50 ans de la FSSPX: dans le sillon de Mgr Marcel Lefebvre
Par Maurice Page et Bernard Litzler
Pour son demi-siècle d’existence, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) – séparée de Rome depuis 1988 – est revenue à Fribourg, le 5 octobre 2019. Parties en procession de Notre-Dame de Bourguillon, 500 personnes ont suivi en l’église Saint-Maurice la messe traditionaliste, célébrée par Mgr Bernard Tissier de Mallerais, compagnon de la 1ere heure de Mgr Lefebvre, qui s’est dit soucieux de sauver le «sacerdoce catholique».
Le séminaire de la Fraternité Saint-Pie X a ouvert ses portes le 13 octobre 1969 à Fribourg. Et le dimanche suivant, Mgr Marcel Lefebvre et sa petite dizaine de séminaristes partaient en pèlerinage à Notre-Dame de Bourguillon, au-dessus de la ville des Zähringen. Un demi-siècle plus tard, le 5 octobre 2019 au matin, c’est de la chapelle de ‘Marie gardienne de la foi’ qu’est partie la procession des prêtres et séminaristes, en soutane et surplis de dentelle, des religieuses en habits noirs et des fidèles de la FSSPX.
Auparavant, dans la chapelle trop petite pour les contenir, les quelque 500 membres de la Fraternité, séparée de Rome depuis 1988, ont déposé une «prière indulgenciée à Notre-Dame de Bourguillon», la priant, comme saint Pierre Canisius, d’obtenir «le triomphe de l’Eglise, la conversion des hérétiques et des pécheurs» et implorant sa puissante protection sur la Fraternité Saint-Pie X.
«Le venin du faux oecuménisme empoisonne d’innombrables âmes«
Le renouvellement de l’Acte de consécration de la FSSPX à la Vierge met en exergue la doctrine de Mgr Lefebvre: «Tandis qu’au dehors le communisme répand partout ses erreurs jusqu’à en infecter l’Eglise, c’est au sein même de celle-ci que le venin du faux œcuménisme empoisonne d’innombrables âmes». Mais «il a plu à Dieu de susciter notre Fraternité sacerdotale comme petite armée de rebâtisseurs». Puis, dit l’Acte de consécration, «conservez à l’Eglise le Sacrifice de la Messe dans son rite romain antique et vénérable» et «accordez-nous la grâce de concourir à la restauration du sacerdoce catholique».
En procession, une centaine de séminaristes et prêtres, quelque 50 religieuses et les 400 fidèles, dont beaucoup venus en famille, descendent ensuite vers l’église Saint-Maurice, en Basse-Ville, alternant les Ave et les chants en latin. La messe votive du Cœur Immaculé de Marie, présidée par Mgr Tissier de Mallerais, commence dans une église bondée. Les chants, les oraisons et les lectures, presque inaudibles, sont exclusivement en latin.
Séminaristes de la FFSPX, entre Bourguillon et l’église St-Maurice de Fribourg © Bernard Litzler Le 5 octobre 2019, l’abbé Heinrich Mörgeli invite la FFSPX à la prière en la chapelle de Notre-Dame de Bourguillon, au-dessus de Fribourg © Bernard Litzler
Sauver le sacerdoce catholique
Durant son homélie, qui s’apparente plutôt à une causerie, Mgr Tissier de Mallerais, compagnon et biographe de Mgr Marcel Lefebvre, raconte, en alternant le français et l’allemand, pendant une demi-heure, «comment la Divine Providence a suscité l’ancien archevêque de Dakar pour sauver le sacerdoce catholique».
A l’époque du Concile Vatican II, Mgr Lefebvre avait fustigé l’évolution du sacerdoce qui conduisait les prêtres à «n’être plus des ministres du Christ, offrant à l’autel le saint sacrifice de la messe, mais des assistants sociaux défendant les Droits de l’Homme et luttant contre les injustices sociales». Très soucieux de la formation des prêtres, déjà comme évêque missionnaire à Dakar, Mgr Lefebvre veut trouver un moyen de sauver la piété traditionnelle, la messe et la philosophie de saint Thomas d’Aquin.
