À 87 ans, l'étonnante forme du pape François
Quelques jours après être rentré de son périple de douze jours en Asie et Océanie – le plus long voyage de son pontificat – le pape François étonne par la bonne forme qu’il affiche malgré ses 87 ans et de récents problèmes de santé.
Comme tous les mercredis, le pape François présidait ce 18 septembre 2024 l’audience générale devant des milliers de fidèles, rassemblés en cette journée ensoleillée sur la place Saint-Pierre. Arrivé en papamobile, il a défilé au milieu de la foule, souriant, s’arrêtant régulièrement pour bénir les enfants.
Dans son enseignement, il est revenu sur son long voyage en Asie-Océanie et rappelé que Paul VI, avant lui, avait lui aussi effectué un grand périple dans la même région en 1970. «Ayant quelques années de plus que lui, je me suis limité à quatre pays», a-t-il affirmé – Paul VI avait visité 9 pays en douze jours à l’âge de 73 ans.
Un pape qui rêve d’Asie
Entre le 2 et le 13 septembre, le pape François a visité l’Indonésie, la Papouasie Nouvelle-Guinée, le Timor oriental et Singapour, le plus long voyage de son pontificat avec près de 44 heures passées dans l’avion. «Ce n’est pas un voyage touristique, c’est un voyage pour porter la Parole du Seigneur […] mais aussi pour connaître l’âme des peuples», a rappelé celui qui pendant douze jours, est allé au contact des habitants des pays traversés, notamment lors d’intenses bains de foule à Dili ou à Jakarta.
«Je remercie le Seigneur qui m’a accordé de faire comme vieux pape ce que j’aurais voulu faire comme jeune jésuite», a encore affirmé le pape François lors de l’audience générale. Il a rappelé son souhait de devenir missionnaire en Asie dans sa jeunesse. Un projet mis à mal en raison d’un grave problème respiratoire survenu en 1957, qui avait failli l’emporter et avait entraîné une ablation du lobe supérieur de son poumon droit.
De nombreux problèmes de santé depuis 2021
Cet antécédent est loin d’être le seul dans l’histoire médicale du pape, notamment depuis 2021, avec pour commencer une sciatique récurrente qui le pousse à déclarer, au retour de ses trois jours de voyage en Irak, qu’il s’est «beaucoup plus» fatigué lors de ce déplacement que lors des précédents. Le 4 juillet de la même année, il est opéré pour une sténose diverticulaire symptomatique du côlon lors de laquelle on lui retire 33 cm d’intestin. Il est hospitalisé pendant dix jours. Il confiera avoir du mal à s’adapter aux traitements prescrits après l’opération.
À partir de 2022, en raison de trop fortes douleurs au genou, le pape commence à circuler en fauteuil roulant. Il doit annuler des rendez-vous en février à cause d’une gonalgie aiguë qui nécessite des injections. Depuis lors, il ne se déplace que rarement debout, et toujours avec l’aide d’une canne.
«Quand vous avez plus d’un milliard de fidèles qui compte sur vous, cela crée une dynamique et une énergie qui vont vous aider à dépasser fatigue et douleurs» – docteur Christophe de Jaeger
En juin 2022, le pontife annule un voyage en Afrique mais décide de maintenir un autre déplacement au Canada. Lors de celui-ci, pour la première fois, les horaires et itinéraires ont été aménagés pour lui permettre de se reposer et de limiter les efforts. Dans l’avion de retour du ›pays de l’érable’, il avait estimé ne plus être en mesure de faire pareil voyage, évoquant même une possible renonciation. L’incapacité à encaisser ces déplacements à longue distance avait été un des arguments principaux de la renonciation de Benoît XVI.
En 2023, le pontife est retourné à l’hôpital pour soigner une bronchite infectieuse en mars, pour se faire opérer d’une hernie intestinale avec risque d’occlusion en juin et pour un scanner des poumons en novembre. Et au début de l’année 2024, il semble avoir traîné une grippe qui l’a forcé à annuler de nombreux rendez-vous.
Un état de forme exceptionnel lors de son voyage
Avant de partir en Asie-Océanie, la grande question était donc de savoir si le pontife avait encore la force de faire un tel voyage. Mais la question de sa santé n’a même pas été posée au pape lors de la conférence en vol de retour de Singapour le 13 septembre dernier.
Lors de l’ensemble de son périple, le pape n’a jamais semblé fatigué, à l’exception peut-être de la messe à Dili, en raison de la chaleur intense qui régnait sur l’esplanade de Tasi Tolu. Certes, son agenda avait été aménagé pour lui laisser le temps de se reposer, notamment à son arrivée à Jakarta et à Port Moresby où il a pu bénéficier d’une demi-journée et d’une nuit sans le moindre engagement.
Énergisé par les prières?
«J’imagine que le pape François a ressenti de la fatigue, mais c’est vrai qu’il l’a très peu montrée lors de son voyage», confie à l’agence I.MEDIA un membre de la Curie romaine qui l’a accompagné pendant ces douze jours. La source le décrit comme galvanisé par l’événement. Pour ce prêtre, la surprenante santé du pontife a aussi une explication d’ordre spirituel. Il rappelle que depuis le début du pontificat, le pape François ne manque jamais de demander aux personnes qu’il rencontre de prier pour lui. Il note que les communautés catholiques des pays au programme du voyage, inquiètes de la possibilité de voir le pontife annuler sa venue, ont particulièrement honoré cette demande en amont du périple.
Stimulé psychologiquement
«On ne peut que rester admiratif devant la force de cet homme», commente le docteur Christophe de Jaeger, gérontologue et président de la Société française de médecine et physiologie de la longévité. Pour lui, il est tout à fait possible de voyager à un âge très avancé, mais le déploiement d’énergie du pape peut s’expliquer par le rôle et la fonction qu’il occupe.
«Son agenda est très chargé dans les prochaines semaines»
«Quand vous avez plus d’un milliard de fidèles qui compte sur vous, cela crée une dynamique et une énergie qui vont l’aider à dépasser fatigue et douleurs», assure le médecin français. Conscient et habité par ces attentes, le pontife serait alors «stimulé psychologiquement» par le voyage.
Le docteur de Jaeger met cependant en garde contre un éventuel contre-coup après des voyages, et ceci d’autant plus qu’ils peuvent être longs et fréquents, dans ce genre de cas de figure. Il serait encore plus fort, estime-t-il, si la stimulation du pontife était aussi liée à d’éventuels traitements, par exemple la cortisone qui a cet effet en plus d’être un puissant anti-inflammatoire.
«Il y a un pilote à bord, on avance!»
Pour l’heure, le pape, qui aime affirmer «qu’il n’y a pas de paresseux» au Vatican, a repris son travail dès le lendemain de son retour en recevant un groupe de religieux théatins. Lundi, il a impressionné tous les vaticanistes avec neuf rendez-vous à l’agenda officiel dans la matinée, dont une rencontre avec un responsable de la mission de Hong Kong, le bureau qui est chargé des relations avec la Chine.
Son agenda est très chargé dans les prochaines semaines. D’abord avec un voyage en Belgique et au Luxembourg, puis avec le Synode sur la synodalité qui occupera tout le mois d’octobre. «À la veille de la deuxième assemblée synodale, c’est un message fort de la part du pape: il y a un pilote à bord, on avance!», analyse Michel Chambon, théologien et anthropologue spécialiste du catholicisme asiatique, qui a suivi avec une grande attention le périple du pape François. (cath.ch/imedia/cd/rz)