Le pape à Bologne: ne pas placer la «logique du profit» avant la solidarité

Devant les délégués du monde du travail, les chômeurs, les représentants d’entreprises, de syndicats et de coopératives réunis dimanche 1er octobre 2017 sur la Piazza Maggiore, la Grand Place de Bologne, le pape François a appelé à ne pas placer la «logique du profit» avant la solidarité. Le pontife s’est rendu dans le chef-lieu de la région d’Emilie-Romagne le 1er octobre 2017, en visite pastorale à l’occasion du Congrès eucharistique diocésain.

La crise économique est avant tout, pour le pape François, éthique, spirituelle et humaine. A sa racine se trouve «une trahison du bien commun» tant par les individus que par les groupes de pouvoir, a-t-il affirmé devant la foule rassemblée sous un ciel grisâtre.

Il n’y qu’ensemble qu’il est possible de bâtir un futur

Pour y pallier, le pape a exhorté à ne jamais placer «la logique du profit» avant la solidarité, au risque de «voler» cette dernière aux plus fragiles. Chercher une société plus juste n’est pas un rêve du passé, mais un engagement qui a besoin aujourd’hui de tous, a-t-il expliqué.

Les Bolognais, bien qu’issus de classes sociales diverses «souvent opposées les unes aux autres», ont appris qu’il n’y qu’ensemble qu’il est possible de bâtir un futur.

Croissance du nombre de chômeurs

C’est à Bologne que s’est développée l’expérience coopérative, une longue tradition présente en Emilie-Romagne, et particulièrement dans cette ville, de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au début des années 1970. Cette expérience est née de la «valeur fondamentale de la solidarité». Aujourd’hui celle-ci a encore beaucoup à offrir afin d’aider tant de personnes en difficulté.

Avec ses 390’000 habitants, Bologne est une des principales villes d’Italie, la troisième en termes de croissance économique, après Rome et Milan. La ville connaît cependant, depuis la crise économique de 2008, une croissance du nombre de chômeurs.

Trahison du bien commun

«La crise économique une dimension européenne et globale», a encore affirmé le pape. Aux racines de cette crise, se trouve une «trahison du bien commun, de la part des individus et des groupes de pouvoir», a martelé François. «Il est donc nécessaire d’enlever la centralité à la loi du profit et de l’assigner à la personne, et au bien commun», a déclaré le pape sous les applaudissements.

Après son intervention le pape a récité la prière de l’Angélus puis a rappelé la béatification, ce dimanche 1er octobre à Bratislava, en Slovaquie, du Père Titus Zeman (1915-1969). Le témoignage de ce prêtre salésien, a-t-il souligné, «nous soutient dans les moments les plus difficiles de la vie et nous aide à reconnaître, également dans les épreuves, la présence du Seigneur». Victime de persécutions menées par le régime communiste de Tchécoslovaquie contre le clergé catholique, le Père Zeman et mort de maladie après être resté douze ans en prison.

Offrir de la sympathie et de l’amitié

Le pape François s’est ensuite rendu à un déjeuner avec des personnes en situation de pauvreté dans la basilique de San Petronio. «La charité n’est jamais à sens unique», leur a-t-il déclaré, chacun donne et reçoit quelque chose.

Ce «pain d’amour que nous partageons, portez-le, vous aussi, à d’autres», a incité le pontife: offrir de la sympathie et de l’amitié, c’est l’engagement que «nous pouvons tous prendre». Après le repas, le pape François a prononcé un discours improvisé devant les prêtres, religieux, et séminaristes du diocèse.

Parmi les délégations saluées par le pape, plusieurs parents et familles des victimes de l’attentat de la gare de Bologne, le 2 août 1980. Cet attentat du «terrorisme noir», le plus meurtrier des «années de plomb» en Italie, fut l’œuvre d’un groupuscule fasciste d’extrême-droite, dans le cadre d’un complot mêlant services de renseignement militaire et loge P2. Il fit 85 morts et quelque 200 blessés.

Le pape François en visite dans un centre de migrants

Auparavant, le pape s’était rendu à Cesena, à l’occasion des 300 ans de la naissance du pape Pie VI, où il a rencontré les habitants sur la Piazza del Popolo, puis des représentants du clergé, des jeunes et des familles dans la cathédrale. Il s’est ensuite rendu à Bologne pour une visite pastorale à l’occasion du Congrès eucharistique diocésain et il a rencontré les réfugiés dans un ›hub’ régional de migrants débarqués sur les côtes italiennes.

L’intégration des migrants commence par la connaissance, avait alors affirmé le pape François. «Beaucoup ne vous connaissent pas et ont peur», a déclaré le pape François après avoir passé une heure à saluer un par un les migrants présents. «Cela leur donne le droit de juger», croyant «voir clair». Mais l’on ne voit bien qu’avec la proximité de la miséricorde. «Sans elle, l’autre reste un étranger, voire un ennemi», a-t-il déploré.

L’intégration commence donc par la connaissance, a souligné le pontife. Le contact avec l’autre conduit à «découvrir le secret que chacun porte en lui et le don qu’il représente». Cela permet son insertion dans sa nouvelle communauté.

Bologne, première ville à abolir l’esclavage

Le pape François a ensuite appelé à ce que de nombreux pays adoptent des programmes en faveur de l’accueil des migrants et ouvrent des couloirs humanitaires. «De telles mesures permettraient d’éviter des attentes insupportables», a-t-il considéré. Bologne a été la première ville d’Europe à libérer ses esclaves, a expliqué le successeur de Pierre, faisant référence au Liber Paradisus,  un texte de loi adopté par la cité en 1256.

Ils étaient alors 5’855, a-t-il rappelé. «Le nom de chacun d’entre eux a été écrit» sur le document, s’est-il réjoui. «Comme j’aimerais que vos noms soient également inscrits» quelque part, a confié le pontife, pour trouver ensemble — comme à l’époque — un avenir commun.

Prière pour les réfugiés disparus en mer

Au milieu de son discours, le pape a demandé un instant de silence et de prière pour ceux qui ont disparu en tentant de rejoindre l’Europe. Il a ensuite rejoint la Grand-Place de la ville pour une rencontre avec des représentants du monde du travail et pour prononcer l’Angélus.

A son arrivée à Bologne, le pape avait notamment été accueilli par Mgr Matteo Maria Zuppi, l’archevêque de la ville très engagé auprès des plus pauvres et des migrants, Stefano Bonaccini, président de la région d’Emilie-Romagne, Matteo Piantedosi, préfet de Bologne, ainsi que le maire, Virginio Merola.  (cath.ch/imedia/ah/radvat/be)

 

octobre 2017
1 octobre 2017 | 17:03
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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