L’habit ne fait plus l’autorité
Les deux invités ont estimé que la rupture avec l’image traditionnelle des Eglises et l’ouverture à de nouvelles tâches constituaient un enrichissement. «Nous avons l’opportunité, aujourd’hui, de rendre les personnes ‘avides’ du christianisme et de la foi», a assuré Christoph Sigrist. De nos jours, on ne peut plus attirer l’attention simplement en occupant la fonction d’évêque ou de pasteur, a-t-il relevé.
Le catholique et le protestant considèrent également qu’il est de leur devoir de défendre leur Eglise et le christianisme en général. Cela également en s’impliquant dans les questions sociales et politiques qui agitent le monde actuel. Ils ont clairement fait référence, sans le nommer, au think tank «Eglise/politique» (Kirche/Politik), auquel participe notamment Gehrard Pfister, président du PDC suisse.
Pour une voix politique
Pour les débatteurs, les Eglises ne devraient pas limiter leur travail à la célébration des cultes et au travail social. Là où c’est nécessaire, les chrétiens doivent adopter une position politique, a affirmé Mgr Gmür. L’Eglise ne se réfère cependant pas à un programme politique, mais à des principes de foi. Et Christoph Sigrist, d’assurer que la profession de foi s’incarne obligatoirement sur le plan politique.
«Je m’élève contre les politiciens qui veulent m’interdire de faire des déclarations politiques», a déclaré le pasteur du Grossmünster. Des propos accueillis par des applaudissements spontanés. Une personne qui occupe une fonction officielle doit s’impliquer dans le jeu politique, a souligné l’évêque de Bâle, qui préside la Conférence des évêques suisses depuis le début 2019. En tant que chrétien, il considère comme son devoir de se confronter au monde.
Les deux représentants de l’Église n’ont pas approuvé les arguments avancés par le modérateur, selon lesquels la foi est une affaire privée. Mgr Felix Gmür a rétorqué que même si la foi était effectivement quelque chose de très personnel, elle incluait la communauté religieuse et revêtait malgré tout toujours un aspect public. La Bible en parle explicitement: «L’évangile est public et doit donc être débattu en public», a renchéri Christoph Sigrist.
Des Eglises qui doivent continuer à avancer
Les plus de 200 personnes composant l’auditoire ont également été conviées à la discussion. Les principaux thèmes soulevés ont été le processus de sécularisation et les nombreuses sorties d’Eglise. Sur ce point, Christoph Sigrist a rappelé que le fait de quitter l’Eglise ne signifiait pas forcément une perte de la foi. Il a rappelé l’importance de reconnaître la diversité actuelle en matière de croyances.
Mgr Gmür a assuré prendre très au sérieux les sorties d’Eglise, qu’il perçoit comme une critique de l’institution ecclésiastique. Pour lui, c’est une raison supplémentaire de penser que l’Église doit être présente dans l’espace public. L’évêque de Bâle a remarqué, en référence au grand nombre de publications dans les médias qui se rapportent aux Eglises, que cette présence était déjà manifeste.
Finalement, les deux représentants d’Eglises ont convenu que leurs institutions respectives étaient en train de changer et devaient continuer dans cette voie. C’est à elles de prendre les choses en main, également en dehors de leur communauté, a lancé Christoph Sigrist. «L’amour des personnes est le meilleur témoignage» du travail des Eglises, a conclu Mgr Gmür. (cath.ch/ms/kath/rz)