Le pape François a été reçu dans la cour du palais royal d''al Shakir au Barheïn | © Hugues Lefèvre I-Media
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À Bahreïn, le pape François en 'semeur de paix'

C’est en « semeur de paix » que le pape François a confié venir à Bahreïn lors de son premier discours prononcé devant les autorités du pays réunies au palais d’al-Sakhir, le 3 novembre 2022.

Condamnant fermement la guerre au Yémen, un conflit où s’affrontent les puissances chiites et sunnites, le pape François a par ailleurs plaidé pour le respect des Droits de l’homme alors que le royaume de Bahreïn est sous le feu des critiques d’ONG qui accusent le régime sunnite de discriminer la population chiite. Évoquant la crise environnementale, le pape François a aussi lancé un appel pour la dignité des travailleurs dans cette région du monde où des millions d’étrangers sont employés.

C’est un discours exigeant et dense que le pape François a prononcé dans la cour du palais royal d’al-Sakhir, un complexe majestueux construit au début du siècle XXe siècle au beau milieu de cette île désertique coincée entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Devant le roi Hamed ben Issa Al Khalifa et les autres autorités du pays, les membres de la société civile et du corps diplomatique, le pontife de 85 ans a d’abord salué la « mosaïque originale » que forme le petit État du Golfe. Une terre où « d’imposants gratte-ciel côtoient les marchés traditionnels orientaux », a-t-il relevé, faisant aussi allusion à « l’Arbre de vie », cet acacia vieux de plusieurs siècles devenu l’emblème du pays.

Pour une liberté religieuse complète

Le secret de sa longévité viendrait de « ses racines » qui s’étendent à plusieurs dizaines de mètres, a rapporté le pape, indiquant que Bahreïn a toujours été un lieu de rencontre entre les peuples. « Voilà l’eau vitale à laquelle puisent encore aujourd’hui les racines du Bahreïn », a-t-il lancé, louant la diversité ethnique et religieuse de ce pays du Golfe dont la moitié de la population vient de l’étranger.

Mais en incitant les Bahreïnis à cultiver « l’esprit de village » que la mondialisation n’a pas encore su mettre en œuvre, le chef de l’Église catholique a aussi tenu à rappeler formellement les principes contenus dans la Constitution du royaume.

« Il n’y a aucune discrimination sur la base du sexe, de l’origine, de la langue, de la religion ou des opinions », a-t-il cité, expliquant que les engagements de cette Constitution doivent être « constamment mis en pratique » afin que « la liberté religieuse soit totale », « que l’égale dignité et l’égalité des chances soient concrètement reconnues à chaque groupe et à chaque personne », « qu’il n’y ait pas de discrimination et que les droits humains fondamentaux ne soient pas violés, mais promus ».

Des paroles fortes qui peuvent être interprétées comme une réponse aux nombreuses alertes d’ONG émises en amont du voyage papal portant sur des discriminations pratiquées par le régime sunnite à l’encontre de la communauté chiite, pourtant majoritaire à Bahreïn. Amnesty International notamment dénonçait il y a quelques jours la détention de prisonniers politiques chiites ainsi qu’ « une répression systématique de la liberté d’expression ». L’ONG demandait au pape de « braquer les projecteurs sur les violations des droits de l’homme dans ce pays ».

Le Yémen « martyrisé »

Autre moment fort du discours du pape : sa condamnation sans appel de la guerre au Yémen, un conflit qui dure depuis 2014 et dans lequel le Bahreïn, allié de l’Arabie saoudite, est partie prenante. « J’adresse une pensée spéciale et sincère au Yémen, martyrisé par une guerre oubliée qui, comme toute guerre, ne conduit à aucune victoire, mais seulement à de cuisantes défaites pour tous », a martelé le pape, portant dans sa prière les civils, les enfants, les personnes âgées et les malades.

Lors du premier voyage du pape dans le Golfe, quand il avait visité les Émirats arabes unis en février 2019 à l’occasion de la signature du Document sur la fraternité humaine avec le Grand Imam d’al-Azhar, Ahmed al-Tayyeb, le pontife avait déjà cité le Yémen dans son discours. Il l’avait donné, aux côtés de la Libye, de l’Irak et de la Syrie, comme un des exemples des effets néfastes de l’approbation de conflits par des autorités religieuses.

Interrogé dans l’avion du retour des Émirats arabes unis par un journaliste, le pape avait affirmé avoir ressenti du côté émirati de la « bonne volonté pour lancer des processus de paix » concernant le Yémen. Aucun processus de paix n’a cependant été initié depuis lors.

Dans le sillage de ses nombreuses interventions sur la guerre en Ukraine ou bien de son encyclique Fratelli tutti, le pape a de nouveau proposé de « transformer les dépenses militaires massives en investissements pour lutter contre la faim, le manque de soins, de santé et d’éducation ».

L’environnement et le sort des travailleurs

Dans ce royaume qui a fait fortune grâce à l’exploitation de ses gigantesques ressources en hydrocarbures, François n’a pas omis d’évoquer l’environnement. L’auteur de l’encyclique Laudato si’ s’est attristé devant les écosystèmes « dévastés » et les mers « polluées » par « l’insatiable avidité de l’homme ».

Mentionnant la prochaine COP 27 qui s’ouvrira le 6 novembre en Egypte, le pape a exhorté chacun à ne pas se lasser « d’œuvrer en faveur de cette urgence dramatique » en posant des choix « concrets et clairvoyants […] avant qu’il ne soit trop tard ».

Déplorant par ailleurs « l’urgence de la crise mondiale du travail », il a pointé du doigt le fléau du chômage mais aussi celui du travail qui « asservit ». « Dans les deux cas, ce n’est plus l’homme qui […] est au centre, il est réduit à un moyen pour produire de l’argent », a-t-il condamné, alors que des millions de travailleurs précaires venus essentiellement d’Asie sont aujourd’hui employés dans la Péninsule arabique.

Le pape a alors plaidé pour des « conditions de travail sûres et dignes » capables de favoriser « la vie culturelle et spirituelle ». Il a félicité Bahreïn pour avoir été le premier État du Golfe à ouvrir une école pour filles ou bien à abolir l’esclavage (en 1937). Il a enfin encouragé le royaume à être un « phare » pour la promotion des droits et des conditions équitables et meilleures pour les travailleurs dans « toute la région ». (cath.ch/imedia/cd/mp)

Le pape François a été reçu dans la cour du palais royal d''al Shakir au Barheïn | © Hugues Lefèvre I-Media
3 novembre 2022 | 16:59
par I.MEDIA
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Bahreïn (33), droits de l'homme (37), Paix (267), voyage du pape (425), Yémen (41)
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