A la mode des sacristies 2/2
La présentation générale du missel romain de 2002 attribue deux rôles aux habits liturgiques. Ils doivent être le signe de la fonction propre à chaque ministre et ils doivent contribuer à la beauté de l’action liturgique. Selon les directives romaines, il convient que les vêtements liturgiques soient bénis avant de servir, selon un rite spécifique.
Le texte ne donne pas d’indication quant leur confection et leur apparence pourvu qu’ils «conviennent à la dignité de l’action sacrée». Le missel précise cependant que «la beauté et la noblesse du vêtement ne doit pas tenir à l’abondance des ornements surajoutés, mais à la matière employée et à sa forme.»
Le missel romain décrit cinq vêtements liturgiques différents.
L’aube est le vêtement de base. Il s’agit d’une tunique blanche descendant jusqu’aux pieds serrée ou non à la taille par un cordon. A noter que les ministres laïcs (lecteurs, acolytes, chantres, etc.) peuvent également la porter.
L’étole est portée par dessus l’aube, autour du cou par le prêtre, en sautoir par le diacre. Il s’agit d’une bande de tissu plus ou moins large et décorée. Sa couleur est celle de la liturgie du jour. Son origine remonte à l‘orarium romain, sorte de serviette que les dignitaires tenaient en main pour s’éponger le visage. Devenue insigne honorifique, réduite et stylisée, cette serviette s’est transformée en étole.
La chasuble est le vêtement de dessus propre au prêtre célébrant la messe. Du latin ‘casula’ petite maison, elle dérive du manteau antique que l’on enfilait par la tête. De forme et de style variés, elle correspond à l’une des cinq couleurs liturgiques.
La dalmatique est le vêtement de dessus du diacre. De forme rectangulaire, elle est analogue à la chasuble du prêtre.
La chape ou pluvial enfin est un manteau ample et sans manches avec un capuchon, retenu sur le devant par une broche, que le prêtre porte pour certains offices solennels en dehors de la messe, comme des bénédictions ou la Fête-Dieu. Sa taille permet souvent une décoration plus somptueuse. (Les Eglises orientales ne connaissent pas la chasuble mais uniquement la chape, ndlr).
Symbolique
La codification du vêtement liturgique au Moyen Age s’accompagne aussi d’une charge symbolique. Le vêtement utilitaire se sacralise. Chaque élément du costume revêt une signification en lien avec les vertus chrétiennes. La blancheur de l’aube remonte au Nouveau Testament. Elle évoque la résurrection et la vie nouvelle des baptisés dans le Christ. Le vêtement blanc convient au nouveau baptisé, au premier communiant, à la jeune mariée. Il marque la joie et l’innocence.
Le cordon qui serre l’aube est le signe du service. Il indique eu celui qui le porte est ‘ceinturé’ par Dieu. Pour le prêtre il est le symbole de la chasteté à préserver.
L’étole représente le joug du Seigneur ou encore le vêtement perdu par Adam et Eve et retrouvé.
La chasuble symbolise la charité. Dans sa forme ronde et enveloppante certains commentateurs voient une image cosmique. En la revêtant, le prêtre prie pour tout l’univers.
Les liturgistes du Moyen Age s’accordent à voir figurer dans la chape une représentation de la résurrection à venir et de la joie du ciel.
La mode dernier cri
Tout au long de l’histoire de l’Eglise, les modes liturgiques ont beaucoup varié selon les lieux, les époques et les personnes. Artisans et artistes ont rivalisé d’imagination et de savoir-faire pour satisfaire leurs commanditaires ecclésiastiques. De très nombreux musées possèdent une section d’ornements liturgiques des diverses époques. Les changements de la mode et la sécularisation font qu’aujourd’hui on en retrouve en grand nombre sur les sites de vente en ligne… ou dispersés aux enchères.
Quelques exemples emblématiques de la production de vêtements liturgiques:
La chape de Jean Paul II pour le Jubilé de l’an 2000
La chape avec laquelle le pape Jean-Paul II a ouvert la Porte Sainte lors du Jubilé de l’an 2000 avait suscité à l’époque la controverse. Ses concepteurs, le Père Stefano Zanella et Gianluca Scatto, costumier de théâtre, ont voulu représenter «sept cents grammes de feu, d’or et de sang». Son tissu damassé, fabriqué dans une usine de Prato, en Toscane, est fait d’une fibre ultramoderne de fils de polyester métallisés, le lurex.
