Le Père Bernard Bitschnau à Lourdes dans les années 1990. (Photo: Archives/Viron)
Suisse

20 ans après sa mort, le Père Bernard Bitschnau est toujours dans les mémoires

Une messe marquera le 20e anniversaire de la mort du Père Bernard Bitschnau, le 23 avril 2017, à l’église du Sacré-Cœur à Sion. Véronique Denis évoque la personnalité de ce missionnaire du Sacré-Cœur à l’énergie et au charisme hors norme qui rayonne encore aujourd’hui. L’Eglise en Suisse romande lui doit beaucoup de vocations.

«Bernard était un homme profondément religieux, très priant. Il a passé sa vie ancré dans le Christ», se souvient, émue, Véronique Denis, responsable de la catéchèse du diocèse de Sion. A l’époque membre de la communauté des Missionnaires du Sacré-Cœur, à la Villa Vandel, à Châtel-Saint-Denis (FR), elle a côtoyé le Père Bernard Bitschnau pendant 10 ans.

«Beaucoup de personnes m’ont sollicitée pour organiser une messe anniversaire des 20 ans de sa mort. 20 ans après, les gens m’arrêtent dans la rue pour me parler de lui». Véronique Denis esquisse, avec quelques souvenirs, le portrait du religieux qui fut à l’origine de bien des vocations en Suisse romande, tant chez les laïcs que chez les agents pastoraux. Bernard Bitschnau avait trouvé la sienne à 9 ans, en se demandant «qui pourrait remplacer» le capucin âgé qui prêchait la retraite de sa première communion. «Par dessus tout, il aimait les gens. Il les prenait là où ils en étaient dans leur vie, ne jugeait pas. Il trouvait les mots essentiels et les emmenait vers le Christ».

La prière avant tout

«Avec lui, quelle que soit l’heure, on priait». En voiture, à minuit ou une heure du matin, il y avait toujours un moment consacré à la prière. Dès qu’il arrivait à la Villa Vandel, il filait à la chapelle pour prier. Pendant les vacances, il consacrait quotidiennement une heure et demie à la prière et à l’Evangile, autour duquel il échangeait avec les membres de la communauté.

Un rassembleur

Diplômé en orgue et en chant grégorien, il a mis la musique et le chant au centre des célébrations. «Il achetait à la Procure tous les nouveaux chants qui sortaient. Cela donnait des messes joyeuses et très rythmées». Il a fait chanter et jouer toutes les générations, en particulier les jeunes. Une manière d’impliquer les fidèles dans la célébration. Sa marque de fabrique. Il en faisait de même avec son équipe à laquelle il savait déléguer l’organisation et l’animation spirituelle. «Il nous mettait dans le coup, il impliquait les gens. Il savait faire confiance».

Doté d’un charisme exceptionnel, il a su fédérer les jeunes autour de l’Eglise. On lui doit le pèlerinage des jeunes de Suisse romande à Lourdes. Au plus fort de la vague qu’il a lancée, ils étaient 300 à le suivre au sanctuaire marial chaque été, dans les années 1980 et 1990. «Tout a commencé en 1975, alors qu’il animait le pèlerinage pour les aînés et les malades. Il avait remarqué que les adolescents qui accompagnaient leurs parents s’ennuyaient». A l’époque rien n’était prévu pour eux. «Il a commencé à s’en occuper et à organiser des activités. Ils ont suivi.» Autant de jeunes qui ont formé les familles et se sont rendus en pèlerinage à Lourdes les décennies suivantes.

Le Père Bernard Bitschnau à la chapelle du Cairn, Cité Saint-Pierre, à Lourdes. Années 1980. (Photo: DR)

 La Villa Vandel, carrefour de la jeunesse catholique romande

«La Villa Vandel est devenue une maison de référence pour la Suisse romande, notamment pour les jeunes». On doit en effet au Père Bernard Bitschnau les retraites de préparation à la première communion et à la confirmation. Le lieu a vu les premières montées vers Pâques organisées pour les jeunes. Ils sont des centaines de toute la Romandie à être passés au centre de Châtel-Saint-Denis. Le groupe des jeunes de Lourdes y a établi son quartier général. Mais pas seulement, puisque le lieu, centre de retraite spirituelle depuis 1972, recevait aussi des couples et des religieux(es).

