500 pages pour approcher un saint aux multiples visages

Suisse romande: «Autour de saint Maurice, politique société et construction identitaire»

St-Maurice, 20 décembre 2012 (Apic) Blanc ou noir, cavalier ou fantassin, officier rebelle ou loyal, patron des teinturiers et des gardes suisses… l’image de saint Maurice est paradoxale. Elle évolue constamment selon les époques ou les régions, mais fascine toujours autant comme le montre la publication des actes du colloque réuni sur le sujet à Besançon et à St-Maurice. en 2009. Pas moins de 39 chercheurs de diverses disciplines ont contribué à cet imposant ouvrage de 522 pages, présenté le 20 décembre 2012 à St-Maurice.

L’histoire de saint Maurice est une ’légende’ au sens étymologique du terme, c’est-à-dire ’qui doit être lue’, a relevé l’Abbé Joseph Roduit. Autour d’une histoire se greffent de nombreux éléments moins sûrs, mais le noyau acquiert une certitude toujours plus forte au fur et à mesure que la recherche historique, archéologique et scientifique se développe. Il y a bien eu à l’origine le martyre d’un grand nombre de personnes à Agaune au IIIe siècle, souligne le Père Abbé de St-Maurice.

Un personnage constamment ’remis au goût du jour’

Plus que de se concentrer sur l’authenticité du martyre de Maurice et de ses compagnons, les chercheurs se sont attachés à donner un éclairage sur des aspects moins connus comme l’héraldique, la musique ou la symbolique des représentations, a relevé Nicole Brocard, une des coordinatrices de l’ouvrage. Car le personnage de saint Maurice a été constamment ’remis au goût du jour’.

Les sources ne s’accordent déjà pas sur les raisons du martyr. Pour les uns, les soldats de la légion thébaine furent massacrés pour avoir refusé de tuer des coreligionnaires chrétiens, pour d’autres, pour avoir refusé le sacrifice à l’empereur romain. Saint Maurice est ainsi soit le prototype du soldat loyal et fidèle, soit le modèle d’un insoumis qui place sa conscience au dessus de son devoir.

Depuis l’époque burgonde qui vit la naissance du culte de saint Maurice au Ve siècle, son image reste quasi permanente au cours des siècles des bords de la Méditerranée à la Baltique. On le retrouve non seulement dans les innombrables églises, mais aussi sur des monuments aux morts de la guerre de 1914-1918 au coeur de la France laïque et républicaine. Sa capacité va même jusqu’à changer de race ! Il est représenté tantôt en chevalier teuton, tantôt en Africain aux traits typiquement négroïdes. Ce passage du blanc au noir lui vaut d’ailleurs d’être le patron des teinturiers !

Saint Maurice toujours plus populaire en Egypte

Le renom du saint est évidemment associé de près à l’abbaye fondée sur le lieu de son martyre et qui porte son nom. Au cours de ses 1500 ans d’histoire, elle n’a cessé d’en recueillir et d’en distribuer les fruits. «Récemment encore, nous avons offert des reliques pour la construction d’une église dans la ville de Louxor en Haute-Egypte», note l’Abbé Roduit. Selon lui, le culte du saint connaît aujourd’hui un essor remarquable dans sa patrie d’origine, où les chrétiens subissent des persécutions récurrentes.

De nombreux saints secondaires ont été associés à saint Maurice et à la légion Thébaine. En plus d’Ours et Victor à Soleure, Felix et Régula à Zurich, Vérène du côté de Bâle, on en connaît de nombreux autres en Franche-Comté, en Savoie ou en Allemagne. Les habitants de certains villages du Piémont continuent à se considérer comme des descendants des survivants de la légion thébaine, raconte l’archiviste Françoise Vanotti. De fait, on rencontre saint Maurice à ’tous les coins de rue’. Mais dans chacune de ces histoires et de ces légendes, il y a un fond bien réel : celui du rapport de l’homme à sa conscience et à la transcendance. Tout le monde revendique une petite part de saint Maurice.

«Autour de saint Maurice. Actes du colloque Politique, société et construction identitaire. Textes réunis par Nicole Brocard, Françoise Vanotti et Anne Wagner. Fondation des archives historiques de l’Abbaye de Saint-Maurice, 2012, 522 pages (www.stmaurice.ch)

(apic/mp)

20 décembre 2012 | 15:52
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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