Georges Savoy: "C'est au sein des périphéries ou des milieux non-pratiquants, entre autres, que le diacre doit sonder la présence de la foi." (Photo: Grégory Roth)
Suisse

[2/5] Georges Savoy: «le diacre est avant tout une présence discrète»

Georges Savoy aurait voulu être un «diacre incognito». Responsable de la formation diaconale pour le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) entre 2008 et 2011, il croit au bénévolat du diacre permanent comme unique orientation pertinente pour son diocèse. Réflexions ouvertes.

Pour Georges Savoy, si le diacre est celui qui rend l’Eglise présente là où il est, dans des lieux qu’elle ne pourrait peut-être pas atteindre sans lui, le diacre incognito est celui qui fait la même chose, sans qu’on sache forcément qu’il en est un.

Inspirés du modèle français, sa femme Agnès et lui ont milité pour une orientation très claire lorsqu’ils étaient responsables de formation pour le diocèse: le diacre continue à travailler là où il se trouve. «Il gagne sa vie et à côté, bénévolement, il exerce un ministère de diacre, visible ou invisible, dans les milieux où il est», explique-t-il.

Le diacre n’est pas un agent pastoral par définition

Pour le philosophe-thérapeute de métier, le diacre n’est en aucune façon par définition un agent pastoral. «Lorsque ma femme et moi étions responsables de formation, il était hors de question de donner le diaconat à un agent pastoral. Cette règle a été tenue de notre temps pour que le diacre ne soit pas formellement membre de l’Eglise institutionnelle, mais qu’il soit justement présent là où elle n’est pas. Qu’il soit un ‘ministre du seuil’!»

«Le diaconat n’est pas une promotion.»

Dans le cadre de la formation diaconale, les Savoy ont visité plusieurs couples. Georges explique les avoir suivis, inspiré par la spiritualité de Charles de Foucauld, en lien avec les petits frères de Jésus qui jadis venaient se former à Fribourg. «Ils incarnaient cette présence discrète, mais non-explicitement missionnaire. Et c’est à cela que devrait ressembler un diacre. S’il est employé et salarié par l’Eglise, comme dans le diocèse de Bâle par exemple, s’il a le même discours qu’un curé, ou si le fait d’être à l’autel est perçu comme une promotion, alors pour moi, c’est raté. Le diaconat n’est pas une promotion.»

Etre à l’autel, c’est d’abord témoigner

Il argumente son propos: «Que le diacre apporte à l’autel ce qui est vécu dans son milieu, dans la vie réelle, en marge de l’Eglise, et qu’il témoigne à la communauté de ce qui s’y passe, c’est très important. Pour ma part, je ne vais pas à l’autel parce que je suis diacre; si je vais à l’autel, c’est pour rendre un service qu’on me demande, précise-t-il. La présence à l’autel est un témoignage, elle ne doit pas devenir une fonction et une fin en soi. ”

«C’est le goût du pouvoir qui nous menace tous de cléricalisation, clercs ou laïcs!»

Le «besoin de décléricalisation de l’Eglise» prononcé par le pape François, en lien avec la réforme de la curie romaine, parle beaucoup au Fribourgeois. Ce dernier estime que le diacre a peut-être une place à prendre dans ce mouvement de dépossession du pouvoir. «C’est le goût du pouvoir qui nous menace tous de cléricalisation, clercs ou laïcs», regrette-t-il.

Servir le monde, non un système

Il ne nie pas le «très bon boulot» que le diocèse fait dans le suivi du diaconat. Mais cette tendance cléricale est, pour lui, due à l’abandon d’une orientation de base du diaconat – à savoir, qu’il soit bénévole et au service des plus pauvres. «Le diocèse a pris la malheureuse option de faire autant de diacres que de diaconats, explique Georges Savoy, diluant le ministère dans un service de la hiérarchie. Le diacre n’est pas là pour servir un système, mais pour servir le monde. C’est au sein des périphéries ou des milieux non-pratiquants, entre autres, qu’il doit sonder la présence de la foi.» Il ressent une tendance de l’Eglise à vouloir institutionnaliser les ministères pour couvrir le territoire des besoins pastoraux, alors que ces derniers ne reflètent pas et n’englobent pas la réalité.

Dans son analyse, il reconnaît aussi une part d’utopie dans le fait d’envisager un ministère bénévole de diacre, en plus de sa vie professionnelle et familiale. Mais, pour lui, ce n’est pas un obstacle infranchissable. «Je ne connais pas de curé bénévole, mais je connais beaucoup de laïcs qui sont bénévoles. S’il y avait, dans le diocèse, des membres du clergé bénévoles, ce serait génial», lance-t-il, en guise de réponse.

