Mgr Fisichella: «A Assise, le pape écoutera les pauvres»
Le 12 novembre 2021 le pape François rencontre 500 pauvres venus de toute l’Europe à Assise, dans le contexte de la 5ème Journée mondiale des pauvres, qui se tiendra dimanche, 14 novembre. Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, qui organise l’évènement, explique à l’agence I.MEDIA l’importance de la rencontre qui donne au pape François l’opportunité d’écouter, de prier et d’être avec les pauvres.
Qu’attendez-vous de cette rencontre?
Rino Fisichella: Pour le pape François, la rencontre d’Assise se veut comme un grand moment d’écoute des pauvres. C’est le sens le plus profond qui l’amène encore une fois sur la terre de saint François d’Assise: écouter l’expérience que les pauvres lui apporteront. Il y aura des histoires de la vie quotidienne, des expériences de souffrance, des expériences d’espoir aussi, et le pape écoutera. Je crois que c’est le premier élément et le premier désir du pape François.
Nous pensons souvent que les pauvres sont des chiffres, des statistiques, mais ce n’est pas le cas. Les pauvres sont des personnes qui ont une vie, une histoire, une expérience. Les écouter est une provocation, un stimulus, pour essayer de donner des réponses concrètes, surtout en regardant vers l’avenir.
Lors des autres voyages du pape François à Assise, il a souvent rencontré des pauvres. Qu’y a-t-il de particulier dans cette prochaine rencontre?
Je crois qu’il n’y a rien de particulier qui puisse faire la Une des journaux. Les pauvres ne font d’ailleurs pas la Une des journaux. Mais si les pauvres rencontrent le pape, alors d’un coup cela devient une nouvelle, qui peut amener beaucoup de gens à réfléchir.
«Se rendre à la Portioncule n’est pas seulement une rencontre mais aussi une provocation à toujours partir des pauvres pour renouveler le visage de l’Église»
Le pape ne rencontrera qu’un petit groupe de pauvres, car les dispositions contre le Covid-19 nous obligent encore à respecter les distances et donc à ne devoir occuper qu’un tiers de la capacité de Santa Maria degli Angeli, pourtant très grande. Il n’y aura que 500 pauvres, mais ils seront le symbole, ils seront les représentants de ces millions de pauvres qui n’ont pas de voix, qui ne peuvent faire entendre leur cri d’espoir. Certains d’entre eux deviendront la voix de tous, et c’est ça l’important.
Une autre chose importante est qu’ils prieront ensemble. Une fois qu’il aura écouté les pauvres, le pape priera avec eux, car c’est notre façon de vivre: l’écoute et la prière, qui deviennent ensuite une aide concrète et une solidarité.
Pourquoi avez-vous choisi d’organiser cette rencontre à Assise?
Cette année est le cinquième anniversaire de la Journée mondiale des pauvres: c’est donc un moment de la vie de l’Église qui commence à devenir, disons, une tradition. Aller à Assise signifiait en quelque sorte faire un pèlerinage, un pèlerinage que finalement tous les pauvres feront, ensemble avec le pape François. Il y aura des pauvres venant de France, d’Espagne, de Pologne et de Belgique, et ils seront accompagnés par l’association Fratello. Il y aura aussi les pauvres qui viendront de tous les diocèses d’Ombrie et puis aussi du diocèse du pape, de Rome, pour partager avec tous la même expérience de solidarité et de foi.
Assise est donc devenue le point le plus significatif pour célébrer et se souvenir d’un anniversaire comme celui des cinq premières années. Assise devient une fois de plus une ville spéciale, car Assise est une ville spéciale. C’est la ville de saint François, qui est le père des pauvres, celui qui a partagé toute sa vie avec les pauvres. Et notamment à la Portioncule où le pape se rendra demain.
«Je pense que l’Église a toujours vécu avec les pauvres»
À la Portioncule, saint François avait l’habitude de rassembler non seulement ses frères, mais aussi les pauvres qui venaient lui rendre visite et vivre avec lui. C’est un lieu où on peut commencer à reconstruire. Pour saint François, la Portioncule était la réalisation de cette image, de ce rêve qu’il avait reçu de Dieu lui demandant de rebâtir son Église; seulement, le Seigneur ne lui demandait pas une église faite de briques, mais une église faite de pierres vivantes. Se rendre à la Portioncule n’est donc pas seulement une rencontre mais aussi une provocation à toujours partir des pauvres pour renouveler le visage de l’Église dans le monde d’aujourd’hui.
Pourquoi cette réunion a-t-elle lieu demain et non le 14 novembre, jour officiel de la Journée mondiale des pauvres?
La réunion aura lieu demain car la Journée mondiale des pauvres est toujours célébrée le dimanche et le pape, en tant qu’évêque de Rome, tient beaucoup à célébrer cette journée dans son diocèse. Mais ces dernières années, il y a eu des vendredis de la miséricorde, et le geste de demain peut vraiment être considéré comme un vendredi de la miséricorde qui s’ajoute à ceux que le pape a vécus ces dernières années.
Huit ans après le début de son pontificat, pensez-vous que le pape François a réussi à amener l’Église aux périphéries?
Je pense que l’Église a toujours vécu avec les pauvres. Les événements de 2000 ans de notre histoire ont certainement eu leurs hauts et leurs bas, mais l’Église n’a jamais oublié les pauvres. L’Église a toujours vécu une expérience de vie particulière avec différentes formes de pauvreté. C’est l’histoire de l’Église, et c’est l’histoire de tant de saints qui, dans différentes parties du monde, à un moment donné de leur vie, ont senti qu’ils devaient consacrer leur vie aux pauvres. C’est comme ça qu’on a eu Camille de Lellis, Jean-Baptiste de La Salle, Mère Teresa, etc. C’est ainsi que nous avons eu tant d’hommes et de femmes de tout âge qui ont ressenti le besoin de consacrer leur vie aux plus démunis.
Le pape François a également fait des pauvres un point emblématique de son pontificat. Il a voulu souligner, d’abord par son nom, l’importance de cette présence dans la vie de l’Église, surtout parce que nous vivons dans une culture qui conduit souvent à mépriser les pauvres, à les rendre responsables et coupables de leur pauvreté. C’est faux, c’est injuste pour eux, et c’est pourquoi je crois que l’appel fort du pape à regarder les périphéries part aussi de la conscience que nous devons être au centre.
Les périphéries sont déterminées par le fait qu’il existe un centre. Le centre est le cœur, le cœur de la vie, de l’Église palpitante, c’est le Jésus pauvre qui s’est identifié avec les pauvres. C’est pourquoi nous sommes invités, à partir de cette pauvreté originelle que le Fils de Dieu a vécue dans sa propre vie, à aller vers les périphéries et ainsi à prendre en charge le cri de justice, le cri de solidarité qui vient de millions de personnes. (cath.ch/imedia/ic/rz)