30 après, les amis de Maurice Demierre, assassiné au Nicaragua, se souviennent

Il y a 30 ans, le 16 février 1986, le Bullois Maurice Demierre, 29 ans, et cinq paysannes nicaraguayennes tombaient sous les balles terroristes de la «contra». Ce groupe armé par les Etats-Unis de Ronald Reagan voulait saboter par tous les moyens les efforts du Nicaragua qui, après des décennies de dictature, cherchait à créer une société plus juste.

L’Association Maurice Demierre… et la vie continue (AMD) et ses jeunes membres organisent, en sa mémoire, une FIESTA SANS FRONTIERES sur deux week-ends, les 13 et 14 février 2016, et les 5 et 6 mars suivants.

Pas la nostalgie des «anciens combattants»

L’AMD, membre de la Fédération fribourgeoise de coopération «Fribourg-Solidaire», souhaite à cette occasion stimuler et soutenir la réflexion et l’engagement de la jeunesse. En évoquant la figure de ce jeune technicien agricole fribourgeois qui a marqué le paysage de la solidarité en Suisse romande, elle ne veut en aucun cas raviver la nostalgie des «anciens combattants», les militants des années 80 qui commencent à avoir des cheveux gris.

Ceux-là se souviennent bien des volontaires «internationalistes», victimes, avec plusieurs dizaines de milliers de Nicaraguayens, de ces bandes armées soutenues par la CIA. Parmi eux, une  vingtaine de jeunes étrangers, dont deux Suisses, Maurice Demierre et Yvan Leyvraz, un Français, Joël Fieux et un Allemand, Berndt Koberstein, assassinés en 1986.

Le Bullois travaillait au service des coopératives agricoles de la zone de Somotillo, dans le département de Chinandega, et collaborait activement, comme chrétien engagé, au mouvement des «Délégués de la Parole» du Bloc Intercommunautaire pour le Bien-Etre Chrétien (BIC-BC). La jeune génération avait certes entendu parler de l’histoire de ce coopérant suisse mort au Nicaragua, mais cela lui paraissait bien lointain…

Stimuler l’engagement solidaire de la jeunesse

«Ma sœur Eloïse et moi, nous connaissions un peu l’histoire de notre oncle Maurice, on nous avait expliqué ce qui s’était passé», explique Julie Demierre, enseignante spécialisée à Romont. Elle n’avait que deux ans quand le volontaire du mouvement chrétien ›Frères sans Frontières’ (aujourd’hui E-Changer) était assassiné avec cinq paysannes à bord de sa camionnette Toyota, à la sortie de la ville de Somotillo, près de la frontière entre le Nicaragua et le Honduras.

Le Gruyérien ramenait dans leur village un groupe de femmes et d’enfants, au retour d’un chemin de croix pour la paix et la vie. Auparavant les assassins en embuscade avaient laissé passer sans tirer un convoi militaire, préférant s’en prendre à des civils non armés…

«On savait que l’association fondée par Chantal Bianchi, la compagne de Maurice, son frère Claude Bianchi et des proches, finançait des bourses au Nicaragua pour de jeunes étudiants et soutenait des initiatives locales de production et de commercialisation de produits agro-écologiques, des actions en faveurs de jeunes et de la culture».

›Qué viva Mauricio Demierre’, du cinéaste Stéphane Goël

Mais le vrai déclic a été le film de Stéphane Goël, ›Qué viva Mauricio Demierre’. «L’AMD s’est dit: et si on amenait des jeunes pour visiter les projets que nous soutenons ? On s’est préparés pendant deux ans, et on y est allé en 2011. C’est comme ça que les jeunes s’y sont mis… »

Rejointes, pour organiser la FIESTA SANS FRONTIERES, par leur cousine Lucia Sulliger, une autre nièce de Maurice, Julie et Eloïse ont voulu dépasser le cercle des 120 membres de l’Association Maurice Demierre. Elles y associent notamment une autre militante de la solidarité, Magalie Déforel, de Vuadens. Cette enseignante a lancé, avec d’autres jeunes de la région bulloise, l’Association Kimpangi qui soutient des projets de formation pour les jeunes, notamment un atelier de menuiserie à Matadi, capitale de la province du Bas-Congo, en République démocratique du Congo.