Prêtres bénévoles?

Et pourquoi pas les prêtres? Pour Georges Savoy, l’exemple des prêtres ouvriers est éminemment intéressant. Il évoque un passage biblique qui l’a marqué: saint Paul s’exprime sur le concept de liberté. Un concept que le philosophe appelle «liberté de libération» et qui consiste aussi à choisir en toute liberté les choses difficiles. «Pourquoi certains prêtres, par pure liberté, ne décideraient pas de refuser leur salaire, et de vivre uniquement des dons des paroissiens?», lâche-t-il, pour ouvrir la réflexion.


Georges Savoy: de la liturgie à la diaconie

Ordonné à 56 ans en 2004 par Mgr Bernard Genoud, Georges Savoy a rencontré sa vocation diaconale par la liturgie, qu’il affectionne particulièrement. «Je critique les diacres qui veulent être absolument à l’autel, mais j’ai moi-même beaucoup été dans le chœur de l’église pour animer les chants d’assemblée», plaisante-t-il, en autodérision. C’est notamment les 15 ans où il animait des Montées vers Pâques à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard que la question du diaconat lui a été posée.

«Je devais certainement être difficile à cadrer.»

La formation diaconale de quatre ans s’est déroulée dans un questionnement intense, avec une épouse très impliquée. Le ‘oui’ final a mis du temps à venir, car dès le début du discernement, ils avaient l’un comme l’autre senti une pression institutionnelle, se souvient-il. «De l’autre côté, j’ai senti que mes responsables ont passablement hésité à me donner le diaconat, reconnaît-il. Je devais certainement être difficile à cadrer. Peut-être que mon état de philosophe posait un peu problème.»

Etabli à Charmey, Georges Savoy a enseigné la philosophie pendant 37 ans, au collège St-Michel, ainsi qu’à l’Université, à Fribourg. En tant que diacre, il a été d’abord aumônier d’école, puis responsable de la formation diaconale du diocèse LGF. Il a également accompagné des mouvements comme la Révision de vie. Actuellement, il exerce la fonction de philosophe-thérapeute dans son propre cabinet, à Marly. (cath.ch/gr)

Georges Savoy: «C'est au sein des périphéries ou des milieux non-pratiquants, entre autres, que le diacre doit sonder la présence de la foi.»
4 octobre 2016 | 08:25
par Grégory Roth
Temps de lecture : env. 4  min.
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Dossier: 50 ans de diaconat permanent

Chaque semaine jusqu’à fin octobre, retrouvez le portrait-témoignage de diacres qui ont marqué l’histoire du diaconat en Suisse romande.

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Le diaconat permanent en Suisse romande

Dans l’Eglise catholique, le diaconat permanent a soufflé ses 50 bougies. Disparue vers le Xe siècle, cette fonction de clerc a été restaurée au concile Vatican II (1962-1965). Comment ce ministère consacré aux plus démunis s’est-il installé en Suisse romande au bout d’un demi-siècle?

Tous les prêtres ont d’abord été diacres. «C’est pour qu’ils n’oublient jamais qu’ils ont d’abord été serviteurs», rappellent certains. Car «diacre» vient du grec «diakonos» qui signifie «serviteur». Par opposition au diacre ordonné en vue de la prêtrise, le diacre permanent, comme son nom l’indique, reste diacre à vie. Axé principalement sur les services de la charité, de la liturgie et de la Parole de Dieu, ce ministère est aussi ouvert aux hommes mariés.

Les contours du diaconat ne sont pas définis comme ceux de l’évêque et du prêtre. Certains diacres sont bénévoles et exercent une profession à plein temps. D’autres sont des théologiens et sont engagés entièrement dans l’Eglise. Certains assurent la lecture de l’Evangile et le service à l’autel, tandis que d’autres sillonnent les couloirs d’hôpitaux à l’écoute des patients. Certains sont mariés et ont une famille nombreuse, d’autres sont célibataires et vivent en communauté.

Pour mieux comprendre le rôle et la situation actuelle du diaconat en Suisse romande, plusieurs diacres permanents ont témoigné de leur expérience. Tous ordonnés depuis plus de dix ans et tous mariés, ils font part de leurs satisfactions et expriment également leur ressenti, face à la complexité de cette fonction en Eglise.