Il ne savait pas dire «non». Sa disponibilité pour les autres l’envoyait sur les routes à toute heure du jour et de la nuit. Il n’aimait pas la routine, à laquelle il a toujours opposé l’innovation: que ce soit dans l’animation des messes, dans le choix des chants, dans les symboles utilisés lors des célébrations.

Le Père Bitschnau était une force de la nature, plutôt fonceur. Rien ne semblait arrêter, jusqu’à ce jour d’avril 1997. Un infarctus décelé trop tard avait affaibli son cœur. Il ne s’est pas réveillé d’une opération tentée en désespoir de cause. «Allez à la chapelle, confiez l’opération à Dieu pour que tout se passe bien et pour qu’il guide la main du chirurgien». Ce furent les derniers mots qu’il confia à Véronique Denis, avant l’opération. «Jusqu’au bout il aura demandé qu’on prie».

Quelques jours plus tard, 1500 personnes, parmi lesquelles cent prêtres, ont assisté à son enterrement. L’église de Bramois (VS), où une centaine de jeunes ont chanté à ses funérailles, était trop petite pour accueillir autant de monde. (cath.ch/bh)


Une génération en héritage

«Notre génération est l’héritage qu’il a légué à l’Eglise en Suisse romande. Pratiquement tous les jeunes que j’ai rencontrés lors des montées vers Pâques sont engagés en Eglise, d’une manière ou d’une autre. Beaucoup de couples se sont formés à la Villa Vandel. Ils sont autant de familles qui perpétuent la tradition du pèlerinage à Lourdes. Nos enfants prennent le relais. C’est un état d’esprit qu’il nous a donné et que nous avons à cœur de conserver», témoigne Maryline Hohenauer.

Cette catéchiste à la paroisse de Muraz, qui a effectué quatre montées vers Pâques entre 1994 et 1998, se rappelle encore des clous que les jeunes allaient planter sur une croix en bois posée par terre. «Une manière de rappeler qu’avec nos péchés, on crucifiait Jésus». Après la confession, les jeunes étaient invités à retirer le clou. «Cela nous a marqué! C’était des symboles forts, nouveaux et pas gratuits».

«Il était tellement rassembleur! J’ai été très touchée par la place qu’il donnait aux personnes handicapées. Il y en avait toujours trois ou quatre dans le groupe. Il a su aussi donner leur chance aux jeunes en rupture avec la société. Il les accueillait sans condition. Il avait à cœur de révéler le meilleur de chacun de nous. Tout le monde venait vers lui pour se confesser. Il connaissait chacun par son prénom».

Elle se souvient de son charisme. «Il prêchait sans note, avec des mots simples. Il était très concret et ancré dans la réalité. Il savait rejoindre les jeunes. Ce que nous vivions à Châtel-Saint-Denis devait se prolonger dans nos paroisses. Pendant les montées vers Pâques, nous allions animer des célébrations et des soupes de Carême dans les paroisses alentour. Pour lui, il n’était pas question de rester enfermés entre nous».


Un missionnaire

Né en 1931, le Père Bernard Bitschnau est originaire de Bramois (VS). Il est passé au petit séminaire, avant de faire ses études à Fribourg et à Strasbourg. Il a prononcé ses vœux en 1953 chez les Missionnaires du Sacré-Cœur (MSC), une congrégation basée à Issoudun, en France.

Ordonné prêtre en 1959, il a enseigné à la Villa Vandel qui était le petit séminaire des MSC, fermé en tant que tel en 1972. Le lieu fut transformé en centre de retraite spirituelle et connut un grand rayonnement sous la houlette du religieux valaisan. Bernard Bitschnau est décédé le 8 avril 1997, après avoir animé une dernière montée vers Pâques. La Villa Vandel fut vendue à un promoteur en 2005 et rasée pour laisser la place à des immeubles. (cath.ch/bh)

Le Père Bernard Bitschnau à Lourdes dans les années 1990.
18 avril 2017 | 12:00
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 5  min.
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