"Périphéries existencielles". Élu 266e pape, Jorge Mario Bergoglio a façonné tout son pontificat avec cet appel | © Grégory Roth
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2013-2023: Dix mots emblématiques du pontificat de François

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Synodalité, périphérie, culture de la rencontre, cléricalisme… À l’occasion de l’anniversaire des 10 ans de l’élection du pape François, le 13 mars 2023, l’agence I.MEDIA propose un florilège de 10 mots qui éclairent son pontificat. 

1. Périphérie

«Les périphéries existentielles sont le centre du cœur de Dieu. Jésus a voulu venir dans nos périphéries existentielles. Lui-même s’est fait périphérie existentielle.» (21 mai 2020)

Lors des réunions pré-conclave en mars 2013, un cardinal s’est distingué en souhaitant une Église en sortie dans les «périphéries géographiques et existentielles». Élu 266e pape, Jorge Mario Bergoglio a façonné tout son pontificat avec cet appel. Aujourd’hui, n’a-t-il cessé de répéter, renversant la parabole du Bon Berger, le pasteur ne peut se contenter de peigner la brebis restée dans la sacristie, mais doit aller chercher les 99 brebis égarées. Joignant le geste à la parole, pour ses voyages, il privilégie des destinations à l’écart, à faible majorité catholique, évitant les grands pays traditionnels. Il donne des entretiens à des personnes athées, reçoit des groupes de personnes transsexuelles, accueille des SDF en collocation à Sainte-Marthe pendant quelques jours. Jusqu’à être surnommé «le pape des périphéries». 

2. Ecologie intégrale 

«Malheureusement la mentalité mondaine pollue aussi l’écologie, la réduit, la rend idéologique et superficielle. Au contraire l’horizon de Dieu est celui d’une écologie intégrale, qui réunit toujours la dimension environnementale et la dimension sociale, le cri de la Terre et le cri des pauvres». (24 mars 2022)

Le pape François a consacré l’encyclique Laudato Si’ – Loué sois tu – à l’écologie intégrale, et ce thème est aussi un cheval de bataille d’un dicastère du Vatican refondé dans le cadre de la réforme de la Curie romaine. Le «cri de la terre», estime le pape, est un appel à «une profonde conversion intérieure». «Il n’existe pas de planète B», scande-t-il en fustigeant la «gloutonnerie de ressources naturelles», mais aussi la tendance à «se perdre en bavardages» au niveau international, sans passer suffisamment à l’action. Le pontife suggère aussi d’introduire dans le Catéchisme de l’Église catholique la notion de «péché contre l’écologie». 

3. Cléricalisme 

«Ne tombez pas dans le cléricalisme, qui est l’une des pires perversions. Faites très attention, le cléricalisme est une forme de mondanité spirituelle.» (28 novembre 2022)

Le pape François a déclaré la guerre au cléricalisme. À temps et à contretemps, il dénonce ce «fléau» qui place « une caste de prêtres «au-dessus» du peuple de Dieu, et qui sévit y compris chez «les laïcs cléricaux». Un mot qui, pour le pape, va de pair avec «la rigidité», et sous lequel on trouve toujours «de la pourriture», comme celle des abus. Ce cléricalisme englobe ceux qui utilisent «la religion pour s’occuper de leurs affaires, abusant de leur autorité et exploitant les pauvres». Le remède au cléricalisme, c’est marcher au milieu du troupeau pour sentir «l’odeur des brebis»; c’est la vie avec le peuple, autre réalité très présente dans la pensée de l’ancien archevêque de Buenos Aires qui au Saint-Siège a nommé des laïcs à des postes clés. 

4. Synodalité 

«Je répète que le Synode n’est pas un parlement, que le Synode n’est pas une enquête d’opinions; le Synode est un moment ecclésial, et le protagoniste du Synode est l’Esprit-Saint. S’il n’y a pas d’Esprit, il n’y aura pas de Synode.» (9 octobre 2021)

Comment faire participer tous les baptisés à la vie de l’Église catholique? La synodalité comme style de vie de l’Église est l’un des grands leitmotivs du pontificat de François. Un thème qui fait l’objet d’un grand chantier depuis octobre 2021, et sur lequel se sont penchés les diocèses du monde entier, puis les Églises continentales, avant les assemblées synodales prévues à Rome en octobre 2023 et octobre 2024. Ce grand mouvement de fond doit, pour François, éduquer l’Église à la synodalité: écoute de l’autre, marche commune, malgré les différences. Le pape veut en cela promouvoir la décentralisation et la coresponsabilité entre prêtres et laïcs, tous baptisés. 

Le Synode sur la synodalité a entamé sa phase continentale | © Vatican Media

5. Miséricorde 

«Dans l’Église, aujourd’hui et toujours, le pardon doit ainsi nous rejoindre, à travers l’humble bonté d’un confesseur miséricordieux, qui sait qu’il n’est pas le détenteur d’un pouvoir quelconque, mais un canal de miséricorde. […] Dieu pardonne tout, tout et toujours. Nous sommes ceux qui en ont assez de demander pardon, mais Il pardonne toujours.» (24 avril 2022)

Le pape François prononçait ces mots quelques jours après son élection au siège de Pierre. Et il n’a cessé de les répéter durant cette décennie, jusqu’à lancer un Jubilé de la miséricorde sur l’année 2016. On ne compte plus le nombre de fois où le pontife argentin s’est référé à la parabole du Fils prodigue, comme archétype d’un Dieu qui ne cesse d’attendre l’homme. «Une fois? Non. Deux fois? Non. Trois? Non. Toujours. Chaque fois que tu vas mal, le Seigneur tend sa main», insiste-t-il. Le pape qui a pris pour devise «Miserando atque eligendo» – «Choisi parce que pardonné» – en est persuadé: même si l’on fait «toujours les mêmes choses», Dieu «oublie tous nos péchés». 

