"La crise sanitaire a révélé le visage d’un monde malade économiquement, politiquement, écologiquement",
a mis en garde le pape dans son discours aux diplomates | © Grégory Roth
Vatican

2020: une crise anthropologique, affirme le pape aux diplomates

Les crises de notre époque ne peuvent être vaincues qu’en «sauvegardant la dignité transcendante de toute personne humaine», a déclaré le pape François lors de son discours au corps diplomatique le 8 février 2021. Il a mis en garde contre la «crise  anthropologique générale» qui touche la société et concerne «la conscience même de la personne humaine». 

Prévu à l’origine le 25 janvier dernier mais reporté à cause d’une crise de sciatique, le traditionnel discours au corps diplomatique a finalement été prononcé par le Souverain pontife dans l’Aula des Bénédictions au Vatican deux semaines plus tard. Revenant sur une année 2020 qui a apporté «son fardeau de peur, de découragement et de désespoir», l’évêque de Rome a fait le bilan des cinq grandes crises qui continuent de frapper la société. 

La plus grave crise, a affirmé le pape François, est une crise anthropologique générale, et concerne «la conscience même de la personne humaine». Révélée par l’isolement provoqué par la crise sanitaire, cette «crise des relations humaines» ne peut être vaincue «qu’en sauvegardant la dignité transcendante de toute personne humaine», a affirmé le pontife.

Selon l’évêque de Rome, la crise sanitaire a révélé le «visage d’un monde malade» économiquement, politiquement, écologiquement et, «plus encore», humainement. «Le monde interconnecté auquel nous étions habitués a cédé le pas à un monde à nouveau fragmenté et divisé», a-t-il souligné.

2021 est un temps qu’il ne faut pas perdre, a mis en garde la pape François. Dans ce contexte, «fraternité et espérance sont des remèdes dont le monde a besoin aujourd’hui, autant que des vaccins». 

Personne n’est une île

La pandémie a exposé «deux dimensions incontournables de l’existence humaine: la maladie et la mort». Le pape a rappelé que face à ce genre d’événement, personne n’est une île, et cité le poète britannique John Donne: «la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain». 

Le Souverain pontife a déploré que, «prétextant garantir de prétendus droits subjectifs», de nombreux États semblent s’être éloignés du «devoir essentiel de protéger la vie humaine». Il a plaidé pour l’accès universel à l’assistance sanitaire de base et a renouvelé son appel à la distribution équitable des vaccins.

L’évêque de Rome a cependant mis en garde: «il serait fatal de mettre sa confiance seulement dans le vaccin, comme si c’était une solution miracle qui dispense de l’engagement constant de chacun pour sa santé et celle des autres». «La logique du profit ne peut, en effet, guider un domaine aussi délicat que celui de l’assistance sanitaire et des soins», a-t-il prévenu.

La Terre aussi «a besoin de soins»

Le rédacteur de Laudato si’ a rappelé l’actualité de la crise environnementale et souligné combien la crise sanitaire avait montré que la Terre, elle aussi, «est fragile et a besoin de soins». Il a appelé les nations à trouver «une entente efficace pour affronter les conséquences du changement climatique» lors de la COP26 de Glasgow. 

Une économie fondée sur le rejet des personnes

Le pape argentin a souligné l’importance de la crise économique et socialeactuelle, en particulier l’effet pervers qu’a eu sur le quotidien de milliers de personnes et surtout les plus faibles, le ralentissement de l’économie lié à la pandémie. La crise sanitaire, a-t-il souligné, a mis en évidence la maladie d’une «économie fondée sur l’exploitation et sur le rejet aussi bien des personnes que des ressources naturelles». 

La crise est l’occasion d’opérer une «nouvelle révolution copernicienne» qui remettrait l’économie au service du bien général. Dans ce but, le pontife a demandé la mise en place d’initiatives communes en faveur des pays les plus pauvres, donnant en exemple le plan Next Generation EU de l’Union européenne. 

La plus grande crise des réfugiés depuis 1945

Le pape François a souligné combien la crise pandémique avait, avec la fermeture des frontières, accentué le sort des migrants, à commencer par ceux du Tigré (Éthiopie) réfugiés au Soudan, ou ceux fuyant la région de Cabo Delgado au Mozambique. «Depuis la Seconde Guerre mondiale, le monde n’avait pas encore assisté à une augmentation aussi dramatique du nombre de réfugiés». Le pape a eu une pensée pour les populations et les enfants «épuisés par la malnutrition» au Yémen, au Sahel et en Syrie. Il a appuyé les efforts de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). 

Le pape François a dénoncé les sanctions économiques, qui touchent principalement les plus pauvres, et a demandé la mise en place de «flux d’aides humanitaires». Il a une nouvelle fois dénoncer les dettes des pays pauvres qui empêchent «la relance et le plein développement». 

Maintenir la démocratie, un défi historique

«La crise politique est à la racine des autres crises», a affirmé le chef d’État du Vatican. «Maintenir vivantes les réalités démocratiques est un défi de ce moment historique», a-t-il insisté. Dans ce but, il a demandé de poursuivre le «chemin d’un dialogue inclusif, pacifique, constructif et respectueux».

À cette occasion, le pontife a exprimé sa proximité aux habitants du Myanmar, déplorant que le «chemin vers la démocratie» ait été interrompu par un coup d’État. Il a demandé la libération des responsables politiques emprisonnés, point de départ d’un «dialogue sincère pour le bien du pays». 

Liban et Terre Sainte

Le pape François a une nouvelle fois exprimé son vœu de paix pour la Terre Sainte, soulignant que la confiance réciproque doit être à la base d’un dialogue direct et constructif pour résoudre ce conflit «qui dure depuis trop longtemps». Il a invité la communauté internationale à ne pas «prétendre dicter des solutions qui n’ont pas pour horizon le bien de tous», une référence à l’accord négocié par l’administration Trump et Israël, sans la participation des représentants palestiniens.

Il a aussi renouvelé son appel à un «engagement national et international» en faveur du Liban et de son «identité unique». Le pays du Cèdre est l’image d’un «Moyen Orient pluriel, tolérant et divers, où la présence chrétienne [peut] offrir sa contribution et ne [doit pas être] réduite à une minorité qu’il faut protéger». Dès lors, a-t-il prévenu, «affaiblir la communauté chrétienne risque de détruire l’équilibre interne et la réalité libanaise elle-même». 

Protéger les lieux de culte

Le pape François a demandé la paix en Libye, et salué l’organisation par les Nations unies d’un Forum du dialogue politique libyen en Tunisie en novembre dernier. Il a exprimé son inquiétude face à la situation en République centrafricaine, face aux profondes inégalités qui déstabilisent l’Amérique du Sud. Il déplore aussi la détérioration des relations en Corée, et la crise dans le Caucase méridional où des conflits gelés perdurent, sans mentionner spécifiquement l’Arménie ou l’Azerbaïdjan.

Le chef de l’Église catholique a dénoncé l’intensification, ces dernières années, d’une «autre grave plaie de notre époque: le terrorisme», qui s’en prend aux «populations civiles sans défense». Il a eu une pensée pour les victimes en Afrique subsaharienne, en Asie et en Europe, et a en particulier demandé aux autorités civiles de respecter leur devoir d’assurer la « protection des lieux de culte», souvent pris pour cible. (cath.ch/imedia/cd/bh)

«La crise sanitaire a révélé le visage d’un monde malade économiquement, politiquement, écologiquement», a mis en garde le pape dans son discours aux diplomates | © Grégory Roth
9 février 2021 | 15:14
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 5  min.
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