Les deux stylistes ont conçu «une nouvelle approche des vêtements liturgiques, suivant la tendance marquée par l’Eglise à se réconcilier avec l’art sacré et les artistes, tout en s’éloignant du minimalisme austère de ces 40 dernières années. Il s’agit d’établir un nouveau rapport avec l’art, avec l’esthétique et avec le monde contemporain, sans renoncer à l’or ni à la revalorisation de la foi par l’image et la beauté visuelle», avaient-ils expliqué. Nombre de critiques avaient au contraire dénoncé un luxe ostentatoire sur les épaules d’un pape vieilli.
Les chasubles Art-déco de saint Wandrille
Dès les années 1920, naît en Europe un mouvement pour le renouveau artistique dans les églises. Il touche non seulement l’art et l’architecture mais aussi les objets et les vêtements liturgiques. Dans cet élan, l’atelier de l’abbaye bénédictine de Saint-Wandrille en Normandie, va jouer un rôle important. Ses réalisations des années trente à cinquante traduisent à la fois le rejet du pastiche, le choix de formes épurées et modernes ainsi que le souci de la beauté des matériaux. La tension entre le refus des richesses excessives et celui d’un caractère commun ou grossier est patente. Innovantes quant aux formes inspirées de l’art déco, les chasubles de saint-Wandrille le sont aussi par l’utilisation des fibres artificielles récemment inventées telle que la rayonne ou la viscose.
Dentelles et colifichets pour le cardinal Burke
A l’instar des traditionalistes, le cardinal Ramond Burke est resté attaché à la tenue des évêques du XVIIIe siècle. Surplis de dentelle sur une soutane rouge, chasuble ‘violon’ en soie de style baroque portée sur la dalmatique, haute mitre décorée de type ‘obus’. Pour cette célébration, il ne portait cependant pas les gants épiscopaux rouges.
Les chasubles de Matisse
Au moment où il conçoit la décoration de la chapelle des dominicaines de Vence, Henri Matisse imagine aussi une série de vêtements liturgiques. «En 1952 quand j’ai vu Matisse pour la dernière fois dans son atelier de Nice, témoigne Alfred H. Barr, Directeur du Museum of Modern Art de New York, il y avait une vingtaine de maquettes de chasubles étalées sur le mur comme des papillons géants. Je comprends facilement l’enthousiasme de Picasso. Elles me parurent compter parmi les œuvres les plus pures et les plus rayonnantes crées par Matisse.»
La sobriété du pape François
Après Jean Paul II plutôt ouvert aux créations contemporaines en matière d’habits liturgiques (on se souvient des chasubles des JMJ de Paris en 1998 réalisées par le couturier Castelbajac ndlr) et un Benoît XVI marqué par le goût baroque de sa Bavière natale, le pape François n’a absolument rien d’une ‘fashion victime’. Il adopte un style dépouillé. Amples chasubles unies presque sans décors ni broderies, souvent les mêmes, parfois une simple étole unie sur sa soutane blanche, le pontife argentin semble peu attaché à son apparence extérieure. Une simplicité que l’on retrouve dans sa manière de célébrer et de prêcher
Violon ou gothique?
A l’origine, la chasuble a une forme circulaire (dans certaines régions on l’appelle planeta) qui enrobe entièrement le prêtre et qu’il relève sur ses bras pour célébrer la messe . Mais à partir du XVIe siècle, à force de l’enrichir de parements et de broderies de fils précieux, le tissu devient trop épais et la pliure est impossible. Pour rendre utilisable ce vêtement incommode, on échancre les côtés en les retaillant dans une forme étroite de casaque rectangulaire à deux pans. Au XVIIe et XVIIIe siècle, on arrive ainsi à la chasuble romaine dite ‘violon’ par allusion à sa forme cintrée évoquant celle de l’instrument de musique.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, des évêques, notamment celui de Moulins, pour la France, prône un retour à la forme antérieure circulaire que l’on appellera gothique puisqu’elle remonte au Moyen-Age. Aujourd’hui, cette forme est très largement répandue. Il n’y a guère que les milieux traditionalistes qui ont conservé la forme violon.
La Chine, la fabrique du monde
Le site chinois Alibaba propose de confectionner des chasubles de divers style pour un prix unitaire défiant toute concurrence d’une vingtaine de dollars pour une commande de 50 pièces
"La messe n'entre pas dans la logique du spectacle", rappelait il y a peu le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin à propos de la diffusion des liturgies sur écran. Il n'empêche que les célébrations constituent bien des mises en scène. Décrié par certains, envié par d'autres, le faste liturgique fait partie de l'identité catholique. Les vêtements liturgiques participent grandement à ce cérémonial.