Avec le soutien de Mgr Charrière et d’amis fribourgeois
Après plusieurs tentatives avortées, Mgr Lefebvre, qui a des contacts à l’Université et avec diverses personnalités à Fribourg, vient trouver, à l’été 1969, Mgr François Charrière, évêque de Lausanne Genève et Fribourg. Le prélat, qui le connaît pour avoir soutenu financièrement la création de missions au Sénégal, le reçoit chaleureusement. Mais il lui déconseille de placer ses séminaristes dans son propre séminaire. «La formation n’y est pas bonne, aurait dit Mgr Charrière. Trouvez une maison et ouvrez votre propre séminaire».
C’est chose faite en octobre, à la route de Marly. Mgr Marcel Lefebvre y emménage avec une dizaine de séminaristes, dont Tissier de Mallerais. «Au départ, il ne voulait pas en prendre la direction, mais il y a été contraint car le prêtre sollicité comme recteur a pris peur et n’a pas osé venir». Le premier bourgeon de ce qui deviendra en 1970 la Fraternité sacerdotale saint Pie X a éclos.
Mgr Lefevbre «a suivi cette poussée irrésistible à faire quelque chose pour sauver le sacerdoce et garder la sainte Tradition de l’Eglise, et les enseignements des papes», a conclu Mgr Tissier de Mallerais.
Exclusivement tourné vers la célébration du passé, le jubilé fribourgeois n’a aucunement évoqué l’évolution de la FSSPX, ni l’avenir de ses rapports avec l’Eglise romaine. (cath.ch/bl/mp)
50 ans d’existence, 30 ans de schisme
Assez vite le torchon brûle entre l’Eglise romaine et la Fraternité sacerdotale saint Pie X. En 1975, Mgr Pierre Mamie qui a succédé à Mgr Charrière, retire l’approbation ecclésiale à la FSSPX. Mgr Lefebvre, qui entre-temps s’est déplacé à Ecône, en Valais, continue d’ordonner des prêtres. Il est suspendu a divinis par le pape Paul VI, en 1976.
La rupture est définitivement consommée en 1988 lorsque que Mgr Lefebvre ordonne quatre évêques, malgré l’interdiction romaine. Cet acte lui vaut l’excommunication. Depuis lors, la FSSPX est considérée comme schismatique.
La communication selon la FSSPX
L’article de cath.ch annonçant la célébration du jubilé de la FSSPX dans une église catholique-romaine, mise à disposition avec l’accord de Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg a suscité un certain nombre de réactions. Aucune présence catholique officielle ne s’est manifestée durant la journée. Sollicitée par cath.ch pour s’exprimer à cette occasion, la FSSPX lui a fait la réponse suivante:
«Monsieur,
Les règles de communication avec les médias sont bien définies dans notre congrégation et Monsieur l’abbé X… n’aurait jamais dû répondre à vos questions. C’est bien naïvement qu’il vous a transmis ces informations et il n’était absolument pas dans son rôle de vous inviter à cette journée.
De plus, l’article que vous avez publié a fait naître des dissensions au sein de la paroisse qui a bien voulu nous accueillir et bien au-delà dans le diocèse. Je préfère passer sous silence toutes les difficultés que nous avons dû affronter en conséquence de votre article, sans parler du rectificatif que vous avez fait paraître par la suite.
Nous souhaitons célébrer cet anniversaire dans la paix et dans le calme: c’est un jubilé d’action de grâce et une fête pour notre congrégation. Nous voulons remercier la Providence et Notre-Dame, nous ne souhaitons ni faire de trouble et encore moins de publicité. Nous voulons également respecter notre engagement de discrétion vis-à-vis de Mgr Morerod.
Pour toutes ces raisons, la présence de la presse n’est pas souhaitable et j’espère que vous le comprenez. De plus nos prêtres sont bien occupés et n’auront pas le temps de vous accorder un entretien.
Avec mes meilleures salutations,
Abbé Thibaud Favre, prieur«
Depuis Sophocle, on tire sur le messager de mauvaises nouvelles!