A la rentrée, comment ne pas oublier les grâces de l’été?
Retraites, pèlerinages, festivals: de nombreuses personnes ont vécu un événement spirituel marquant durant l’été. A l’heure des tumultes de la rentrée, comment faire durer la saveur de ces démarches? Témoignages.
Lourdes est incontournable pour Maryline et sa famille, habitant à Collombey. Pour rien au monde ils ne manqueraient le rendez-vous de juillet. A tel point que l’un des ados a économisé sur ses premiers salaires d’apprenti pour financer une partie du voyage.
Pour la famille valaisanne, Lourdes c’est d’abord «un miracle». «Mon papa est malade et dépressif. A Lourdes, chaque année depuis 45 ans, il retrouve le goût de vivre, confie la mère de famille. Durant quelques jours, il est heureux, jovial et resplendissant. Et les enfants développent avec leur grand-papa une complicité qui n’existe pas ailleurs».
Chaque pèlerinage donne lieu à de nouvelles découvertes, pour cette mère au foyer. Cette année, ce fut la comédie musicale Bernadette. «J’ai six enfants en tout – quatre qui sont nés de notre mariage et deux que nous avons pris sous notre aile. J’ai compris à travers ce spectacle que Marie était non seulement une maman du ciel pour nous, mais aussi un modèle pour moi.
Le pèlerinage d’été n’est pas une parenthèse dorée pour la famille. «Lourdes nous accompagne au quotidien, assure Maryline. Avant les repas, nous prions avec un chant de là-bas. Mes enfants font partie de groupes WhatsApp des jeunes de Lourdes. Ils organisent des messes, se revoient, continuent de partager ensemble. Chacun à son niveau est très engagé sur le chemin de la foi.»
Pour chacun d’eux, entretenir la flamme passe aussi par la transmission. «Nous n’hésitons pas à parler de Lourdes autour de nous, à inviter les personnes qui se montrent intéressées à venir découvrir ce pèlerinage».
Dieu sur les cimes
Autre lieu, autre «Thabor». Marianne Monney a participé à deux pèlerinages alpins cet été. «Une journée et demi pour relier Ferret au Grand-Saint-Bernard en passant par le lac de Fenêtre à 2697 mètres, précise la Bulloise. Le soir, nous dormons à l’hospice. Le lendemain, nous participons à la messe, un petit temps de partage puis, après le repas, chacun retourne chez soi».
Un jour et demi suffit pour que de forts liens se tissent entre pèlerins qui, pour la plupart, ne se connaissaient pas. Marianne participe depuis de nombreuses années à ce rendez-vous humain et spirituel sur les cimes valaisannes. «J’y recharge mes batteries». C’est aussi l’occasion pour elle de glaner quelques pépites spirituelles qui l’accompagneront tout au long de l’année dans sa mission d’assistante pastorale. «Un chanoine, qui est devenu évêque en Valais, nous avait un jour parlé du pain. ›Le pain d’hier est rassis, celui de demain n’est pas cuit. Il faut manger le pain d’aujourd’hui». Une petite formule, comme une boussole, qui l’aide à préserver l’instant présent à l’heure où se bousculent «toutes les choses à faire» de la rentrée.
La parabole de la vie
Une vingtaine de dossiers attendent Monique et Pascal Dorsaz sur leur petit bureau de l’avenue de Grancy à Lausanne. Point de réelle transition entre leurs 39 jours de pèlerinage estival et leur engagement pastoral au service des adultes et des familles dans le canton de Vaud. Le couple a achevé il y a une petite semaine le deuxième tronçon de la Via Francigena. Après avoir relié Saint-Maurice à Rome, l’année passée, ils viennent d’effectuer la première partie du chemin: de Canterbury à Saint-Maurice, où ils ont élu domicile.
«C’est un peu différent de marcher vers Rome ou vers la maison. Le but ne revêt pas la même importance», confie Pascal, avant de relativiser un peu: «Au fond, ce n’est pas l’arrivée qui compte, mais plutôt le chemin». Tout y devient plus léger. «On apprend à agir en fonction de la réalité qui s’offre à nous, reprend Monique. On aimerait bien sécher nos chaussettes le soir, parce qu’il a plu toute la journée et on ne peut pas. On cherche une boulangerie sur le chemin quand la faim se fait sentir. Arrivé sur place, après quelques heures de marche, on s’aperçoit qu’elle est fermée le mercredi. Et c’est justement mercredi…»
Mais il y a aussi les «petites rencontres providentielles». Un boulanger ambulant, un marcheur qui indique le chemin, un musicien qui interprète un Ave Maria de Schubert dans une chapelle perdue. «Avec un petit effet jazzy», tient à préciser Pascal, encore ému. Le trompettiste enterrait son père l’après-midi. «Tous les trois, nous avons eu un bel échange sur le sens de la vie, sur notre démarche de pèlerinage. Peut-être, entreprendra-t-il quelque chose de similaire bientôt».
Pour Monique et Pascal, renouer avec le quotidien n’implique pas de profondes réformes pour préserver l’expérience vécue sur la Via Francigena. Il s’agira d’entretenir de nouvelles amitiés et, surtout, de se souvenir que le pèlerinage est une très belle parabole de ce qu’est la vie. «Nous sommes en chemin. Les joies et les épreuves s’alternent sans que nous les choisissions. Mais nous allons de l’avant lentement avec la liberté d’être présents à ce que nous faisons, pauvres, vulnérables et accueillants.» (cath.ch/pp)