Encadré

Concerts et débat à Ebullition

En souvenir du coopérant fribourgeois mort il y a 30 ans au Nicaragua, l’Association Maurice Demierre (AMD) organise une soirée-concerts de musique latino au Centre Culturel «Ebullition» à Bulle, samedi 13 février 2016, avec William Fierro et ses musiciens, puis avec le groupe Saraka, une joyeuse bande de musiciens amoureux de rythmes latinos, suivi du Dj Nel & Bat, pour une «Electro fiesta».  Dimanche 14 février aura lieu un échange avec le public sur le thème «Les jeunes ici et là-bas, quels élans solidaires?», suivi d’une table-ronde, puis du film de Stéphane Goël «Qué viva Mauricio Demierre (y también la revolucion)».

Le souvenir de l’engagement de Maurice Demierre a incité le comité de jeunes de l’AMD à entreprendre de nouvelles actions ces dernières années, comme la mise sur pied d’un stand d’information au Paléo Festival de Nyon en 2013 et 2014. C’est une nouvelle génération qui a rejoint l’association, après avoir visité en 2011 les projets soutenus au Nicaragua par l’AMD et rencontré les familles bénéficiaires. Les jeunes font notamment connaître le projet de construction d’une nouvelle fromagerie à La Garnacha-San Nicola, à une quinzaine de kilomètres d’Esteli, au nord du Nicaragua.

Souper de soutien et messe du souvenir

Samedi 5 mars 2016, l’AMD organise également un souper de soutien à la salle du couvent des Cordeliers, à Fribourg, en présence de l’ingénieure agronome nicaraguayenne Jehovania Torres, coordinatrice des projets de l’AMD au Nicaragua, avec une vente aux enchères en faveur du soutien à un biologiste engagé aux côté de petits agriculteurs bio à Jinotepe, au sud de la capitale Managua.

Dimanche 6 mars, à 10h en l’église Saint-Pierre-aux-Liens de Bulle, en souvenir des 30 ans de la mort de Maurice Demierre, une messe présidée par l’abbé Bernard Miserez sera animée par la chorale «La Chanson de Fribourg» dirigée par Pierre Huwiler, avec la participation du chanoine Claude Ducarroz, un ami de Maurice Demierre, qui prononcera l’homélie.

Personnalités politiques fribourgeoises

Ces manifestations verront la participation de personnalités politiques fribourgeoises, notamment l’ancien conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf et l’actuelle conseillère d’Etat Anne-Claude Demierre (belle-sœur de Maurice Demierre).

Les organisateurs attendent également la venue de personnalités romandes, celle de l’agronome nicaraguayenne Jehovania Torres, jeune coordinatrice des projets de l’AMD au Nicaragua, ainsi que de personnalités de milieux religieux et paysans qui ont soutenu l’engagement de ce volontaire du mouvement «Frères sans Frontières». Elles se déroulent en partenariat notamment avec la paroisse de Bulle-La Tour, l’ONG E-Changer, et le Centre Culturel «Ebullition».

«Brigade suisse» en été 2016

En juillet 2016, un voyage de commémoration est mis sur pied par plusieurs organisations suisses de solidarité ou de jumelage avec le Nicaragua, dont l’Association Maurice Demierre. Le but de cette «Brigade suisse» est de rendre hommage aux compagnons assassinés, de visiter collectivement certains lieux et projets au Nicaragua pour s’imprégner sur place des priorités et perspectives de ce pays et pour réfléchir ensemble au sens et aux formes de la solidarité internationale aujourd’hui, spécialement avec le Nicaragua et l’Amérique Centrale. (cath.ch-apic/be)

 

 

Nicaragua 1983 Maurice Demierre dans la campagne près de Villanueva
9 février 2016 | 00:24
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
AMD (1), Contra (1), Maurice Demierre (1), Nicaragua (105), Reagan (2)
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