6. Culture de la rencontre

«Il y a une culture de la rencontre, qui nous protège de n’importe quelle forme de culture du rejet.» (29 mai 2016)

La culture de la rencontre est une expression forgée par le pontife argentin, qui se dessine derrière ses multiples initiatives pour la paix. Le pape a dressé l’architecture de cette culture dans son encyclique Fratelli tutti (2020) sur la fraternité et l’amitié sociale. Le texte s’inspire de l’un des grands gestes de son pontificat: la signature du Document sur La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune effectuée à Abou Dhabi avec le grand imam d’Al-Azhar Ahmed Al-Tayyeb, en 2019. Autre corollaire de la culture de la rencontre: la culture du soin. 

Le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayeb signent, le 4 février, un «document sur la fraternité humaine». Le texte aborde notamment les thèmes du fanatisme religieux, de la liberté religieuse et des droits des femmes | © Keystone/Vincenzo Pinto / AFP

7. Pauvres

«Comme je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres.» (16 mars 2013) 

François a choisi son nom de pape «pour les pauvres», et ce sont eux qu’il a souhaité mettre au centre de son pontificat. Sans pour autant tomber dans le paupérisme, se défendait-il en 2020. Il s’agit de «ne pas être esclaves des richesses, ne pas vivre pour les richesses» qui «sont un empêchement pour avancer». Parmi les plus pauvres, l’un des sujets de préoccupation du pape sont les migrants, autour desquels il a dédié plusieurs de ses voyages, dont le premier, à Lampedusa. L’homme en blanc qui s’est rendu deux fois à Lesbos (Grèce) pour dénoncer « un naufrage de civilisation» en Méditerranée, ne cesse de secouer les consciences du Vieux continent, s’opposant aux discours nationalistes, exhortant à surmonter les «ghettoïsations», «la paralysie de la peur» et «le désintérêt cynique».

Le pape François déjeune à la salle Paul VI lors de la Journée mondiale des pauvres | © Vatican Media

8. Crise

«Dans la vie, souvent, les pas en avant les plus importants se font précisément à l’intérieur de certaines crises, de situations d’épreuve, de perte de contrôle, d’insécurité.» (13 novembre 2022)

Crise sanitaire, crise éducative, crise environnementale… Le pape François se préoccupe de l’état d’un monde confronté à «un changement d’époque». Mais la crise, pour l’Argentin, «est une opportunité et offre des occasions de croissance». À condition cependant qu’elle ne se transforme pas en conflit car «le conflit est toujours fermé, sans horizon et sans issue». Pour éviter cette impasse, le pontife préconise d’éduquer les jeunes «à vivre la crise et à la surmonter ensemble».  

9. Colonisation idéologique

«Combien de colonisations politiques, idéologiques et économiques reste-t-il dans le monde, poussées par la cupidité, la soif de profit, sans tenir compte des populations, de leurs histoires et de leurs traditions, pas plus que de la maison commune de la création.» (1er avril 2022)

Le pape dénonce régulièrement les «colonisations idéologiques». Encore récemment, lors de son traditionnel discours de nouvelle année au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège en 2021, le pape François a déploré une «colonisation idéologique qui ne laisse pas la place à la liberté d’expression» dans les institutions publiques. Il n’est pas rare qu’il dénonce à ce titre les pratiques de certaines organisations internationales mettant aux pays pauvres des conditions «législatives et colonialistes» pour l’octroi de crédits. Pour le pontife de 86 ans, cette colonisation prend aussi «la forme de la cancel culture». 

10. Corruption

«La corruption est une forme de blasphème (…). Il n’y a pas Dieu mais il y a le Dieu argent, le Dieu bien-être, le Dieu exploitation.» (24 novembre 2016) 

Encore récemment, lors de son voyage en Afrique en février dernier, le pape François a appelé les jeunes Congolais à ne «jamais céder aux flatteries, séductrices mais empoisonnées, de la corruption». «Pas de corruption», a-t-il fait répéter à la foule en français, depuis le stade de Kinshasa. Pour le pape, le «corrompu» est celui qui mène une double vie. Ainsi en va-t-il de celui «qui se vante d’être chrétien mais ne mène pas une vie de chrétien». «Pécheurs oui, corrompus, non», a-t-il souvent scandé lors d’homélies. (cath.ch/imedia/ak/bh)

10 ans de pontificat dans l’émission «Babel»
Le 13 mars 2013, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio est élu pape et prend le nom de François. Réformes de la Curie et du Synode, lutte contre la corruption et les abus sexuels, place des femmes et des laïcs, défense des migrants, diplomatie vaticane… après dix ans de pontificat, c’est l’heure du bilan, avec Loup Besmond de Senneville, correspondant à Rome du quotidien La Croix. Une proposition de Carole Pirker. 
> Babel, le 12 mars sur RTS Espace 2, à 11h

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«Périphéries existencielles». Élu 266e pape, Jorge Mario Bergoglio a façonné tout son pontificat avec cet appel | © Grégory Roth
10 mars 2023 | 17:00
par I.MEDIA

A l'occasion des 10 ans de l'élection du pape François, cath.ch revient sur différents aspects de son pontificat: la communication, les réformes, les grands gestes, les mots emblématiques et la lutte contre les abus, autant de thèmes que vous retrouvez dans ce dossier spécial.

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