A l'Ascension, prendre un peu de hauteur…
Dans le dictionnaire, l’ascension sociale côtoie le fait de gravir un sommet ou de s’élever en ballon façon Jules Verne. Jésus a pourtant déjà vécu la première et la deuxième de ces définitions, avant de réaliser la troisième, sans l’aide d’un ballon. A l’occasion de la fête qui porte ce même nom tout en l’affublant d’une majuscule bien méritée, prenons un peu de hauteur…
Comme aime à le dire un confrère, le Chrétien devrait être celui dont les yeux regardent vers le ciel, tout en ayant les deux pieds sur terre et l’infini dans le cœur. C’est beau. Seulement voilà, le texte biblique qui relate le plus complètement l’Ascension du Christ nous demande précisément de ne pas rester les yeux fixés au ciel: «Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent: ›Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel.’» (Actes 1, 10-11, trad.liturgique © AELF)
L’attitude classique de celui qui regarde un ballon à air chaud s’élever dans les airs, au célèbre festival de Château d’Oex (VD) ou ailleurs, est de scruter le ballon les yeux fixés sur lui jusqu’à ce qu’il ait totalement disparu. Mais il ne viendrait à l’idée d’aucun des festivaliers restés au sol de continuer à regarder le ciel durant des jours et des jours.
«Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts?»
Les Actes des Apôtres ont été rédigés par Luc. Dans l’esprit du lecteur attentif, les hommes en blanc qui viennent dire aux Apôtres de cesser de fixer le ciel font évidemment écho à la première partie de l’œuvre de Luc, son Evangile. Lorsque les femmes arrivées au tombeau de Jésus s’étonnent de ne plus y trouver son corps, deux hommes en blanc apparaissent: «Alors qu’elles étaient désemparées, voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant. Saisies de crainte, elles gardaient leur visage incliné vers le sol. Ils leur dirent: ›Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts? Il n’est pas ici, il est ressuscité.’» (Luc 24,4-6, trad.liturgique © AELF)
«Etre chrétien consiste, je crois, à adopter l’attitude des disciples: repartir dans nos vies (…)»
Ne pas rester à fixer le ciel, ni le visage incliné vers le sol, c’est choisir de suivre non plus seulement Jésus mais bien Jésus ressuscité. C’est sa résurrection qui nous amène à reprendre le cours de nos vies tout différemment, aussi joyeux que les femmes qui vont annoncer la Bonne Nouvelle ou que les disciples d’Emmaüs, dont parle le même Luc, et qui repartent en hâte et en pleine nuit annoncer qu’ils ont vu le Seigneur… qu’il a disparu de leurs yeux (encore un parallèle avec l’Ascension), mais qu’il est vraiment ressuscité.
Dans un monde qui tend à contempler parfois exagérément les étoiles au point de vouloir s’y rendre… ou à regarder éternellement le tombeau de ce qui n’est plus, en un soupir passéiste du type «c’était mieux avant», être chrétien consiste, je crois, à adopter l’attitude des disciples: repartir dans nos vies, annoncer le Ressuscité à qui veut entendre cette Bonne Nouvelle, certes les deux pieds sur terre, certes en contemplant la beauté du ciel, mais avant tout avec l’infini dans le cœur.
Bonne fête de l’Ascension!
(cath.ch/vl/rz)